vendredi 29 mars 2024

LIVRES, compte rendu critique. HERBERT VON KARAJAN : Une autobiographie imaginaire par Sylvain Fort (Actes Sud)

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karajanLIVRES, compte rendu critique. HERBERT VON KARAJAN : Une autobiographie imaginaire par Sylvain Fort (Actes Sud). L’AUTOBIOGRAPHIE QU’AURAIT PU ECRIRE KARAJAN LUI-MEME… Karajan : une autobiographie imaginaire. Parce qu’il ne s’est jamais porté à la confidence sur son art et la vision globale de son parcours, Karajan méritait, pour être compris, cette autobiographie fictionnelle mais très juste par sa sincérité documentée, comme son souci de l’exactitude historique. Le cas Karajan impose le respect ; Sylvain Fort pose clairement les bases du jugement préalable : ne pas chercher à défendre le chef qui eut sa carte du parti nazi et joua malgré ses dires, le jeu des politiciens nazis, précisément Goebbels contre Goering, le premier fou de Fürtwangler, le second jouant la carte du jeune maestro trop heureux d’imposer son insolente facilité… ; ne pas défendre mais expliquer Karajan au fil des décennies (noires puis glorieuses, immensément glorieuses à partir des années 1950), l’expliquer donc pour mieux le comprendre.

Dans une biographie frictionnelle mais d’une belle précision historique, Sylvain Fort tente avec succès de portraiturer Karajan, dans toutes ses facettes
Karajan, à torts ou à raisons….

Le lecteur possède ainsi les clés pour préciser sa propre appréciation : avant d’être Karajan le grand, celui triomphateur et impérial des années 1960 et 1970, il y eut le petit « K », chef suspecté de collusion douteuse et criminelles; empêtré par ses allégeances nazies, et même après son procès en dénazification. Interdit, personna non grata, définitivement écarté des salles de concerts.
Le salut vient alors de l’enregistrement en studio permis grâce à l’invention du microsillon en 1948 : Karajan construit son mythe à partir des gravures réalisées pour le disque, d’une précision et d’un fini inédits jusque là, depuis Vienne, pour Emi principalement, avec le concours artistique de Walter Legge (directeur artistique de la firme britannique).

karajan biographie imaginaire par sylvain fort review critique livres classiquenews compte rendu livres critiques classiquenews 9782330068523De pages en pages, la figure du travailleur infatigable (qui souvent dès ses débuts dirige par coeur), le maître du son parfait, de la sonorité transparente et articulée, le génie d’un esthétisme unique, s’imposent ; sachant astucieusement faire la synthèse entre ses modèles : Toscanini et Fürtwangler. Energie, puissance, précision. Le geste musical serviteur de la sainte musique se précise et se façonne de productions en concerts (symphonies, opéras, concertos…); ses maîtres son Beethoven, Mozart, Brahms… Passionné de technologie, soucieux aussi de représenter l’art de la direction et le grand bain orchestral à l’œuvre (à partir précisément de sa rencontre avec le réalisateur Henri-Georges Cluzot en 1966), Karajan est autant préoccupé par le son que par l’image ; le maestro saisit par l’ampleur de sa vision : et surtout l’exigence d’une pensée musicale qui a souhaité servir la musique. Que l’on aime ou pas le chef autrichien, force est de lui reconnaître des choix visionnaires, une audace entrepreneuriale inédite à son époque, une largeur de vue et une grande curiosité comme une culture universelle, marquante pour son époque. L’idéal ciblé par Karajan jusqu’à sa mort en 1989 demeure la réalisation d’une musicalité totale, supérieure et pourtant immédiatement accessible. Certes les productions d’opéras filmés propres aux années 1970 et 1980, montrent parfois un goût dépassé, mais le style et la probité de l’intention imposent l’esthète.

Tout cela se révèle dans l’écriture amoureuse d’un amateur érudit mais accessible qui souhaite nous faire partager les clés de compréhension du legs Karajan. Ainsi se précisent les enregistrements fondateurs de cette personnalité artistique hors normes et l’auteur très précisément, offrant des commentaires précis, courts, très justes sur telle ou telle réalisation, transmet in fine une synthèse sonore de ce qu’il faut avoir écouté de Karajan pour bien le juger, tout au moins mieux le comprendre : déceler le génie d’un serviteur de la musique. Lecture structurante, incontournable. Après cette lecture, le cas Karajan n’aura plus aucun secret pour vous.

LIVRES, compte rendu critique. HERBERT VON KARAJAN : Une autobiographie imaginaire par Sylvain Fort (Éditions Actes Sud, collection « Classica », — parution : octobre 2016 / ISBN : 978 2 330 06852 3).

 

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