vendredi 29 mars 2024

Paris. Opéra Bastille, le 9 avril 2013. Troisième symphonie de Mahler, ballet de John Neumeier. Karl Paquette, Mathias Heymann, Isabelle Ciavarola… Ballet de l’Opéra Nayional de Paris.Simon Hewett, direction

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L’Opéra Bastille accueille la première du ballet néo-classique que le chorégraphe John Neumeier a réalisé d’après la Troisième Symphonie de Mahler. Des Etoiles comme Karl Paquette, Stéphane Bullion, Mathias Heymann ou encore Isabelle Ciaravola illuminent le firmament du ballet symphonique. Mais l’oeuvre de Mahler étant aussi chorale, la production intègre aussi la participation du choeur de l’Opéra ainsi que de la mezzo-soprano Aline Martin. Le spectacle qui relève de l’oeuvre d’art total du 19e siècle produit un extraordinaire monument chorégraphique du 20e.


Neumeier : un chemin initiatique

mathais heyman mahler 3 eme symphonieLa 3e symphonie de Gustav Mahler est une oeuvre unique au répertoire. C’est le premier véritable succès de Mahler en tant que compositeur, n’oublions qu’il était célèbre de son vivant en tant que chef d’orchestre. Il a failli l’intituler poème symphonique, les mouvements représentant les degrés de l’évolution dans l’univers, commençant par la nature inanimée jusqu’à l’amour de dieu par l’homme. Dans le manuscrit Mahler indique que la tonalité est fa majeur, même si l’oeuvre commence en ré mineur. En fait, Mahler se sert de la tonalité de façon originale et utilitaire. Il s’agît aussi d’une des symphonies les plus longues du
répertoire requérant d’immenses effectifs.

Si le chef Simon Hewett se soumet sans doute aux besoins du chorégraphe, notamment dans les tempi, sa prestation est remarquable. Le début s’avère quelque peu difficile en ce qui concerne les cuivres, mais l’orchestre de l’opéra va crescendo. La fanfare militaire du premier mouvement se transforme en bal champêtre avec vivacité, dès lors, les musiciens de l’orchestre n’arrêtent pas
d’impressionner l’auditoire. C’est une occasion de faire valoir la grande qualité des interprètes. Les bois sont éblouissants et les cordes réactives pendant les 6 mouvements. Ils s’harmonisent tous avec la mezzo-soprano dans le 4e où elle chante Nietzsche avec grandeur, ainsi qu’avec les choeurs du 5e. Le grand adagio qui termine la symphonie est une méditation sur l’humanité et sa montée vers Nirvana, admirable.

John Neumeier s’inspire du programme métaphysique de la symphonie, mais
réalise une oeuvre originale, à la fois poétique et abstraite, parfois aux accents d’une certaine spiritualité wagnérienne. Le chorégraphe se sert de son talent et crée une oeuvre puissante, virile, homoérotique, toujours impressionnante. D’une grande difficulté surtout pour les hommes et à l’indéniable virtuosité.

Les six tableaux suivent les six mouvements de la musique. Mathias Haymann est sans aucun doute le protagoniste du premier mouvement. Il est l’allégorie de la Guerre et il est complètement habité par la musique. C’est en fait son retour sur scène, et nous sommes fortement saisis par sa danse féline et captivante ; il est en plus virtuose, engagé et engageant.  Dans le deuxième tableau les femmes du corps de ballet font leur entrée. Intitulé « Été », c’est l’occasion pour le couple d’Alessio Carbone et Mélanie Hurel d’impressionner. Lui avec une danse rayonnante, pleine de charisme et de fraîcheur, un ballon délicieux et des portés solides qui mettent en valeur sa partenaire plutôt jolie et primesautière.  Le tableau suivant « Automne » voit le corps s’élargir, et aussi l’entrée du couple formé par Florian Magnenet et Laura Hecquet. Leur interprétation déborde de romantisme et de sentimentalité.

Le 4e tableau intitulé « Nuit » est un pas de trois dédié à la mémoire du chorégraphe John Cranko. Il s’agît en fait du premier mouvement composé par Neumeier. La génèse est particulière, puisqu’il le crée pour les trois 3 Étoiles de la compagnie de John Cranko; Marcia Haydée, Egon Madsen et Richard Cragun. Entièrement imprégné de la culture germanique et attiré par la musique de Mahler, la chorégraphe décide ensuite de faire d’autres pièces avec les autres mouvements de la Symphonie. Ce qui allait devenir plusieurs ballets
d’Étoiles (il songeait à Noureev, entre autres), finit par être un véritable et unique ballet d’ensemble. Dans ce sens, le 4e mouvement paraît moins cohérent, mais il est pourtant très émouvant. La nouvelle Étoile Eleonora Abbagnato représente la Femme qui danse avec l’Homme, interprété par Karl Paquette, et l’Âme par Stéphane Bullion. Ici les 3 Étoiles brillent avec leur éclat caractéristique, Paquette et Bullion irrémédiablement beaux et solides dans les portés, et Abbagnato dans un abandon total, à la fois virtuose et dramatique. Le 5e tableau voit l’entrée de l’Ange, interprété de façon magistrale par Isabelle Ciaravola. Elle n’arrête pas de surprendre au dernier mouvement avec une extension insolite et sa ligne exquise. Ici son duo avec Paquette est un moment saisissant.

Après deux heures d’art et de beauté, les applaudissements chaleureux pour le chorégraphe couronnent cette création parisienne. Ballet incontourable à l’affiche de l’Opéra national de Paris, Bastille, les 16, 18, 19, 22, 24, 27 et 30 avril, ainsi que le 4, 6 et 12 mai 2013.

Paris. Opéra Nationale de Paris (Bastille), le 9 avril 2013. Troisième
symphonie de Mahler, ballet de John Neumeier. Karl Paquette, Mathias
Heymann, Isabelle Ciavarola… Ballet de l’Opéra Nayional de Paris.
Orchestre et choeur de l’Opéra National de Paris, Aline Martin,
mezzo-soprano. Simon Hewett, direction.

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