vendredi 29 mars 2024

Joseph Haydn (1732-1809): dossier spécial bicentenaire 2009 Feuilleton 1: les années de maturité 1770-1809

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Joseph Haydn

1732-1809

Les années de maturité (1770-1809). Premier volet de notre feuilleton Haydn, les dernières années. Celles de la maturité et aussi d’une activité surabondante: le compositeur fournit la musique pour le prince Esterhazy, son principal patron, prépare et réalise ses séjours londoniens, compose pour l’Espagne et Paris… Musicien européen, Haydn rencontre Mozart (1784) et se consacre surtout à l’oratorio sur le chemin de Haendel, découvert en Angleterre… Mais la révélation de ses dernières années de pratique musicale et de recherche demeure sans aucun doute les nombreux opéras composés pour la Cour d’Esterhaza: là encore, le génie de Haydn assimile, synthétise, ose en esprit visionnaire et original…

Haydn à Esterhaza

Depuis les années 1770, Haydn qui cependant fournit toute la musique pour la Cour dispendieuse et spectaculaire d’Esterhaza, palais de son patron, Nicolas Ier Esterhazy (lequel lui commande pas moins de 100 soirées de musique par an!), gagne une notoriété qui dépasse les frontières viennoises et autrichiennes: il est devenu le compositeur le plus célébré à l’échelle européenne. La France, l’Angleterre (les producteurs de concerts lui commandent de nombreuses oeuvres symphoniques) et aussi l’Espagne accueillent ses oeuvres avec enthousiasme: seule l’Allemagne du Nord reste froide à son écriture à l’équilibre lumineux, à la vitalité rythmique bouillonnante et facétieuse, d’une audace parfois visionnaire.
D’ailleurs en relation avec le goût de son employeur, Haydn écrit nombre d’opéras, en particulier bouffa, d’une cocasserie souvent audacieuse que la musique sert avec une imagination féconde. Ainsi en témoigne, l’opéra buffa, perle révélée par Jérémie Rhorer et le Cercle de l’Harmonie (Festival d’Aix en Provence, 2008), L’infedelta delusa (1773).
Pour Nicolas Ier, Haydn sélectionne les oeuvres de ses contemporains et des maîtres anciens, les réécrit ou les adapte pour les représentations à Esterhaza, le palais d’été du Prince. Ainsi connaît-il excellemment les oeuvres de, entre autres, Anfossi, Traetta, Sarti, Piccinni, Grétry, Paisiello, Cimarosa. Pour plaire au Prince, Haydn simplifie souvent son écriture qui devient plus mélodique et sujette à variations décoratives.


Musicien européen

Impressionnante réputation vécue de son vivant: Haydn qui reçoit l’hommage de Weber et de Cherubini, est recherché comme professeur et véritable guide par Beethoven et Mozart… Après sa mort, le bon « papa Haydn » qu’on aime ici et là évoquer, perd de son lustre et les romantiques ont tôt fait d’omettre la sensibilité musicale de celui qui en visionnaire à préparer leur essor. Dépassé, un rien artificiel et creux, Haydn n’est plus à la mode dans les années 1830: Schumann égratigne sans réserve le compositeur adulé en son temps telle une gloire musicale: « De nos jours, il est impossible d’apprendre de Haydn quelque chose de neuf. Il est comme un ami familier de la maison que tous saluent avec plaisir et estiment, mais qui a cessé d’inspirer un intérêt. « 

Au début des années 1780, – décennie de la pleine maturité artistique-, Haydn envisage de se rendre à Londres où sa réputation laisse entrevoir une tournée gratifiante (avec des revenus substantiels). Hélas, seule sa musique y sera jouée car le musicien toujours employé par le prince Nicolas Esterhazy, ne peut quitter la Hongrie et sa fastueuse place comme compositeur de la Cour. D’ailleurs, il fournit pour Esterhaza, l’un de ses opéras les plus aboutis, Orlando Paladino, entre héroïsme et comique (1782), très applaudi au moment de sa création. Sa connaissance des affetti mozartiens (et des ouvrages napolitains buffa) se prête ici à tous les
registres expressifs : le grotesque buffo et
la tragédie passionnelle s’y mêlent pour évoquer une fresque déjantée
de la guerre amoureuse. Entre fable romanesque et scène comique,
Orlando incarne un héros d’un nouveau type,
intermédiaire entre les deux mondes, éclectique, à la frontière des
deux versants émotionnels : fantasques, fougueux, irritable,
hypersensible… L’opéra a été récemment (Graz, 2005) dévoilé par Nikolaus Harnoncourt.

Ses affaires sont cependant florissantes en particulier en Espagne: Haydn signe un contrat (1783) avec Maria Josafa de la Soledad (1732-1834), Duchesse d’Osuna – que Goya a portraiturée en 1785-, première Dame d’honneur à la Cour de Madrid, à laquelle il ne tarde pas à livrer, ce pendant 6 ans, de nombreuses partitions.


Haydn et Mozart, 1784


La rencontre avec Mozart (1784) est alors décisive: les deux génies se sont déjà pris en amitié (dès 1781, le cycle des Quatuors russes opus 33 de Haydn, inspire à Mozart les fameux Quatuors dédiés à Haydn), mais en 1784, leur relation franchit un degré supplémentaire: ils se reconnaissent. Amitié au-delà des âges, estime réciproque, respect mutuel. Mozart qui vient de rentrer en loge, fait découvrir à son nouvel ami, la Franc-Maçonnerie. De facto, Haydn est admis dans la plus importante loge de Vienne dès 1785. En 1786, il écrit pour la Loge Olympique à Paris (pour laquelle le Chevalier de Saint-Georges est chef d’orchestre), les six Symphonies Parisiennes. C’est alors qu’il élabore pour la cathédrale de Cadix (commande de l’archevèque) l’oratorio Les Sept dernières paroles du Christ en croix (1787).
Haydn et Mozart ne pouvaient que s’entendre: tous deux engagés par la musique, ne vivant que pour elle, tout en occupant des territoires différents et complémentaires: pour Haydn, le perfectionnement de la Symphonie, du Quatuor à cordes et bientôt de l’oratorio; pour son cadet, l’opéra et le Concerto pour piano. Toujours inspiré, Haydn compose 18 Quatuors (opus 50, 54, 55 et 64) entre 1787 et 1790.

En 1787, Haydn célébré tel le «Shakespeare de la musique» est toujours souhaité à Londres. Mais pour le prince Esterhazy, il mène une activité continuelle, presque 100 représentations d’opéra sont données à Eszterháza. C’est lui qui dirige, sélectionne comme nous l’avons dit, les partitions et fait jouer évidemment ses propres oeuvres.


1790, un nouveau départ à Vienne

Le 28 septembre 1790, Nicolas le Magnifique décède. Changement de style à Esterhaza. Son fils Anton, principal héritier, moins porté sur les arts, congédie la colonie d’artistes et de musiciens, sauf Haydn et Tomasini. Mais le compositeur qui a presque passé 30 ans de sa vie au service des Princes Esterhazy, nommé maître de chapelle, est désormais libre de tout engagement. Ses chaînes sont coupées. Il s’installe à Vienne.
Le Roi de Naples lui offre un poste mais Haydn décline, préférant -enfin- réaliser ce séjour à Londres qui lui plaît tant: après une visite chez Mozart, Haydn part le 15 décembre 1790 à Londres, accompagné par Johan Peter Salomon (compositeur, violoniste et impresario, 1745-1815). Charles Burney, l’un des ses plus grands admirateurs à Londres, l’accueille: son séjour est un triomphe. Haydn reste à Londres jusqu’en juillet 1792: il est fait Doctor of Music honoris causa à Oxford, après avoir créé sa Symphonie n°92 (« la surprise »). Sur le chemin du retour, il passe par Bonn (y croise Beethoven auquel il professe quelques conseils). Beethoven lui rendra ensuite visite à Vienne pour recueillir son enseignement.


Londres II: les 12 Symphonies Londoniennes

Londres est à nouveau à l’ordre du jour: Haydn y réalise un second séjour, de janvier 1794 à mi août 1795. Le compositeur découvre le clavier local ou pianoforte, dont la facture anglaise produit une sonorité plus puissante que son correspondant viennois. Haydn se laisse tenter par sa sonorité ample et écrit ses 3 dernières Sonates pour le pianoforte.
Il compose surtout les fameuses 12 Symphonies londoniennes. Ce sont les Symphonies les plus jouées aujourd’hui, même si on leur dispute à juste titre celles non moins capitales dans la maturation du genre et l’évolution de l’écriture, les Parisiennes et les opus plus nettement marqués par l’esthétique Sturm und Drang.
C’est que les Londoniennes (1787-1790) s’éloignent de leurs soeurs antérieures, plus mozartiennes: complexité accrue, synthèse opérée et réussie entre divers styles, suprême virtuosité, intériorité, sincérité, forme inventive voire expérimentale, cohérence de l’architecture et même audace visionnaire… Jamais Haydn n’a semblé plus tenté par la permanente remise en question du cadre classique. Etonnant de la part d’un musicien que l’on étiquette tranquille voire ennuyeux! Même saveur originale pour ses canzonette anglaises et écossaises conçues à la même période. La véritable découverte de son séjour à Londres demeure, comme le vivra aussi Mendelssohn, Haendel. Revenu à Esterhaza, Haydn souhaitera mettre en oeuvre son inspiration dans le genre où s’est illustré avant lui, et ce magnifiquement, le compositeur baroque, né Saxon.


Messes et oratorios

Un nouveau prince règne désormais sur la maison Esterhazy, Nicolas II (qui succède à Anton le 22 janvier 1794): Haydn participe à sa Cour jusqu’en 1803. Mais sa santé l’amène à se préserver en demeurant ensuite à Vienne ou dans sa maison de Gumpendorf. Nicolas II, très grand collectionneur de peintures (lesquelles seront le noyau du futur musée de Budapest), n’apprécie que peu Haydn auquel il commande en liaison avec sa ferveur personnelle, de nombreuses partitions religieuses. Il commande à Haydn un cycle de Messes (6 opus), de 1796 à 1802, pour la fête de la princesse Maria Hermenegild, célébrée chaque mois de septembre à Eisenstadt: Heiligemesse (1796) ; Nelsonmesse (1798) ; Theresienmesse (1799) ; Harmonie-messe (1799). Trop occupé par son oratorio Les Saisons, Haydn ne livre pas de messe pour Eisenstadt, en 1800 (l’oratorio est achevé l’année suivante en 1801).

De 1796, date son amirable Concerto pour trompette en mi bémol majeur. En 1797, il compose l’hymne national autrichien (Gott, erhalte Franz den Kaiser). L’autre grande oeuvre de la fin demeure La Création, (« Die Shöpfung ») emblème de la pensée chrétienne et humaniste qui vaut à l’auteur une véritable gloire de son vivant (première viennoise, en avril 1798). Mais l’auteur génial dans l’oratorio a aussi laissé un ultime opéra, très vite retiré de l’affiche à cause de malheureuses circonstances: L’anima del filosofo ossia Orfeo ed Euridice. Dramma per musica 1791, ouvrage atypique, d’une funeste résolution, à la fois poétique, philosophique et spirituel: la relecture que nous offre Haydn du mythe d’Orphée (et à travers lui du musicien et de l’artiste) s’avère stupéfiante. L’opéra vient d’être repris par Jean-Claude Malgoire à Tourcoing (mars 2009).

Véritable trésor national, héros de la musique aristocratique et populaire, portant les valeurs héritées du Siècle des Lumières, Haydn paraît pour la dernière fois en public le 27 mars 1808 à l’occasion de la représentation de La Création, dirigée par Salieri.

Admiré comme peu avant lui, Haydn meurt le 31 mai 1809.

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