vendredi 29 mars 2024

Paris. Théâtre des Abbesses, le 16 février 2013. Jean-Sébastien Bach: Intégrale des Sonates et Partitas pour violon. Amandine Beyer, violon.

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L’année dernière Amandine Beyer était à Paris dans ce même théâtre des Abbesses qui l’accueille aujourd’hui, pour donner une partie des sonates et partitas de Jean-Sébastien Bach, qu’elle venait d’enregistrer chez Zig-Zag Territoires. Elle nous avait alors donné rendez-vous, en 2013 pour l’intégrale en concert et en échange nous lui avions promis d’être là.

Et comment aurait-on pu manquer à notre promesse ? Pour ce premier concert, elle nous a offert deux sonates (la sonate BWV 1001 et BWV 1005) et la partita BWV 1004.
Tout violoniste rêve un jour d’aller à la rencontre de ce monument que sont les Sonates et Partitas. Une telle rencontre n’est pas sans risques, tant elles ont été enregistrées et données en concert par les plus grands. Mais Amandine Beyer est une artiste unique. Sa générosité, son humilité, son sourire et sa complicité avec la musique du Cantor, dont elle se joue des difficultés avec humour et une virtuosité lumineuse, lui permettent de les aborder, sans crainte, avec un réel plaisir.


Amandine Beyer : Un enchantement qui n’est qu’un début

En pantalon de soie bleu et un petit haut blanc tout simple, Amandine Beyer offre au public la quintessence même d’une musique qui révèle l’homme à lui-même et à sa solitude. Sei solo… tout a été dit et écrit, du moins tout ce que l’on sait de ces oeuvres qui nous semblent aujourd’hui si unique tout aussi bien par leurs difficultés d’interprétation que par le sens que l’on peut leur donner. Et pourtant comme l’écrit Amandine dans le livret du CD, elles gardent en elles-mêmes un halo de mystère lié à l’histoire du manuscrit qui les a conduit jusqu’à nous, mais aussi à ce que l’interprète peut en offrir au public. C’est le XXe siècle qui en a fait un monument et beaucoup d’hypothèses président encore sur la connaissance de leur origine. L’on sait que Georg Pisendel, un des plus grands interprètes du début du XVIIIe siècle en possédait un exemplaire. Quant au manuscrit autographe daté de 1720, disparu pendant près de 130 ans et sauvé in extremis d’un tas de vieux papiers destinés à servir de papier d’emballage, il porte un titre qui a fait couler beaucoup d’encre : “Sei solo a violino senza basso accompagnato”. Ce Sei solo (“tu es seul”) porte en lui une charge d’intime émotion face à la solitude. Celle bien évidemment du violoniste sur scène mais plus encore celle de l’homme face à lui-même.

Dans la première partie du concert, Amandine Beyer semble entamer un dialogue avec un ami invisible, que son âme d’artiste perçoit et partage. Violon simplement posé sur l’épaule, sans mentonnière, Amandine Beyer dispose d’une liberté totale. La souplesse du poignet lui permet de dessiner des courbes, qui font danser, chanter le violon. La technique aussi difficile soit-elle, n’est pas une contrainte sous ses doigts, elle offre au contraire de si riches possiblités qu’on reste médusé à l’observer, à l’écouter. Est-ce le chant des doubles cordes, où les jeux d’ombres autour de l’interprète, toujours est-il que parfois on se prend à imaginer la présence d’un autre violoniste à ses côtés. Et ce qui pourrait apparaître à quelques spécialistes acharnés de la partition sur les genoux, comme de petites imperfections, deviennent ici le don d’une humaine faiblesse, intrépide et fertile.

Le public parisien tousse beaucoup, mais en fin de première partie, avant d’entamer la chaconne de la partita et après un court recueillement, l’artiste s’est adressée à la salle en une prière teintée d’humour… en lui demandant de se soulager avant qu’elle n’entâme cet instant où la virtuosité devient une intense méditation. Impossible alors de prolonger l’entracte qui suivit et avec la sonate n°3 en ut majeur, BWV 1005, Amandine Beyer nous a emporté à la limite de l’inconscience, dans un moment de clair obscur dans la fuga alla breve puis dans le largo, nous faisant ressentir toute la beauté si fugace et mélancolique de la vie. L’allegro final fut aussi léger que le vol d’un papillon. L’art d’Amandine Beyer est d’une insigne humanité. Elle donne un sens à l’offrande musicale. Son sourire porte la musique vers les coeurs et c’est bien Bach qui est à ses côtés. Il semble lui suggérer d’essayer une formule plutôt qu’une autre. Elle (il) nous enchante par ce dépassement de l’abstraction pour devenir une main qui se tend, par cet archet qui s’élève à l’infini en un rai de lumière.

Pour clore ce concert, Amandine Beyer nous a offert un bis, en s’excusant presque de nous l’avoir déjà offert l’année dernière, un prélude de Matteis. Difficile de la quitter et d’abandonner ce sentiment de plénitude qu’elle nous a apporté au-delà de son interprétation unique, de la présence d’un homme généreux ! Le public s’est ensuite pressé autour d’elle pour une dédicace en guise d’au-revoir, en attendant le samedi 23 mars où nous la retrouverons pour la suite de cette intégrale JS Bach en concert.

Paris. Théâtre des Abbesses, le 16 février 2013. Intégrale des Sonates et Partitas pour violon seul (donnée en deux concerts). Jean – Sébastien Bach (1685 – 1750) : Sonate n°1, en sol mineur, BWV 1001, Partita n°2 en ré mineur, BWV 1004 et Sonate n°3, en ut majeur, BWV 1005. Amandine Beyer, violon.

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