Lettres de Paris
Lettres de Paris, celles que reçoit la Poétesse, est un spectacle qui dévoile l’ardente flamme d’un romantique finlandais, vrai tempérament dans le sillon de Sibelius. (un maître vénéré puis rival quand Madetoja compose symphonies et cycles d’après la légende du Kalevala…).
Son lyrisme impétueux, plus post romantique que véritablement moderne, profite en France d’une nouvelle attention aux couleurs (impressionnistes) et à la riche texture harmonique. A Paris, il dépasse la seule inflexion nationaliste de son style, cultivée aux côtés de Sibelius. Madetoja atteint en France une carrure européenne (enrichie après Paris, à Vienne puis à Berlin).
Le programme construit à partir de leur correspondance évoque la passion qui les anime chacun; attente, espérance, écoute à l’autre… témoignage des grands événements culturels de l’époque aussi, en France et en Finlande; à Paris, Madetoja découvre l’activité musicale parisienne, suit l’agenda lyrique et bien sûr la création de Pelléas et Mélisande de Debussy. Les deux auteurs se retrouvent en particulier dans les mélodies qu’il compose sur ses poèmes: extase langoureuse au diapason d’une vision automnale, remarquablement écrite de « Soupir d’amour », duo pour soprano et ténor (« Syyshuokaus », 1919): lumineuse et cristalline Piia Komsi en accord avec le ténor Charles Barbier, toujours soucieux de la justesse et de l’intonation.
D’ailleurs le ténor qui est aussi le cofondateur de l’Ensemble L’Echelle, défend avec la même précision deux mélodies (oubliées à torts) de Vincent d’Indy: Les yeux de l’Aimée (1904) et L’Angoise (1871).
Comme un fil conducteur, instaurant d’emblée le climat d’une conversation musicale, Marja Rumpunen a sélectionné le Trio en mi mineur (1909) de Madetoja pour violon, violoncelle et piano que les musiciens jouent par morceaux détachés, l’Andante ouvrant le spectacle, l’Allegro vivace concluant une évocation très sensible de l’oeuvre et de l’activité du Finnois à Paris.
Diseuse qui se délecte de la langue française, lisant les lettres écrites par Hilja Onerva Lehtinen à son coeur adoré, l’actrice Sari Havas sait s’embraser avec une belle sensibilité, dans les récits vivants vécus par la Poétesse ou dans deux mélodrammes où la voix déclamée et souple, en finnois, rend vivante et palpitante la prose flamboyante de Hilja Onerva: qu’il s’agisse de la chanson de Timandra ou des Châteaux de nuage, l’âme poétique fusionne avec la Nature, emportée par le désir d’un amour conquérant et orgueilleux.
Magnifique immersion dans l’écriture d’un maître finnois, fervent ambassadeur d’un romantisme européen.
Paris. Institut finlandais, , le 9 mars 2012. Lettres de Paris. Leevi Madetoja, L. Onerva. Concert spectacle, le 9 mars 2012. Emma Vähälä, violon. Markus Hohti, violoncelle. Marja Rumpunen, piano et conception du spectacle. Piia Komsi, soprano. Charles Barbier, ténor et lecture des lettres de Leevi Madetoja. Sari Havas, lecture des lettres de la poétesse Hilja Onerva.