vendredi 19 avril 2024

Paris. Salle Pleyel, le 1er avril 2007. London Symphony Orchestra. Valery Gergiev, direction.

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Malgré le temps printanier ce 1er avril à Paris, la salle Pleyel était comble pour écouter un programme copieux et intelligent, associant 2 œuvres essentielles de Debussy à 2 œuvres majeures de Stravinsky. Il faut dire qu’un orchestre de très haut niveau, le London Symphony Orchestra, et l’un des grands chefs du moment, Valery Gergiev, nouveau directeur musical depuis janvier, étaient au rendez-vous. A l’issue du concert le public conquis était débout réservant un accueil triomphal aux musiciens pour leur interprétation exceptionnelle. On le sait, l’Orchestre Symphonique de Londres est un magnifique instrument doué de capacités d’adaptation hors normes. Et sous la direction de ce démiurge qu’est Gergiev et seulement quelques mois après sa prise de fonction, la magie opère et le résultat est littéralement inouï.
Tout commençait par une « Symphonies d’instruments à vents » de Stravinsky, œuvre de 1920 dédicacée à Debussy, décédé 2 ans plus tôt, construite plans par plans et menée progressivement, grâce à une mise en place impeccable, vers une fin comme suspendue, apaisée et d’une très grande beauté. « La Mer » de Debussy qui suivait était, elle, agitée, plutôt 40 ème rugissants que Méditerranée, jaillissante, enchaînant les thèmes, climats, rythmes et ruptures dans un continuum à la puissance maîtrisée, menant cette fois à un final sonnant et éclatant d’une grande luminosité. On peut ne pas aimer cette façon d’interpréter Debussy mais il faut y reconnaître un mélange de sensualité, de force et d’émotion, assez rarement porté à ce niveau d’incandescence.
Après l’entracte, le « Prélude à l’après midi d’un faune », pris dans un tempo assez lent, dégageait une sensualité certes un peu alanguie, tout en restant subtile, que la direction de Gergiev, à la gestique incessante et parfois brouillonne, ne parvenait pas à troubler. Et ce long, très long, silence qui suit immédiatement l’introduction de la flûte, faisait à l’évidence déjà partie de ces moments miraculeux et suspendus où chacun retient son souffle.
« Le Sacre du Printemps » donné ensuite a certainement surpris plus d’un auditeur notamment par certains tempi inhabituels, allant parfois jusqu’à mettre en danger les musiciens, notamment dans le solo initial de basson, et également par des partis pris sans doute contestables mais toujours défendus avec passion. L’interprétation d’une puissance phénoménale et l’assemblage là encore, par plans sonores, à l’évidence sollicité par la direction de Gergiev comme par ses regards à tous les musiciens, étaient stupéfiants d’énergie et de force. On a entendu des sacres plus cérébraux, plus droits, plus orthodoxes, mais un sacre violent, cru, tribal, ce qui est certainement dans l’esprit de l’œuvre, comme celui donné ce jour là, à Pleyel, rarement. Malgré d’innombrables prises de risques et leurs conséquences ponctuelles marginales par rapport à l’enjeu, l’orchestre symphonique de Londres s’est couvert de gloire dans cette interprétation exceptionnelle. On retiendra notamment un timbalier puissant et précis, des cuivres brillants et capables de sons bouchés à la limite de l’audible, des cordes aux harmoniques riches, des vents d’une grande souplesse, le tout sans jamais omettre le sens de l’ensemble et du collectif qui sont la marque des très grands orchestres. Ce 1er avril 2007, à Pleyel, la magie de la musique a opéré. Debussy aurait sans doute aimé cette interprétation du Sacre du printemps, lui qui écrivait à André Caplet le 29 mai 1913, le soir de la création : « C’est de la musique sauvage avec tout le confort moderne ».

Paris. Salle Pleyel, le 1er avril 2007. Igor Stravinsky
(1882-1971) : Symphonie d’instruments à vents, Le sacre du printemps.
Claude Debussy (1862-1918) : La Mer, Prélude à l’après-midi d’un faune.
London Symphony Orchestra. Valery Gergiev, direction.

Crédit photographique
Valery Gergiev © S. Gusov

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