vendredi 29 mars 2024

Journées GRAME Lyon, du 8 avril au 20 mai 2011

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Journées GRAME

Lyon, du 8 avril au 20 mai 2011
Concerts, installations , performances


« Un temps plus dilaté, en continuité et alternance avec les Biennales » : Le Centre de Recherches Musicales GRAME (Lyon) pour sa 6e édition joue les thématiques. Référence et révérence au grand ancêtre engagé Luigi Nono accompagnent des incursions vers l’Asie, vers le Mexique, et bien sûr divers aspects de la créativité en Rhône-Alpes, notamment avec le collectif de l’Inventaire.

L’embellie budgétaire est derrière nous

Le Grame joue, on le sait, la biennalité pour son Festival. 2011 est donc une année dans l’alternance, le « temps faible » (chiffre de date : impair, Verlaine le trouvait « plus vague et plus soluble dans l’air », cela fait autorité) s’y contente d’une « 6e édition des Journées » fondées au milieu de la dernière décennie XXe. C’est aussi, comme le dit le Patron, James Giroudon, « un temps plus dilaté » (entre 8 avril et 20 mai), qui s’affirme néanmoins et à juste titre fier de ses « 23 premières mondiales et françaises » Et comme l’union fait la force, et comme la realpolitik adaptée à la création musicale est hélas nécessité – en l’expurgeant de sa dimension cynique, bien sûr ! – , de nouveaux partenariats viennent épauler l’entreprise (sans la majuscule qui sanctifie les célébrations actuelles de la noce Art-Argent chez les petits et grands bourgeois de la Culture Officielle). Car en ces domaines de « contexte budgétaire, l’embellie est derrière nous » (joli euphémisme, cette fois)…Et certes on peut croire ou non à l’ambitieuse « rupture » de doctrine qui ministériellement voudrait piloter une « culture de chacun » contre « la culture pour tous » et dénonce sournoisement un « trop élitiste » dès qu’il s’agit d’art en recherche et de textes difficiles, hors du vedettariat et des grandes structures. Et surtout s’en inquiéter. Mais au commencement et ensuite est l’Action, disait le Faust de Goethe : James Giroudon pense que de toute façon, « l’ampleur est à venir, la vie continue ». Donc , en termes quantitatifs : 40 compositeurs et plasticiens, 31 œuvres musicales, 6 installations, 17 créations mondiales et 6 françaises, 10 concerts (dont 1 concert-opéra), 1 film, 2 conférences. Une place significative est faite « à l’Asie », au Mexique, mais aussi aux compositeurs rhône-alpins.

Un grand soleil chargé d’amour

D’entrée de jeu, il s’agit aussi de rendre hommage à un grand ancêtre des écritures audacieuses, un extrémiste de la pensée musicale par qui « le scandale arriva » dès les années 1950, parce qu’il voulut dépasser la leçon sérielle et « marier la rigueur à l’engagement d’une idéologie au service des révolutions ». Luigi Nono, symbolique époux de la fille de Schoenberg, cet Italien- oh combien Vénitien, et Mort à Venise il y a 20 ans– conduisit la plus grande partie d’une œuvre prolifique et très liée aux textes les plus politiques. C‘était le temps de la théorie et de la praxis, vers des horizons d’une belle audace, d’autant plus saisissants qu’ils avaient recours aux travaux les plus scientifiquement expérimentaux sur le son électronique. Vers la fin de sa vie , sans renoncer à ses idéaux révolutionnaires, Nono a infléchi sa recherche en des directions plus « individualistes » et d’écriture « pure », puisant par exemple dans Hölderlin la substance de son bouleversant Momente-Stille « A Diotima ». Ainsi « sortait-il » de ce qu’un musicologue pourtant fort « contemporain » comme Claude Rostand inscrivait dans son Dictionnaire de 1970 : « Un des plus grands musiciens vivants, mais il est à redouter que si sa passion politique continue de progresser son activité finisse par échapper à la compétence du critique musical »…La pièce qui sera jouée le 15 avril, Das Atmende Klarsein (1981) donnera un bon exemple du travail de Nono à l’orée des années 80 : prise « poétique » de la pensée de Rilke la plus dense et mystérieuse (Les Elégies de Duino), lien avec les « drôles de machines volantes » du Studio de la Fondation Heinrich Strobel, et qui devait aboutir à son ultime opéra Prometeo. En écho-mémoire d’une des nobles entreprises de l’Opéra de Lyon en sa grande époque des années 80, Al Gran Sole Carico d’Amore, tenté dans les anciens entrepôts Saône-Rive-Droite, on suivra aussi le film « Archipel Luigi Nono », et on ira s’étendre « sur le divan de Goethe (au Goethe-Institut), avant le concert même….

Par zi fal et Arbre à Fleurs

Voyons du côté de l’Extrême (Orient), et de l’ex-Empire du Milieu. Un « concert-opéra de chambre » multimédia et pluridisciplinaire » nous en arrive, sur l’air de « comme il est difficile de réussir la révolution » et à propos des aventures et nouvelles aventures d’un ouvrier agricole, Ah Q. L’écrivain Lu Xu en fit (1921) un héros malheureux du fondu- (ô combien) -déchaîné entre la fin des dynasties impériales et le surgissement de la République (revoyez votre Histoire du côté des années 1910, Sun Yat Sen, le Kuo-Min-Tang et Yuan Che Kai…).La compositrice et vidéaste Tao Yu – tout juste trentenaire, Pékinoise à Paris – , qui a travaillé, entre autres, à Genève et à Paris-(IRCAM) « mêle ici fable populaire et nouvelles technologies, dynamise entre interactivité et différé, musique et image, opéra chinois traditionnel et informatique… pour tirer un trait d’union entre Asie et Europe. L’Ensemble Forum Music (Bor Nien Hsu), les Percussions-Claviers de Lyon (Gérard Lecointe), le chant de Ke Long Shi, la flûte de Fabrice Jünger créent cette forme originale. Le compositeur taiwanais Yang Tsung Hsien (né en 1952), qui a beaucoup travaillé et joué aux Etats Unis et en Grande-Bretagne, y joint ses Méditations on an Imaginary Ceremonial, et le Français François Narboni (né en 1963, études auprès de P.Mefano, M.Levinas, B.Jolas), multi-joué en Europe, s’amuse à titrer sa composition pour 2 ensembles de percussions (créée à Taiwan en 2011, comme celle de Y.T.Hsien) Par–zi-fal, suivez son Enchantement du Vendredi-Saint en Chine… Le Forum-Music, ensemble percussif à géométrie variable, ajoutera en concert de Légendes un Arbre aux Fleurs ( (qu’elles soient Cent ou Mille,de 1956 ou de plus tard, qu’elles aussi s’épanouissent !), de Thierry Pécou (né en 1965), très attiré par les musiques des peuples d’Amérique Indienne et d’Afrique Noire, « leur dimension rituelle, voire magique », et Gu Ta, de Jeroen Speak. Après concerts, on y joindra une visite aux installations de l’Amphi-Opéra (du 3 au 7 mai) pour Tracks, « œuvre visuelle et sonore qui associe arts numériques et philosophie orientale, à l’image des planètes formant l’univers ». Ce « chant de la vie en perpétuel mouvement », le Taiwanais Jin-Yao Lin le conçoit et en confie la réalisation informatique à Max Bruckert. Et encore en installation : la percussionniste Yi Ping Yang, en quatuor avec le musicien Philippe Gordiani, le concepteur-vidéo Guillaume Marmin et l’architecte Gérald Lafond fait « apparaître la cartographie impressionniste (captée à Taiwan) pour qu’on lise Around the Island comme un « territoire de figures et de formes » visuelles et sonores…

Mexique et Orimita

Cap à l’ouest, en traversant l’Atlantique, ou à l’est, via le Pacifique : une Journée consacrée au Mexique, Iridiscente, en un concert-créations qui fait fraterniser compositeurs mexicains et français. Les Mexicains Javier Torres (qui a travaillé avec Franco Donatoni et Ivan Fedele, et enseigne en Italie) et Ana Lara (études au Mexique puis en Pologne et aux Etats Unis, fondatrice-directrice du Festival Musica y Escena) dialogueront d’abord en rencontre avec le public, puis montreront par leurs œuvres (Orior, Irdidescente, Malgré la Nuit ; Hilda Paredes, Sobre un Paramo) qu’il semble demeurer possible de « marquer des identités à travers des parcours et une matrice culturelle différents ». A l’appui et en miroir, trois oeuvres des compositeurs-Maison (GRAME), J.Giroudon, P.A.Jaffrennou, J.F.Estager. Claire Renard, elle, semble dialoguer certes avec des instruments extrême-orientaux, mais surtout avec ses propres expérimentations-et-rêveries, que l’enseignement de Pierre Schaeffer l’aida à définir. Son « Orimita » est « projet de performance lyrique multimedia », et traite du rapport « entre culture et barbarie, de la violence faite aux femmes dans les guerres, de la souffrance réelle des corps et de la violence du discours médiatique-virtuel ». Elle s’y inscrit en relation avec l’écrivaine Janine Matillon, le metteur en scène Gustavio Frigerio, la vidéaste Emilie Aussel, la comédienne Darina Al-Joundi et la chanteuse Isabel Soccoja.


Petits enfants d’Electro et Acousma

« Auditeur guetteur de sons » : c’est à lui que s’adresse le Collectif Inventaire Rhône-Alpes, qui réunit « les compositeurs de musique sur support (électro-acoustique, acousmatique, concrète), pour promouvoir des projets-événements, dans l’esprit d’interdisciplinarité ». Plusieurs « générations » – au sens « resserré dans la chronologie » s’y rassemblent, les « anciens », qui ont souvent été les enseignants et fondateurs de structures (Denis Dufour, Phiippe Moenne-Loccoz, nés tous deux en 1953) « accueillant » les successifs et relatifs cadets : Bertrand Merlier, Vincent Laubeuf, Jean-François Cavro, Frédéric Kahn, Fabien Saillard, Louis Boyéra, Jean-Jacques Bénaily, Raphaèle Biston, Gérard Torres, P.L.Pargas, Alice Calm…Tous ces (petits) enfants d’Electro et Acousma, natifs de Rhône-Alpes ou y travaillant et enseignant, désirent « faire plonger au cœur de l’écoute, en contemplation intime » : d’où l’insertion dans leur projet d’un « au-delà du sacré » que rappellent aussi les titres de leurs œuvres. Ils y sont rejoints par le flûtiste Fabrice Jünger, pilier de l’E.O.C. (Daniel Kawka), interprète de partitions déterminantes à lui confiées par Hugues Dufourt, Philippe Manoury, Peter Eötvös. Autre lieu de rencontre des différences d’écriture et du lien de l’instrumental et de l’électronique : le concert Grame-E.O.C , dirigé par Pierre-André Valade, où sera rendu hommage au compositeur russe Edison Denisov, le plus moderniste des grands (Schnittke, et même Sofia Gubaidulina) en lutte contre la musique soviétique-phase terminale : sa Symphonie de chambre n°1. L’Italien Emmanuel Casale propose sans commentaire préalable son « 11 », le Français François Paris invite à lire « Sur la Nuque de la Mer Etoilée », et Raphaèle Biston à suivre ses Sillages (« un bateau à l’allure tranquille, l’agitation de l’eau toute proche et la trace souple qui en résulte au loin »).

Au milieu de toutes ces écritures…très écrites en multimedia, place à l’improvisation, vieille fonction qui parcourt toute l’histoire des musiques : c’est le Détrapi (comme Pi =3,1416 ? – ou participe passé de détrapir ?), un quatuor de harpe (Laure Beretti), violons (Michel Coppe), contrebasse (Emilie Martin) ,flûte et objets (à nouveau Raphaèle Biston), groupe d’origine CNSMD Lyon inspiré par l’enseignement de Jacques Di Donato. Place au Cabaret d’un improvisateur (lui aussi) et compositeur, Benjamin de la Fuente, en complicité avec le très reconnu Bruno Mantovani (désormais directeur du CNSM Paris, et ci-devant auteur d’un Double Jeu, joli titre en situation institutionnelle !), les percussionnistes César Carcopino et Yi Ping Yang. Et après les Journées, les Stéphanois pourront aller regarder sous toutes ses faces le Sonik Cube (Yann Orlarey), tandis que le 1er juin aux Ateliers, une Marée Noire monte jusqu’aux étages, « pétrole, avions, orgues du Capitaine Nemo, textes de Marx, Barthes, Bachelard ou Michaux » captés dans l’écriture de Samuel Sighicelli, lui-même inspiré par Luc Ferrari et François Bayle. De même que vous aurez « plongé la tête à l’intérieur des Boîtes Sonores » agencées par les « Inventaire-Rhône-Alpes », B.Merlier, J.M.Duchenne, J.F.Minjard et Catherine Arno (3 au 7 mai, Amphi de l’Opéra)…

Journées Grame, Lyon, du mardi 5 avril au vendredi 20 mai 2011. Concerts, installations, performances, rencontres. Divers lieux du Rhône. Mardi 5, rencontre Ah Q., librairie Musicalame. Vendredi 8,20h30, Théâtre de Villefranche, Légendes. Mardi 12, Ah Q, Renaissance, Oullins, 10h30 et 20h. Le Détrapi, INSA Lyon, 12h45. Mercredi 13, Divan Goethe, Lyon, 18h30. Jeudi 14, Workshop, Th.Astrée, la Doua, 11h. Vendredi 15, Nono, Scolaire EOC (14h), Concert EOC, 18h, Th.Astrée. Mardi 3 mai, mercredi 4, jeudi 5 : Around the Island, Tracks, Boîtes : Amphi-Opéra. Vendredi 6, Oromita, 12h, GRAME. Lundi 9, mardi 10, Au-delà du Sacré, 20h, Temple du Change. Jeudi 12, Mexique, Amphi-Opéra, 12h30, 20h30. Vendredi 20, Trafic, Périscope, 20h30. Information et réservation : T. 04 72 07 37 00 ; www.grame.fr

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