jeudi 28 mars 2024

Paris. Salle Gaveau, mardi 9 septembre 2008. 1ère édition des Talents Jeunes chefs 2008: Ariane Matiakh, Benjamin Lévy, Debora Waldman dirigent l’Orchestre Colonne

A lire aussi

Tremplin de la jeunesse et du talent
Au démarrage de la soirée, les deux initiateurs de l’opération Talents Jeunes Chefs, Philippe Ogouz (comédien et président l’Adami) et Laurent Petitgirard (directeur musical de l’Orchestre Colonne et président de la Sacem) présentent le concept et les enjeux de cette nouvelle distinction, destinée à révéler et soutenir, chaque année, en septembre, le talent des jeunes chefs d’orchestre.
Facétieux mais mordant, Laurent Petitgirard rappelait avec justesse qu’il était le seul chef français à la tête d’un orchestre parisien… voilà qui en dit long, sans effusion verbale, sur la reconnaissance de nos jeunes baguettes hexagonales dans leur propre pays (songeons par exemple à l’excellent Stéphane Denève, auteur d’une intéressante intégrale Albert Roussel en cours – chez Naxos-, expatrié hyperactif à la tête du Royal Scottish National orchestra). Créer une distinction mettant en avant la qualité et le tempérament des jeunes chefs formés en France, n’est donc pas inutile.

Une nouvelle distinction pour les jeunes chefs
Le « cru » 2008 relève le défi d’une opération qui a suscité un vif intérêt au sein milieu musical. Du reste, il est captivant de suivre l’essor des jeunes talents de la direction musicale, tant les attentes suscitées par un programme de musique symphonique concentrent le plus souvent les plus belles émotions des mélomanes. On sait que Paris manque cruellement d’un lieu désigné pour que s’épanouisse un cycle permanent de musique symphonique, faisant appel aux phalanges nationales comme internationales. La future Philharmonie de Paris pourrait atténuer ce manque: pour l’heure, ce sont les programmations de la Salle Pleyel qui perpétuent avec éclat, la flamme orchestrale dans la capitale…
Curieusement alors que les statures « tyranniques » et légendaires tels Furtwängler, Toscanini ou surtout Karajan continuent d’incarner le prestige de la fonction, la jeune génération offre un visage différent du maestro: le public et les commentateurs sont de plus en plus sensibles aux qualités humaines, à l’empathie et la force charismatique des « nouveaux chefs »… Aux côtés des exceptions désormais saluées, Gustavo Dudamel (adoubé avec une frénésie passionnelle au dernier festival de Salzbourg), de Tugan Sokhiev à Toulouse (désormais confirmé comme directeur musical, après avoir été conseiller pour la musique), et surtout du français, nommé assistant au Philharmonique de Los Angeles, Lionel Bringuier, les trois lauréats des Talents Jeunes Chefs de l’Adami, ainsi « révélés » en septembre 2008, sont assurément trois baguettes à suivre.

A la benjamine de la soirée, chanteuse, formée à la direction à Vienne auprès de Leopold Hager, Ariane Mathiak (28 ans) qui a été chef assistante du Philharmonique de Montpellier, revient le soin d’ouvrir le programme. La jeune femme assoit immédiatement la Jupiter de Mozart, avec une sûreté de geste, alliant élégance et précision. La 41 ème en ut majeur, composée en août 1788, confirme après les inquiétudes de la 40 ème, le triomphe des facultés de l’esprit. L’ampleur de l’architecture qui repose sur un contrepoint et une harmonie, idéalement développés, formant une « totalité » exceptionnelle, se révèle sous la direction de la jeune chef française. Et même si l’on regrette parfois, la pointe trop marquée des bois et des cuivres, au-dessus des cordes, Ariane Matiakh pilote avec une détermination naturelle l’équilibre des pupitres, emportant tous les musiciens en une vitalité débordante, capable aussi de traits intérieurs et intimes (la partition ne manquent pas en effet d’éclairs inquiets, de secousses amères, crues et fugitives qui font contrepoint à l’ardeur conquérante du cycle dans sa totalité). Incisive, Ariane Matiakh capte toutes les facettes du dernier Mozart, dans l’exaltation comme dans l’hypersensibilité et la poésie du repli. On reste d’autant plus impatient de l’écouter dans les deux opus précédents (39è et 40è) que la jeune femme aimerait en plus du Sacre du Printemps de Stravinsky, diriger le triptyque symphonique de Mozart d’un seul tenant!

La chef dirigera l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, les 10 et 11 janvier 2009, puis le National de Lorraine lors des prochaines Victoires de la musique classique (février 2009).

Heureuse continuité du programme, sans rupture de tonalité (ut majeur): après la Dernière de Mozart, la Première de Beethoven. Sous l’instinct animal du nerveux Benjamin Lévy (34 ans), qui a suivi l’enseignement de son mentor David Zinman, et demeure le chef assistant de Marc Minkowski, la furià juvénile beethovénienne du premier opus terminé au début de 1800, résonne comme un coup de tonnerre, un manifeste et une déclaration: le commencement d’un monde nouveau pour un homme nouveau. La finesse de la direction, l’autorité de l’assise rythmique, l’activité permanente, jamais diluée, imposent le tempérament du jeune chef. On sait avec quelle détermination Benjamin Lévy porte le devenir de l’orchestre qu’il a fondé depuis décembre 2004, le « Pelléas » (qui indique assez clairement combien le musicien souhaite s’engager pour la diffusion du répertoire symphonique français). Toutes les qualités de sa fougue analytique, qui sait aussi s’exprimer avec souplesse et profondeur, indique indiscutablement une musicalité forte, une vision acérée et vive, une sensibilité musclée. Chapeau bas!

Troisième et dernière tribune. Le climat et la tension de la salle sont affûtés, et l’attente du public, pleinement épanouie, perceptible. Debora Waldman (31 ans) fait son entrée. Classiquenews a eu la chance de recueillir son témoignage avant le concert (comme celui d’Ariane Matiakh et de Benjamin Lévy: visionner nos entretiens vidéo): l’ex assistante de Kurt Masur au National de France, demeure sous la charme du Maître, son charisme, son exigence, surtout, sa connaissance intime des ressources de l’orchestre. De la Symphonie n°4, « Italienne » de Mendelssohn, achevée en 1833, la jeune chef souligne l’équilibre sonore, l’opulence des couleurs, trouvant de bout en bout, une puissance insoupçonnée de tous les pupitres: intensité participative où chaque musicien semble être à l’écoute des autres. Outre la plénitude dense et riche de la matière orchestrale, Debora Waldman se montre soucieuse de progression, soignant par exemple, les éclats crépusculaires d’une partition infiniment moins décorative qu’on l’a dit (superbes accents « nocturnes » -dans le style du Songe d’une nuit d’été-, du 3ème mouvement, avec la reprise des sonneries de cor, parfaitement placées)… Dans le Presto final, le geste est vif tout en étant économe, battant jusqu’à son plein essor, le feu du saltarello fameux, fièvre musicale (Tarentaise napolitaine) que la jeune femme sait transmettre à tout l’orchestre et au public, touché par sa grâce captivante. Soirée mémorable.

Paris. Salle Gaveau, mardi 9 septembre 2008. Première édition des « Talents Jeunes Chefs » de l’Adami. Ariane Matiakh: Symphonie n°41 « Jupiter » de Mozart. Benjamin Lévy: Symphonie n°1 de Beethoven. Debora Waldman: Symphonie n°4 de Mendelssohn. Orchestre Colonne.

Illustrations: Adami 2008 © Thomas Bartel

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CD événement, annonce. Franz SCHUBERT : OCTUOR en fa majeur D. 803. SOLISTES DE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE BERLIN (1 cd Indésens).

Le label français INDÉSENS publie le nouvel album des solistes de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, dédié à l’Octuor en...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img