samedi 20 avril 2024

Paris. Théâtre des Bouffes du Nord, le 27 avril 2011. Frédéric Verrières: The Second Woman. Jean-Yves Aiziz, Jean-Sébastien Bou, Elizabeth Calleo,… Jean Deroyer, direction. Guillaume Vincent, mise en scène

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The Second Woman

Une création lyrique ayant pour thème et fil conducteur… un opéra en cours d’élaboration, voilà qui n’est pas nouveau. De Gassmann à Strauss, depuis le 18e siècle, le sujet de la gestation et la – souvent pénible et laborieuse – mise au monde de l’œuvre inspirent les compositeurs. En cette fin de mois d’avril 2011, c’est le français Frédéric Verrières qui nous livre sa vision du cheminement artistique, sur un livret de Bastien Gallet, dans une superbe mise en scène de Guillaume Vincent : The Second Woman, librement inspiré de la pièce de théâtre qui se joue dans Opening Night, le film de John Cassavetes.
Pas de personnages au sens où nous l’entendons habituellement à l’opéra, mais des figures archétypales bien connues du milieu lyrique : la cantatrice, la chanteuse non lyrique – regroupant bien des aspects et des formes différentes –, la colorature, le baryton, le metteur en scène, le pianiste et le chef d’orchestre. L’œuvre débute par des situations bien connues de travail, de répétitions, de corrections… pour s’ouvrir sur les doutes de la cantatrice au sujet de son art et de sa voix. Plongée dans un délire, au milieu d’un rêve qui peut à tout instant tourner au cauchemar, elle convoque le souvenir de sa sœur, incarnée par la colorature, et avec elle les grandes héroïnes de l’histoire lyrique. C’est ainsi que le compositeur revisite les phrases-clefs de Tosca, Lucia di Lammermoor, Lakmé, Zerbinette, jusqu’à Didon. Entourant ces femmes légendaires, la musique traverse les styles et les époques, les intonations et les vocalités, reliant les Balkans et leur chant poignant de désespoir à la pop et son clinquant, alternant la langue anglaise et le français. Toujours dans la configuration propre aux Bouffes du Nord, qui rend le public du parterre plus proche que jamais des comédiens, les spectateurs sont happés par le drame qui se joue sous leurs yeux, une performance réunissant des artistes de plusieurs horizons.
Elizabeth Calleo incarne une cantatrice émouvante, en proie aux peurs et aux doutes, magnifique actrice littéralement magnétique, à laquelle répond l’énergie tranchante de la voix puissante, riche et vertigineusement étendue de Marie-Eve Munger. Face à ces deux sœurs, indissociables l’une de l’autre, le couple formé par Jeanne Cherhal, au grain de voix si particulier et à la présence si charismatique, et Jean-Sébastien Bou, volontairement engoncé dans son emploi de baryton et pourtant trouble et dangereux, fait des étincelles. Tournant autour d’eux, le metteur en scène de Philippe Smith réalise une parfaite caricature des travers de certains scénographes jamais satisfaits, alors que Jean-Yves Aiziz se révèle exceptionnel pianiste, audacieux autant que musicien.
Tout ce monde se croise et s’entrechoque, jusqu’à la première de la pièce dont l’œuvre fait l’objet, une partition riche et pleine, foisonnante, aux sonorités étranges et fascinantes, magnifiquement défendue par l’ensemble Court-Circuit, dirigé de main de maître par Jean Deroyer. Une belle création, qui interpelle et questionne sur la forme même de l’opéra aujourd’hui.

Paris. Théâtre des Bouffes du Nord, 27 avril 2011. The Second Woman. Livret de Bastien Gallet. Musique de Frédéric Verrières. Avec Le pianiste et répétiteur : Jean-Yves Aiziz ; Le baryton : Jean-Sébastien Bou ; La cantatrice : Elizabeth Calleo ; La chanteuse : Jeanne Cherhal ; Le chef d’orchestre : Jean Deroyer ; La colorature : Marie-Eve Munger ; Le metteur en scène : Philippe Smith. Ensemble Court-Circuit. Jean Deroyer, direction musicale. Mise en scène : Guillaume Vincent. Dramaturgie : Marion Stoufflet ; Scénographie : James Brandily ; Lumières : Sébastien Michaud ; Costumes : Fanny Brouste ; Musique électronique : Olivier Pasquet

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