samedi 20 avril 2024

Paris. Salle Pleyel. Jeudi 10 avril 2007. Cincinnati Symphony Orchestra. Paavo Järvi, direction.

A lire aussi


Futur directeur musical de l’Orchestre de Paris
à partir de septembre 2010, Paavo Järvi est de plus en plus souvent à Paris. Après le Philharmonique de Radio France en février dans Mozart et Bruckner, il dirigeait le 10 avril dernier à Pleyel l’Orchestre symphonique de Cincinnati, dont il est le directeur musical depuis 2001, et qui est en tournée européenne de Francfort (le 4 avril) jusqu’à Madrid (18 avril). Au programme à Paris, l’ouverture des Noces de Figaro, le 3° concerto pour piano de Rachmaninov et la 10° symphonie de Chostakovitch, trois œuvres sans rapport évident mais susceptibles de révéler d’authentiques personnalités musicales. Et autant le dire tout de suite ce fut un extraordinaire concert mettant parfaitement en valeur l’excellence de l’orchestre comme la superbe direction de Järvi et l’entente évidente qui règne entre les musiciens et leur chef. Ce qui frappe d’emblée dans une ouverture des Noces de Figaro jouée dans un tempo vif mais non précipité, c’est la discipline collective des musiciens et leur écoute mutuelle qui rend cette musique virevoltante et riche, notamment ces extraordinaires contre chants aux cordes et aux vents, parfaitement lisible. L’effectif choisi est d’environ 60 musiciens et la lecture qui associe énergie, lumière, élégance et ligne dans une démarche à l’évidence classique est belle et d’une théâtralité évidemment dans le sujet. On n’est finalement pas si loin de l’interprétation d’Erich Kleiber il y a un demi-siècle !! Et les problèmes du type d’instruments, modernes ou dits d’époque, et de l’effectif deviennent secondaires, l’essentiel étant d’offrir une lecture équilibrée et aboutie.

Contraste saisissant avec le 3° concerto de Rachmaninov, œuvre tant aimée du compositeur et notamment dirigée à New York par Gustav Mahler, qui met bien en valeur les autres qualités de ce magnifique orchestre : cordes suaves et homogènes, belles contrebasses bien sonores, harmonie de très haut niveau, cuivres clairs et subtils si nécessaire, timbale présente et précise. La direction de Järvi, jamais racoleuse, donne au final un concerto de Rachmaninov sobre et élégant avec un Nikolaï Luganski à la technique infaillible et d’une redoutable efficacité. Après l’entracte, la 10° symphonie de Chostakovitch, créée en 1953, est menée par un Paavo Järvi concentré mais paraissant impassible malgré la tension et les contrastes extrêmes si caractéristiques de cette musique. Le moderato initial, sinistre à souhait est suivi par un allegro au final frénétique réglé à la serpe du plus bel effet. Après une accalmie centrale, la machine reprend son rythme infernal pour se conclure dans un final démoniaque quasi apocalyptique. Certaines interventions solistes, notamment de la première corniste (Elizabeth Freimuth) et du premier basson (William Winstead), montrent l’extraordinaire niveau individuel des musiciens et participent d’une véritable magie de l’instant plusieurs fois renouvelée. La mise au point orchestrale des nombreux tutti ffff est stupéfiante de précision et de justesse sans jamais tomber dans le grandiloquent ou le vulgaire. Il faut dire que Paavo Järvi, sait très exactement ce qu’il veut, demande beaucoup et obtient sans doute encore plus grâce à une direction claire, précise et énergique, sans être jamais débridée, et à son évident talent fédérateur. Chaque note est travaillée pour elle même et pour l’ensemble, les nuances parfois extrêmes à la limite de l’audible le sont également mais en respectant les timbres, tout est beau et précis sans jamais négliger la ligne et la progression de la musique. Une extraordinaire leçon de direction d’orchestre et de musique. Paavo Järvi a incontestablement hissé cet orchestre de Cincinnati au niveau des meilleurs orchestres américains. De plus, l’homme est généreux nous offrant en bis une valse triste de Sibelius, belle à pleurer, et une danse hongroise de Brahms, festive et racée. Décidément, Paavo Järvi est ce qui peut arriver de mieux à l’Orchestre de Paris.

Paris. Salle Pleyel, le 10 avril 2008. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791): Ouverture des Noces de Figaro K. 492, Sergueï Rachmaninov (1873-1943): Concerto pour piano n°3 en ré mineur op. 30, Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°10 en mi mineur op. 93. Cincinnati Symphony Orchestra, Paavo Järvi, direction, Nikolaï Luganski, piano.

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE CD événement. JULIUS ASAL, piano : Scriabine / D Scarlatti (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Voilà assurément un programme fascinant en ce qu’il est aussi bien composé qu’interprété. S’y distingue le tempérament intérieur, d’une...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img