samedi 20 avril 2024

Mozart: Playdoyer pour Titus

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Rétablir La Clémence de Titus de Moart

introduction

« La Clemenza di Tito », opéra sous-évalué, méprisé, écarté du catalogue « noble » de Mozart ? Certes oui ! A tort ou à raison, critiques et musicologues ont aimé minorer la partition de 1791. Dans les faits, le dernier « seria » de Mozart fut brossé en à peine trois semaines par un compositeur pris entre la conception simultanée de « la Flûte Enchantée » menée avec la complicité de l’homme de théâtre Schikaneder, et celle du « Requiem » pour le comte Walsegg, en hommage à sa défunte épouse.

titus250« Titus », commande du nouvel Empereur Leopold II, est au contraire une œuvre poétique, dramatique et musicale pleinement accomplie qui, tout en concentrant les dernières conceptions esthétiques du musicien, ouvre sur l’avenir du drame musical. Sa dramaturgie est tout autant maîtrisée que celle des opéras ultimes (« Les Noces », « Don Giovanni »,  « Cosi fan tutte ») et renouvelle en définitive plus loin que ne le fit Gluck sur la scène parisienne, la tradition lyrique officielle de la « grande machine ». Il s’agirait même de reconsidérer la place de ce « chef-d’œuvre » jusque-là écarté, en le situant au cœur d’une ultime trilogie, où il paraîtrait désormais, aux côtés de « La Flûte » et du « Requiem ».

Voici un « plaidoyer pour Titus » qui est une invitation à reconsidérer l’ouvrage de Mozart, d’autant plus opportune qu’en 2006, année Mozart par excellence, deux nouvelles versions discographiques, aussi différentes que complémentaires, viennent de paraître.

Reconsidérer « la Clémenza di Tito »

Œuvre inclassable, vilipendée, écartée du corpus noble des opéras de la maturité, La clémence de Titus est incomprise. L’ouvrage est pourtant loin d’être faible. Il contient même le meilleur de Mozart et demeure le plus sous-évalué de ses derniers opéras.
Bénéficiant des trouvailles et de la maturité poétique de trois opéras de la trilogie écrite avec Da Ponte et qui sont portés au pinacle de la création lyrique, (Les Noces de Figaro, Don Giovanni puis Cosi fan tutte) ; contemporain de La Flûte Enchantée et du Requiem, Titus est infiniment plus qu’une commande bâclée, écrite sans pensée ni cohérence. Il est de notre point de vue, un ouvrage à reconsidérer, la pierre angulaire d’un nouveau corpus à réévaluer et comme les trois opéras que Mozart conçoit avec son librettiste Lorenzo da Ponte, l’élément d’une autre trilogie, composée avec La Flûte et le Requiem. La couleur particulière de l’orchestre dont nous parlerons plus loin, l’économie de l’invention, les valeurs des sujets traités, en rapport avec l’idéal maçonnique, lequel correspond à la pleine maturité de l’inspiration poétique, sont les dénominateurs communs de ce corpus de la fin.
En acceptant d’écrire un nouvel opéra né d’une commande impériale, Mozart revivifie un genre conventionnel, l’opera seria. Il s’inscrit dans ce sens dans le projet régénérateur de Gluck qui avait souhaité dans les années 1770, dépoussiérer lui aussi une forme asphyxiée par les contraintes que la tradition avait peu à peu imposé : succession des arias da capo de solistes coupant systématiquement la continuité de l’action, rareté des ensembles comme duos, trios, quintettes réservés plutôt à l’opera buffa, élévation digne et moralisatrice du sujet où les héros vertueux sont in fine récompensés, reconnus, célébrés…
Si l’on peut parler à propos de Gluck, dans ses deux Iphigénies, dans Alceste puis dans Orphée de renouvellement de la grande machine lyrique française, Mozart opère avec son œil critique et son sens inné de la dramaturgie, une recomposition sociale et psychologique du drame musical. Humanisation chez Gluck à force de dépouillement parfois compassée par excès de grandeur, vérité des êtres et chant des âmes en devenir chez un Mozart, plus proche du cœur, qui prolonge dans Titus, sa conception et sa philosophie d’un drame moderne, musical et textuel.
Autant Gluck demeure malgré ses tentatives, d’une raideur glacée propre au marbre antique, autant Mozart attendrit son propos, se place du côté du sentiment et de la compassion. Autant dire qu’il exporte dans le cadre tendu du seria, une vision humaine nouvelle qui donne davantage de vérité à ses personnages.

Illustration : L’empereur Joseph II et son jeune frère, le futur Leopold II (debout à gauche), commanditaire en 1791, de la Clemenza di Tito.

sommaire du dossier La Clémence de Titus

Un nouvel opéra
Titus, un seria résolument moderne
Contraintes et défis du seria
Quels indices pour une nouvelle estimation de Titus?
D’un sujet politique, Mozart élabore un opéra humaniste
Enchaînements de génie
La clarinette, instrument majeur
La Clemenza di Tito,
bibliographie & discographie

Mozart, la Clemenza di Tito

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