jeudi 28 mars 2024

La Révolution Bartoli

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2007/2008: Révolution Bartoli

Retour à ses débuts, quand elle chantait Rossini, Bellini et Donizetti (avec James Levine). La diva Bartoli, que l’on connaît comme muse de l’âme baroque, nous revient en glaneuse inspirée des joyaux bel cantistes. Songez qu’après Vivaldi (1999), Gluck et Salieri, après avoir chanté Mozart, la reine des ornements et de la passion vocale, signe dans son nouvel album (« Maria », Decca), une nouvelle immersion dans le bel canto italien des années 1830, révélant Pacini, Persiani,Mendelssohn ou Halévy, renouvelant surtout Bellini… Ce n’est pas un énième nouveau récital, dédié à celle qu’elle admire en tant qu’interprète et en tant que femme: Maria Malibran, mais une expérience investie, radicalement orfèvrée qui s’avère être une révolution. Ai-je bien lu? « Révolution ». Non, vous ne rêvez pas, et voici pourquoi!
Notre culture du bel canto italien s’est construite sur les interprétations des divas qui l’ont précédée. Souveraines de la scène et d’une vocalità incarnée (Maria Callas), souvent légère et diamantine (Joan Sutherland dite la Stupenda), définitivement stratosphérique (Edita Gruberova)… Pour nous l’équation restait indiscutable: Bellini = soprano léger.

Vocalità sombre pour Amina

Or grâce à sa technique propre, Cecilia Bartoli, mezzo soprano, réinvestit le sillon tracé par la diva des divas romantiques, Maria Malibran dont elle partage le timbre et la tessiture, cette vocalità sombre et souple, d’une agilité dramatique stupéfiante. Voici que dans La Sonnambula de Bellini (1831), le rôle d’Amina, écrit par le compositeur pour Giuditta Pasta, puis réécrit pour La Malibran, est ainsi restitué dans sa couleur orginelle: ce mezzo ample et voluptueux, capable d’approfondir les abîmes psychologiques et émotionnelles de l’héroïne romantique par excellence!
Exaltante nouvelle donnée. Dont nous pouvons déjà entendre une première approche dans son album Maria, que l’on retrouvera in extenso chez Decca également, très prochainement car Cecilia Bartoli vient de l’enregistrer dans son intégralité… avec le ténor Juan Diego Florez!
Si en peinture ou pour les fresques italiennes (songez à Michel-Ange ou Leonardo), les restaurateurs allègent le vernis, dépoussièrent, retrouvent la couleur originale en dévoilant la teinte lumineuse d’origine, souvent plus claire, Cecilia Bartoli inaugure une même réforme de notre perception, mais à rebours: de la lumière vers l’obscurité. Grâce au prodige de sa vocalità sombre mais non moins agile et colorée, à laquelle elle ajoute, contrairement aux Divinas qui l’ont précédée, cette italianità spécifique qu’elle est seule aujourd’hui à maîtriser. Et demain? Cecilia Bartoli aimerait chanter sur scène Norma et Sonnambula et faire entendre la profondeur sombre, lunaire, extatique de son timbre de braise…
Le fait marquant est d’autant plus opportun qu’il offre ainsi une nouvelle identité vocale à l’une des héroïnes les plus essentielles du répertoire lyrique italien. D’autant plus que parallèlement à la révélation Bartoli, Emi Classics vient de publier une version de La Sonnambula, en provenance de l’Opéra de Lyon, avec la soprano coloratoure Natalie Dessay.
Deux tempéraments vocaux, deux identités pour Amina. Deux faces d’un mythe fascinant qui nous renvoie à l’époque où Bellini composait ses rôles pour les chanteuses qu’il admirait… La planète opéra ne finit pas de nous surprendre grâce aux divas actuelles qui s’engagent pour notre plus grand plaisir en terres bel cantistes… La Révolution Bartoli ne fait que commencer.

Agenda Cecilia Bartoli

Paris
, les 14 et 16 décembre 2007. Théâtre des Champs Elysées. Récital Maria Malibran

Paris, le 24 mars 2008. Salle Pleyel. Journée anniversaire du Bicentenaire de la naissance de Maria Malibran: Journée spécial Cecilia Bartoli et gala surprise

Zurich, Opéra. Du 23 au 31 Mai 2008. Halévy: Clari. Cecilia Bartoli aborde sur la scène zurichoise, le rôle que La Malibran sublima dans l’opéra semiseria qu’Halévy créa à Paris en 1828, avant La Juive (1835).
Dans la fosse, Adam Fischer dirige La Scintilla, le même orchestre qui accompagne Cecilia Bartoli dans son album « Maria ».

CD

Lire notre critique du disque Maria de Cecilia Bartoli (Decca)

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