Contradictions et vitalité des ferments créatifs en France à l’époque du romantisme tardif… et jusqu’à Pierre Boulez. Le spectre est large et les écritures d’une déconcertante inventivité.
En résonance avec la thématique 2013 de la Folle Journée à Nantes, Fayard renouvelle ses actions éditoriales partenaires de l’événement musical en Pays de la Loire: en offrant un panorama grand angle sur les genres, compositeurs, courants esthétiques et faits majeurs expliquant en France la très forte activité musicale dans l’Hexagone de la chute du Second Empire jusqu’à nos jours… vaste évocation qui évidemment traverse plus qu’elle n’analyse en profondeur ce qui caractérise l’écriture musicale française à l’époque du dernier romantisme et jusqu’à nos jours (trilogie Messiaen, Dutilleux, Boulez).
» Eclat/multiples »: Musiques françaises…
Ce qui frappe le plus c’est assurément une situation d’ouverture et d’intense renouvellement malgré ce repli nationaliste avéré au sortir de la défaite de 1870, avec la création de la Société national de musique (1871) sous l’action du père et fondateur Saint-Saëns. Les vieilles contractions patriotiques au conservatisme protecteur en particulier germanophobes s’effritent peu à peu… Pour autant, la réaction face au wagnérisme conquérant s’organise ou se montre plus perméable que prévu (Franck, D’Indy,…). Le propre du texte est de parler d’une musique française finalement plurielle, éclectique, faisant la synthèse des tendances multiples contemporaines et depuis Couperin attachée à une certaine mesure, une éloquence claire et équilibrée… un certain esprit de la formule et de la synthèse (litote chérie ?)
Le propos recouvre surtout la période qui sur le plan pictural et esthétique est actuellement exposé au Musée d’Orsay: à l’époque du symbolisme et de l’impressionnisme, du naturalisme et de la modernité au début du XXè, celle de Picasso et de l’abstraction naissante, pendant l’éclosion d’un nouveau néoclassicisme et du cubisme, s’affirme une exception française en Europe: Belle Epoque et Entre Deux Guerres où la curiosité des folklores n’a jamais été aussi tenace et pertinente, agissant comme un puissant ferment de dépassement créatif, une source étonnante favorable aux percées visionnaires: l’Espagne, cet ibérisme exotique si proche et si lointain pour les Français est certainement le fait le plus marquant, de Bizet (Carmen) à Ravel et Debussy, encore intensifié par la présence des Espagnols à Paris (Turina, De Falla, Albéniz…).
Parler d’éclectisme et d’ouverture revient évidemment à aborder la question de l’identité française en musique: de Berlioz à Couperin, des racines aux institutions emblématiques sur la période, tout est préalablement présenté comme indispensable introduction; puis sont évoqués : » Renouveau et Art nouveau (1870-1914) »: « Wagnérisme, symphonisme, esthétiques, vie des concerts…; Debussy ; les » Années folles et sages (1914-1945) »: l’impact des guerres, l’occupation, les Ballets Russes et Suédois, les genres en essor dont la musique de chambre, symphonique et la mélodie… ; Maurice Ravel ( des » Principes esthétiques » à » L’heure lyrique « ); enfin « itinéraires et feux croisés (depuis 1945) »: musiques de l’inconnu et de la liberté à travers l’œuvre elle aussi plurielle et multiple des désormais 3 grands du XXème siècle: Messiaen, Dutilleux, Boulez. Ici s’écrit une certaine histoire de la musique française, du romantisme au XXème siècle. Lecture indispensable.
La musique en France depuis 1870 par Brigitte François-Sappey. Fayard. Janvier 2013. ISBN: 978 2 213 67198 7. 15 euros.
