Opéra. Rameau : Castor et Pollux. Dijon, Paris : 26 sept-21 octobre 2014. 250ème anniversaire de la mort de Rameau. Le 12 septembre prochain marque le 250ème anniversaire de la mort de Jean- Philippe Rameau. Pour célébrer le plus grand génie musical français du XVIIIème siècle, Dijon (sa ville natale, du 26 septembre au 4 octobre 2014) puis Paris (où il connaîtra la gloire, comme à Versailles : TCE, du 13 au 21 octobre 2014) présentent deux nouvelles productions de son opéra Castor et Pollux, réflexion personnelle sur le genre lyrique et hommage rendu à l’amour fraternel et viril des Dioscures, héros divinisés par Jupiter en raison de leur grandeur morale, les jumeaux Castor et Pollux. Très original dans son déroulement et sa résolution, le livret de Castor et Pollux ne laisse pas de questionner l’apport de Rameau au genre tragique. Ici certes l’amour qui lie Telaire à Castor est très longuement évoqué : c’est le canevas classique de l’ouvrage. Télaïre est même jalousée par Phébé, force jalouse et démoniaque prête à tout pour reconquérir le coeur de Castor. La magie noire et les manipulations dont elle fait preuve, montrent bien ici encore la persistance dans l’opéra baroque français des figures d’amoureuses magiciennes, hystériques, néfastes en diable… et pourtant aussi vénéneuses … qu’impuissantes. A l’opposé règne l’amour fraternel de Pollux pour son frère Castor : il renonce à Telaire pour lui, il renonce de même à la vie pour permettre à Castor pourtant assassiné, de revoir sur terre sa bien aimée…
L’amour fraternel
Où a-t-on vu ailleurs un tel sens du sacrifice ? Un tel amour fraternel ? A son tour, Castor répond à l’amour de son frère en refusant de laisser Pollux renoncer à tout. C’est bien l’amour des deux frères ici qui occupe le sujet principal de l’action. Jupiter lui-même est touché. Saisi, le dieu leur permet l’immortalité. Mais devenu immortel, Castor ne peut plus dès lors retrouver celle qu’il aime : Telaire. Le destin des héros est contraire à toute réalisation d’un bonheur terrestre. Telaire n’a donc plus que ses yeux pour pleurer son cher et tendre : elle est désormais condamnée à un amour solitaire, la jeune femme demeure cette figure sublime qui déplore et regrette à l’infini, telle qu’elle s’exprime dans le plus bel air jamais écrit au XVIIIème: « Tristes apprêts, pales flambeaux », l’emblème funèbre de tout l’ouvrage, miroir lacrymal des fragilités humaines… Et l’un des temps forts de la partition qu’il ne faut pas manquer.
Rameau s’y affirme comme le plus grand connaisseur du coeur humain. Son érudition musicale et le raffinement inégalé de sa langue y tissent le plus déchirant des serments amoureux. Désespoir et sublime… sacrifice et amour… Les thèmes traités par Rameau ne finissent pas de nous subjuguer, rappelant qu’il est bien le plus grand créateur à l’opéra en France au XVIIIème siècle. Reportez vous sans hésitation à la version signée William Christie : souffle tragique, justesse poétique, profondeur humaine, la vision du fondateur des Arts Florissants y reste inégalée. Un modèle de vérité ramellienne. A Dijon puis Paris, les interprètes actuels se révéleront ils à la hauteur de l’ouvrage ?
L’intrigue
Phébé aime Castor. Castor, de son côté, aime Télaïre, la sœur de Phébé. Télaïre, qui répond à l’amour de Castor, est cependant promise à Pollux, le frère de Castor, qui lui aussi aime Télaïre. Craignant que Pollux renonce à Télaïre par affection pour son frère, Phébé a encourage Lyncée à ravir sa propre sœur. Castor veut mettre fin à sses jours en quittant pour toujours Télaïre et Pollux. Mais ce dernier renonce à Télaïre. Castor et Télaïre sont enfin réunis. Les festivités du mariage sont brutalement interrompues par Lyncée et ses acolytes, Castor succombe sous les coups. La mort de Castor sème le désespoir. Phébé veut user de son pouvoir magique pour ramener Castor parmi les vivants, à une condition : que Télaïre renonce à lui pour toujours. Pollux annonce qu’il s’est vengé sur Lyncée de la mort de Castor. Il rejette le plan de Phébé, déclarant vouloir lui-même libérer Castor des enfers. Conduit par Mercure, le messager des dieux, Pollux supplie en vain son père Jupiter : Castor ne pourra être libéré que si Pollux renonce à son immortalité et prend la place de Castor au royaume des morts. Jupiter tente de dissuader Pollux en déployant devant lui les charmes et les voluptés célestes. Mais rien ne peut le retenir. accompagné de Mercure, Pollux trouve Phébé à l’entrée de l’hadès et rejette à nouveau son dessein.
Aux champs élysées, Castor ne trouve pas la paix tant il se meurt de désir pour Telaïre. La joie inattendue de retrouver Pollux n’est que de courte durée lorsqu’il apprend le sacrifice que son frère est prêt à faire pour lui : Castor refuse que Pollux prenne sa place aux enfers. Il ne demande à revenir sur terre que pour un seul jour, le temps de faire ses adieux à Télaïre. Voyant Castor et Télaïre réunis, Phébé devient folle de rage. Sourd aux protestations de Telaïre, Castor entend tenir sa promesse envers Pollux et retourner aux enfers. Jupiter apparaît avec Pollux : proclamant que Castor est libéré de son serment, le dieu emmène avec lui les deux frères qui, sous le signe de la fidélité et de l’amitié, partageront l’immortalité, laissant Télaïre esseulée.
Castor et Pollux, tragédie lyrique
(version 1754)
livret Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil-Bernard
A l’Opéra de Dijon (version de 1754) :
5 dates : Les 26, 28, 30 septembre puis 2 et 4 octobre 2014
Pour célébrer le 250ème anniversaire de la mort de Rameau, l’Opéra de Dijon honore le génie de son compositeur natal et présente une nouvelle production de la tragédie lyrique, Castor & Pollux, dans sa version de 1754. L’argument principal du spectacle, défendu par la maison dijonaise reste ici la proposition du metteur en scène Barrie Kosky, directeur du Komische Oper de Berlin. Quelques jours après, Paris présente aussi sa propre production de Castor sous la baguette d’Hervé Niquet….
Le Concert D’astrée
Emmanuelle Haïm, direction
Mise en scène : Barrie Kosky
Castor : Pascal Charbonneau
Pollux : Henk Neven
Télaïre : Emmanuelle de Negri
Phœbé : Gaëlle Arquez
Jupiter : Frédéric Caton
Un grand prêtre de Jupiter : Geofroy Bufère
Mercure, un athlète : Erwin Aros
A Paris, TCE (version de 1754) :
5 dates : les 13, 15, 17, 19 et 21 octobre 2014
Hervé Niquet direction
Christian Schiaretti, mise en scène
John Tessier : Castor
Edwin Crossley-Mercer : Pollux
Omo Bello : Télaïre
Michèle Losier : Phœbé
Jean Teitgen : Jupiter
Reinoud van Mechelen : Mercure, un spartiate, un athlète
Hasnaa Bennani : Cléone, une ombre heureuse
Marc Labonnette : Un grand prêtre
Le Concert Spirituel
Chœur du Concert Spirituel
Vendredi 10 octobre 2014 18h30
Une heure avec… l’équipe artistique du spectacle
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Illustration : Les Dioscures, Pollux et Castor (abaissant son flambeau en signe de mort) : dessin de Nicolas Poussin.