vendredi 29 mars 2024

Maria: Cecilia Bartoli. Hommage à Maria MalibranDossier spécial (1/4)

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Maria Cecilia Malibran

Prima donna mezzo-soprano

Articulation parfaite, diseuse experte, tempérament émotionnel et feu vocal: Cecilia Bartoli chante ici au sommet de sa carrière. Comptant non seulement une prodigieuse maturité technique, la diva romaine subjugue par les colorations justes de son chant. Elle a triomphé en janvier 2007 à l’Opéra de Zurich en incarnant le rôle-titre de Sémélé de Haendel. Voici un nouveau jalon de son parcours artistique, diversifiant nuances, intonations, connotations, la chanteuse captive d’un bout à l’autre par sa maîtrise et son tempérament spécifique pour évoquer, en une oeuvre miroir, la figure mythique de Maria Malibran, « prima donna mezzo-soprano ».

Mezzo assoluto

Le XX ème a tôt fait de hisser au sommet de la pyramide vocale, l’inaccessible soprano. Les divas assolutas ne peuvent qu’être sopranos, prêtresses lumineuses d’un idéal céleste inatteignable. Bartoli rompt cette vision simpliste. A son époque, La Malibran échappait à toute classification classique et Bellini n’hésita pas à adapter le rôle d’Amina (La Somnambula) pour son timbre de… mezzo-soprano… Classification, maître-mot des pseudospécialistes. Songez au propre père de Maria, Manuel Garcia qui fut le plus grand Don Giovanni de son époque, en tant que… ténor! Le père et professeur de Maria Malibran avait une tessiture assez étendue pour lui permettre de chanter aussi Otello de Rossini et il créa encore le rôle d’Almaviva du Barbier de Séville! c’est qu’en tant que « baryténor », Manuel Garcia possédait une tessiture particulièrement étendue.
Il est probable que même Giuditta Pasta (1797-1865), elle aussi légende vocale, et « actrice » favorite comme Maria Malibran, de Bellini, mais de la génération précédente, fut également … mezzo-soprano. Que dire encore de Callas dont la tessiture, étendue sur trois octaves, fut également un contre-exemple fameux?
Dans la discographie de « La Bartoli », le disque « Maria » est une nouvelle réussite dans un parcours de prises de rôles, jonché d’éclatantes victoires, tant sur le plan vocal que dramatique. Par ses défis et ses audaces de répertoire, La Bartoli prouve, la quarantaine radieuse (41 ans), qu’elle est aujourd’hui une muse du chant, donnant tout à la musique. Si les album Vivaldi, Gluck, Salieri, et le dernier Roma proibita (180.000 exemplaires vendus en France), affirmaient peu à peu, outre le talent de la vocaliste, son énergie dramatique alliant audace et engagement, l’album Malibran souligne une nouvelle facette exceptionnelle: son exquise sensibilité, la palette psychologique de l’immense actrice. Actrice, c’est à dire diseuse au service d’un texte. La mezzo-soprano dont on connaît l’abattage et l’éloquence expressive ajoute ici ce supplément d’âme qui se nourrit certainement de celle à laquelle elle rend hommage, Maria Malibran. Les héroïnes incarnées, romantiques, dans la lignée des Norma, Amina, Lucia, icônes du bel canto italien, telles Irene de Pacini, Ines de Castro de Persiani, s’offrent à son timbre brûlant, d’une simple et noble lumière. Il ne s’agit plus de ressusciter de nouveaux caractères, mais de les incarner en leur insufflant l’étincelle d’une humaine et vraisemblance fragilité.

Révolution vocale

Le travail de Cecilia Bartoli en ce sens, fait oeuvre de révolution dans le chant actuel: à la vérité, elle ajoute l’élégance d’un chant naturellement intense. Ni superflu, ni boursouflure. Ni pathos, ni affectation. Le voici, l’ample et souverain grain d’un mezzo-soprano à la fois clair et articulé, chaud et langoureux, sombre et souple, ciselé pour l’expression des passions humaines, taillé pour l’ornementation baroque comme le cantabile bellinien.
Parmi les perles du programme, on ne manquera pas de retenir, la scène et l’air de Mendelssohn: « Infelice » (1832), indice d’un art théâtral qui outre la virtuosité requise, exige aussi (surtout) la justesse émotionnelle et la profondeur psychologique, à l’instar d’Ah! Perfido! de Beethoven. Ecouter Bartoli ici, permet de réécouter comme au moment de la création, une oeuvre sertie dans le romantisme le plus pur (avec le concours du violon solo de Maxim Vengorov!, lequel tient la partie initialement tenue par l’amant puis le mari de Maria Malibran, Charles de Bériot). Chant de l’instrument, vérité de la voix: l’équation est parfaite. Les couleurs, la subtilité des accents révèlent une artiste au sommet de son art dans un air qui pourrait, dès à présent, être le cadre d’apprentissage classique de la nouvelle génération des belcantistes…

Lire la suite de notre dossier: Cecilia Bartoli/Maria Malibran, « Furia Flamenca », « Maria/Cecilia, Agenda des concerts Bartoli de septembre 2007 à mars 2008« …

Bonus Vidéo

Découvrez la vidéo de Cecilia Bartoli, dans laquelle la mezzo romaine explique sa passion pour Maria Malibran (1808-1836): entretien, extraits de son album, répétitions, visites des lieux que la diva romantique a connu, où elle a vécu… (8mn21)

Crédit photographique
Cecilia Bartoli © Decca / U. Weber 2007

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