jeudi 28 mars 2024

Livres. La musique face au système des arts ou les vicissitudes de l’imitation au siècle des Lumières (Vrin, Musicologies)

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musique-face-au-systeme-des-arts-musicologies-edition-vrin-compte-rendu-critique-classiquenews-Marie-paule-martin-chiara-savettieri-livres-decembre-2014Livres. La musique face au système des arts ou les vicissitudes de l’imitation au siècle des Lumières (Vrin, Musicologies). Ainsi que l’atteste le Cabinet de Charles Perrault (1690), la musique compte parmi les beaux-arts dès la fin du XVII ème. Inscrite dans la constellation des disciplines artistiques majeures et nobles, – poésie, peinture, architecture, danse : chacune ayant grâce à Louis XIV, sa propre académie royale-, son identité est renforcée dans un jeu inévitable de confrontation interdisciplinaire ; son analogie avec les autres arts, étudiée ; sa spécificité, recherchée ; sa valeur, discutée. L’enjeu de ces discussions et mises en parallèle dépassent le seul intérêt musicologique et la pluralité des regards et des points de compréhensions fait toute la valeur du présent ouvrage.
Thème central, l’art musical, admis comme objet et partie des beaux-arts, institue lui-même un système de représentation de la nature : comment établir l’idéal musical à l’aune de la théorie de l’imitation par exemple, dans la mesure où toute musique même imitative ne ressemble jamais strictement à son modèle ou au sujet qu’elle est censée imiter ? Du reste, le but de l’art : est-il bien d’imiter la nature ou de toucher le cœur et adoucir l’âme ?

Posé tout d’abord comme référent, le système musical – ou plus exactement le langage musical-, soumet les autres arts à l’épreuve de sa propre spécificité; pensé encore comme modèle d’une conception particulière du beau, il fournit alors l’instrument d’une appréciation des autres disciplines. C’est donc principalement selon un « esprit de système » que se construit l’identité poétique de la musique au siècle des Lumières, justifiant d’infléchir ici les frontières cloisonnant aujourd’hui la recherche musicologique, littéraire, philosophique et celle de l’histoire de l’art.

Le lecteur y butinera dans des chemins profitables, selon ses goûts et ses centres d’intérêts, mais toujours la question de la musique quand elle est croisée avec le langage des autres métiers artistiques, s’en trouve enrichie du fait de cette élargissement du savoir et de sa contextualisation. L’interdisciplinarité des expériences et des connaissances permettent de mieux percevoir la diversité cohérente d’une époque, ici celle des Lumières, afin que se dessinent les facettes de l’œuvre totale, manifestation de la sensibilité esthétique de la période questionnée  : l’idée d’une Gesamtkunstwerk (forme d’art total), si elle s’épanouit au cours du XIXè et se cristallise en particulier chez Wagner, puise en vérité racines et origines dès le XVIIIIè, précisément dans les cercles de l’intelligentsia française que la conscience académique et la volonté encyclopédique stimulent particulièrement : discours, traités, essais philosophiques (sources premières du questionnement) témoignent d’une pensée esthétique qui s’interroge sur les formes de l’art, rétablissant les liens vitaux entre les disciplines artistiques. « Donner la mesure de cette culture intellectuelle, au sein de laquelle la musique jouait un rôle essentiel, est le mérite inestimable de ce recueil » précise l’introducteur dans l’avant-propos.

Soit au total 6 parties :  » De l’objet au référent : la musique comme partie du système des beaux-arts « ;  » du référent au modèle : la musique exemplaire  » ;  » le langage pittoresque de la musique : fortune d’un présupposé au XVIIIème  » ;   » L’imitation de la musique à l’épreuve de la scène   » : de loin pour nous la partie la plus passionnante par les multiples problématiques complexes et polémiques qui sont suscités… dont un excellent article  signé Alexandre Dratwicki sur l’histoire du ballet en France en 1770 et 1810 évoquant l’invention de Noverre, de Gardel, de Viotti… ;  » Le génie musical et la poétique de la peinture  » ; enfin  » une esthétique européenne : la musique et le système des arts d’imitation dans l’Angleterre et l’Allemagne des Lumières « .  Voici assurément l’un des meilleurs ouvrages de la collections Musicologies des éditions Vrin.

musique-face-au-systeme-des-arts-musicologies-edition-vrin-compte-rendu-critique-classiquenews-Marie-paule-martin-chiara-savettieri-livres-decembre-2014La musique face au système des arts, ou les vicissitudes de l’imitation au siècle des Lumières. Ouvrage collectif, sous la direction de Marie-Pauline Martin et Chiara Savettieri ont collaboré à ce volume  : A. Beyer, J. Blanc, U. Boskamp, C. Champonnois, J.-F. Coz, F. Dassas, É. Décultot, G. Di Liberti, B. Didier, A. Dratwicki, E. Fubini, G. Guertin, M. Hobson, L. Lattanzi, É. Lavezzi, V. Llort Llopart, M.-P. Martin, M. Mazzocut-Mis, M. Noiray, L. Pierre, T. Psychoyou, E. Reibel, Ph. Robinson, C. Savettieri, M. Semi. Editions Vrin, collection MusicologieS. 352 pages – 17 × 24 cm – 30 €.  ISBN 978-2-7116-2528-4 – juin 2014

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