LIVRES événement. Compte rendu critique. Bernard Fournier : Le génie de Beethoven (Fayard). On connaît bien Bernard Fournier, esprit clair et pensée synthétique pour avoir écrit chez Fayard une formidable « Histoire du quatuor à cordes » (Fayard, 4 volumes, 1999-2010) et aussi un « panorama » du même genre musical. En une érudition qui sait établir des jalons clairs favorables à l’explication et à la compréhension des styles et des manières, l’auteur illustre pour nous le meilleur courant musicologique actuel : ni conceptuel vaseux, ni trop schématique à force de clarification. D’autant plus opportun au moment de la grande rétrospective « le mythe Beethoven » proposée actuellement à la Philharmonie de Paris (jusqu’au 29 janvier 2017), voici un ouvrage modèle qui offrant la meilleure réflexion actuelle, large, généreuse sur Beethoven, choisit de l’expliquer avec la clarté de la passion libre. C’est un mélomane habitué des grands compositeurs et du répertoire classique et romantique ; son expérience de l’écoute et une analyse régulière des partitions, lui permettent d’établir des thématiques qui interrogent en profondeur toute la musique composée par Ludwig van, traversant tous les genres et les restituant dans leurs enjeux, et leurs liens profonds avec la vie du compositeur et son époque.
Combien on aimerait lire davantage de biographie recomposée par cette pensée globalisante, qui aborde la matière musicale et humaine, autant qu’historique, non pas de manière fastidieuse et classique, c’est à dire comme trop souvent, chronologique, mais de façon thématique, comme nous l’avons dit et souligné, à la manière d’un commentaire composé. Ici l’auteur part d’une connaissance intime et globale de l’œuvre afin d’éclairer la pensée admirable de l’homme et la cohérence de l’œuvre. L’auteur s’intéresse au génie de Beethoven (dévoilant sa pensée exemplaire faite humanisme à l’œuvre) à travers le prisme de notions apparemment abstraites mais qui dans le contexte beethovénien revêtent une fulgurante cristallisation : énergie, espace, temps.
L’écriture de Beethoven est celle de la rupture, de la syncope, de l’implosion du cadre et des formes, et contradictoirement, l’une des mieux architecturées : éclatement interne mais force structurelle, voilà l’une des clés idéalement exprimées ici. De même, si l’on s’en tient uniquement à une vision historique et esthétique, l’héritage de Haydn et de Mozart dans l’œuvre et la pensée de Beethoven, est magistralement re precisé ; Beethoven ne pouvant être défini ni mieux compris que grâce à une comparaison pensée, avec ses ainés ; l’auteur a bien raison d’ailleurs de citer et de mettre en exergue, l’admirable déclaration du Comte Waldstein, premier protecteur de Ludwig à Vienne, – et certainement celui qui a le mieux saisi le fonds de sa pensée : «…Grâce à votre effort, vous recevez des mains de Haydn, l’esprit de Mozart » … voeu formulé en 1792, quand le jeune Beethoven arrive de Bonn pour Vienne où il souhaite recueillir l’enseignement et la sagesse de Haydn. On ne saurait mieux synthétiser l’ambition de Beethoven et ce qui le rapproche en définitive de Wolfgang; d’ailleurs l’un des enseignements les plus captivants du livre concerne le dernier Beethoven, celui des Quatuors, – et des Variations Diabelli, où dans une « quatrième manière » récemment élucidée, se précise une décantation nouvelle du style (distincte de la complexité comme de la puissance que l’on a souvent souhaité remarquer), un sens de l’épure et une légèreté nouvelle… tout à fait dans l’esprit de Mozart.
La capacité de Beethoven à exprimer la grandeur et l’universel, comme la pudeur de l’intimité la plus enfouie demeure exceptionnelle et l’indice d’un génie à la fois synthétique et visionnaire. Sa modernité, – son actualité, ne cesse de nous questionner…
Enfin la mise en exergue de la fameuse interrogation baeethovénienne : « Muss es sein? » / Le faut-il ?, en guise de conclusion, rétablit le sens et l’enjeu de la question qui engage tout l’œuvre de Ludwig, telle une pensée en marche, une volonté philosophique qui invite les hommes à dépasser leur condition vers un état de conscience supérieur : un appel concret – fraternel et humaniste- à se sauver d’eux-mêmes. Outre la pertinence et l’intelligence des conclusions que se livre collectionne, le style en rien pédant ni didactique, rétablit aussi l’importance de la musique comme chemin de vie, philosophie, moyen pratique pour bâtir un nouvel âge pour l’humanité.
Aucun texte ne pouvait mieux répondre aux angoisses et inquiétudes de notre temps : et si la clé d’un monde meilleur était contenu dans le message musical de Ludwig van ?
Lecture captivante. CLIC de classiquenews de novembre 2016.
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LIVRES événement. Compte rendu critique. Bernard Fournier : Le génie de Beethoven (Fayard, collection Les chemins de la musique) – EAN : 9782213677187 – EAN numérique : 9782213676647 / Code article : 3643210 – Parution : début octobre 2016 – 440 pages / Format : 135 x 215 mm – Prix imprimé : 23 € / Prix numérique : 15.99 €. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2016.
