vendredi 19 avril 2024

Orange. Chorégies, le 31 juillet 2012. Puccini: Turandot. Lise Lindstrom, Roberto Alagna… Michel Plasson, direction. Charles Roubaud, mise en scène

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Inspiré par le conte oriental de Carlo Gozzi, Turandot (1762), le dernier opéra de Puccini, laissé inachevé après la mort de Liu au III, ressuscite à Orange
avec une tension palpable liée aux événements précédents qui ont marqué la création de cette production soignée signée Charles Roubaud: Roberto Alagna réussira-t-il son Calaf ce soir a contrario des représentations qui ont précédé et qui l’ont vu sérieusement diminué (pour cause de « mycose laryngée »)? Le ténor familier du théâtre antique n’en est pas à son premier défi vocal; bête de scène, s’engageant souvent au delà des attentes de ses fans (nombreux), il sait provoquer une espérance grandiose: celle qui fait venir aux Chorégies les quelques 8000 spectateurs en quête du grand frisson.


Bravissimo Roberto !

En direct sur France 3 et sur France Musique, le chanteur n’a pas déçu, bien au contraire. Comme s’il semblait préserver son timbre, affectant une réserve professionnelle (et oui, le chant n’est pas une mécanique infaillible et le chanteur, une machine prête à éblouir l’audience à la demande), Roberto Alagna offre un Calaf somptueux de style, impeccable en musicalité, jamais débordant, ni trop vériste, jusqu’à son grand air qui ouvre le III, soulignant la nuit d’horreur que la princesse chinoise impose à son peuple: le ténor sait gravir toutes les marches de son Nessun dorma avec une aisance et même une finesse que l’on ne lui connaissait pas. Ovation méritée pour un artiste unique capable de se ménager et offrir à son public attentif, les perles vocales qui nous font tant défaut aujourd’hui. Bravissimo Roberto.

A ses côtés, la distribution varie selon ses possibilités; décevante, la Liù de
Maria Luigia Borsi semble trop large et d’une puissance abusivement vibrée pour la frêle et si pure amoureuse de Calaf; heureusement au III, pour sa sortie de scène, la soprano trouve des sons filés d’une réelle sensibilité. Belle voix projetée pour le héraut de Luc Bertin-Hugault, et chant également affirmé du Fils du Ciel de Chris Merritt; les 3 ministres de la Cour, qui tentent vainement d’écarter Calaf de son projet fou sont tout aussi convaincants: Marc Barrard, Florian Laconi et Jean-François Borras en Ping, Pong et Pang. Reste le rôle-titre: Lise Landstrom est un pur diamant froid, à la puissance naturelle, parfois en manque de couleurs et de phrasés; mais la prestance, rectitude et tension mesurée pour la vierge hystérique qui hait les hommes, est irrésistible. La soprano qui fait sa première apparition (réussie elle aussi) en France exprime et la rancoeur amère d’un être de fureur et de frustration, habité par le désir de venger son aïeule; et le transformation qui s’opère au contact de Calaf dont l’amour sait toucher son cœur de glace…

Hélas dans la fosse, Michel Plasson n’est pas en forme: orchestre confus et à peine équilibré, semant en maints endroits des décalages néfastes en particulier dans les scènes collectives si imposantes (et hollywoodiennes). Le raffinement instrumental, la poésie des tableaux nocturnes, la douceur de certains passages choraux saisis dans leur vol, comme suspendus, la sublimation d’un orient rêvé par Puccini, avec ce lyrisme miroitant de teintes harmoniques ciselées… sont hélas absents. Quelle déception: avec un orchestre scintillant et puissant, moins schématique voire caricatural, on tenait là une Turandot non pas intéressante, mais … phénoménale. Malgré ces quelques réserves, grâce à la mise en scène très esthétique (le costume et la coiffe de Turandot, d’une ardoise métallique, apparaissant dans sa bulle armillaire, à la fois cage et coque protectrice!), le spectacle mérite absolument sa mise en avant, et sur France 3 et sur France Musique.
Saluons donc le service publique de remplir sa mission première en diffusant auprès du plus grand nombre un spectacle d’une très honnête tenue.

Orange. Chorégies, le 31 juillet 2012. Puccini: Turandot.Turandot : Lise Lindstrom ; Liù : Maria Luigia Borsi. Calaf : Roberto Alagna ; Timur : Marco Spotti ; Imperator Altoum : Chris Merritt ; Ping : Marc Barrard ; Pang : Jean-François Borras ; Pong : Florian Laconi ; Un mandarin : Luc Bertin-Hugault. Orchestre national de France. Michel Plasson, direction. Charles Roubaud, mise en scène

Illustration: Roberto Alagna (DR)
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