vendredi 19 avril 2024

Jessye Norman, soprano: Roots, my life, my soulArte, vendredi 31 décembre 2010 à 22h

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Jessye Norman
soprano
Jazzy Jessye
Arte, le 31 décembre 2010 à 22h

Jessye Norman fait son show sur Arte, le 31 décembre 2010 à 22h. Récital: Roots, my life, my songs (Bâle, 2010). Miss Norman fait son show: l’artiste vedette, diva
universelle immensément reconnue célébrée, la plus adulée et idôlatrée
depuis Callas, artiste phare chez l’ex label Philips (aujourd’hui
disparu), revient au disque dans ce double coffret miroir, l’un des plus
intimes jamais réalisés, « Roots: my life, my song ». C’est Sony
classical qui aujourd’hui lui permet ce retour événement, après presque
10 ans d’absence discographique. Arte diffuse le programme du disque que la soprano charismatique a présenté aussi sur la scène…
Il ne s’agit plus d’interpréter par le truchement des rôle classiques ou
contemporains les passions de l’âme humaine: dans le choix concerté des
oeuvres rassemblées, la diva nous offre un autoportrait, une
autobiographie chantés, incarnés par ce timbre sensuel et tendre qui
aime tant ciseler les mots. Des tambours d’Afrique au Nouveau Monde,
Jessye chante ses racines noires, retrouvant l’époque de son adolescence
quand elle chantait à l’église les Gospels et les chansons des anciens
esclaves (imprécation passionnée de « Lord, I couldn’t hear nobody pray »;
prière déchirante d' »Another man done gone »); « courage » et déchirure
des spirituals, ainsi transcendés sur les traces d’Ethel Waters. La voix
a conservé sa musicalité lyrique, a perdu de son diamant des années 80
et 90 qui a fait tout son éclat, mais la justesse des accents indique
encore la cantatrice sûre de ses effets qui sait calibrer l’expressivité
selon ses moyens récents. Il ne s’agit pas seulement d’un calcul vocal:
tout Jessye est ici dans l’élégance et la pudeur (« Sometimes I feel
like a motherless child »: douleur rentrée d’une infinie tendresse; chant
crépusculaire de « Pretty horses »…).


Jessye Norman, The Black Soul…

Souvent à peine accompagné d’une clarinette ou d’une contrebasse, la
diva joue avec l’intimisme, jeu de l’ombre et de la pénombre où dans les
replis du chant, se dévoile toute la grandeur de l’être. Le velours
vocal se fait hypnotique et le souffle, caresse d’une berceuse. La
tessiture a conservé toutes ses couleurs dans le medium. Puis ce sont
l’ivresse et la fluidité d’une voix authentiquement jazzy, caressante
aussi mais d’une exquise saveur extatique (« Stormy weather »): et l’on se
dit là que si elle n’avait pas été la diva de l’opéra que l’on sait,
« La Jessye » aurait été une immense chanteuse de Jazz sur les traces de
Billie Hollyday ou Sarah Vaughan: « Heaven », badin mais si musical; son
« Somewhere » est peut-être trop appuyé et fait entendre des aigus souvent
durs…. mais « My baby just cares for me » chatouille avec ce grain
facétieux. Vraie incarnation, hallucinée et obsessionnelle de « Mack the
knife »… Et la chanteuse joue en toute conscience avec la nouvelle
étoffe usée d’une voix cassée (« God’s gonna cut you down » qui conclut le
cd1).

Le cd2 fait entendre la complicité des solistes instrumentistes qui font
aussi la réussite de ce programme (« Take the A train ») taillé pour la
diva noire américaine. Les parisiens retrouvent son charme inimitable
dans les mélodies de Francis Poulenc dont surtout Les Chemins de l’amour
pour Yvonne Printemps: plus guère chantés dans la voix lyrique, mais
chantonnés comme un standard de variétés, murmurés, sur une ligne basse,
avec des « r » roulés » comme on en fait plus. Les graves d’ébène de la
cantatrice renouvellent sa lecture d’un opus qui avait embrasé hier la
salle Pleyel: avec des moyens différents, la vérité de l’énonciation du
texte touche toujours autant. Nouvelle Joséphine Baker dont elle partage
la passion française, Jessye chante « J’ai deux amours » (Vincent Scotto)
avec une subtilité feutrée.

« April in Paris » (Vernon Duke) retrouve la diva enchanteresse, digne
muse évocatoire révélant autant de suavité mesurée que Billie Hollyday,
Ella Fitzgerald par une voix qui se fait instrument de l’âme.

Divine Habanera de Bizet, jazzifiée et gaillardement déhanchée, chantée
et non plus déclamée dans la voix parlée: la diva Norman a gardé de
nombreuses perles, faisant savourer des aigus encore intacts. Mais elle a
l’âme totalement jazz: un détachement facétieux, un filet vocal parfois
éraillé qui ne cache pas son usure (mais en joue justement,
consciemment). Dans ce jardin secret que la cantatrice nous dévoile à
demi mots, il y a de purs joyaux dans ce sens : « Solitude », et le
dernier (déjanté) qui dévoile et fusionne le clown et la diva: « When the
Saints go marching in », entamé par un solo de trompette vertigineux
puis porté par la transe de la diva, nouvelle prêtresse incantatoire…
Les fans (et ils sont encore nombreux en France) seront comblés.

Jessye Norman: « Roots: my life, my song ».
Enregistrement live à la Philharmonie de Berlin. A noter que la diva
propose ce programme à Paris à l’Olympia (le 19 novembre 2010).

Télé: Jessye Norman fait son show sur Arte, le 31 décembre 2010 à 22h. Récital: Roots, my life, my songs (Bâle, 2010).

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