samedi 20 avril 2024

Helsinki. Opéra National Finlandais. Mercredi 8 octobre 2008. Modeste Moussorgski : Boris Godounov. Matti Salminen, basse. Version complète en 4 actes (Rimsky, 1874)

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Version complète en 4 actes

La direction du chef était bien tranquille, étrangement « absente » à toute lecture dramatique ; d’autant plus lisse et sage que le style du directeur musical de l’Opéra national finois, Mikko Franck, encore récemment chef principal du National de Belgique, est réputé pour son engagement et son caractère.
Jusqu’au 23 octobre 2008, la scène d’Helsinki présente une production plutôt classique qui sans réelle pertinence scénographique a le mérite de la clarté. En une succession de tableaux délimités par des parois mobiles sur lesquelles le réalisateur projette portraits des dirigeants de la grandeur russe (empereurs et présidents récents), qui sont aussi le support d’éclairages soignés, où en particulier l’ombre du protagoniste Boris, découpent sa figure embrasée, l’action se déroule sans heurts, avec pour les amateurs, le bénéfice d’une offre complète, comprenant l’acte polonais (III) : le spectateur y découvre l’intronisation du couple des prétendants au pouvoir, le faux Dimitri et Marina Mnisek, princesse ivre de puissance et de domination, entièrement dévolue à l’instance manipulatrice du jésuite Rangoni.

Mémorable Salminen

Le principal argument de la production finlandaise reste la basse Matti Salminen, l’un des plus indiscutables Boris actuels : présence, voix, style, surtout naturel dramatique. Outre l’égalité des registres, la noblesse ronde et cuivrée du ton, c’est l’intelligence de l’acteur qui époustoufle de bout en bout : scène des appartements où le Tsar paraît aux côtés de ses enfants, silhouette défaite mais digne, déjà en proie aux hallucinations ; puis, confrontation avec l’intrigant Chousky où c’est le meneur et le tyran autoritaires qui se dressent face au destin… Etre dévoré par le spectre de celui qu’il a assassiné, Salminen, aigle blessé, Amfortas russe gangréné par un poison tenace, joue de l’ambivalence du rôle avec une aisance supérieure à laquelle il apporte surtout une subtilité délectable dans l’approche psychologique du personnage. En chemise blanche ou dans son manteau de fourrure : ni surjeu, ni maniérisme expressionniste : seulement la puissance d’un verbe magnifiquement projeté qui rend plus explicite la déchirure centrale d’un caractère à la fois grandiose et dérisoire. Sur les traces de Feodor Chaliapine et de Boris Christoff, mais avec une sobriété fascinante, fondée sur l’émotion intérieure, la basse finlandaise qui a fait son apprentissage en Allemagne (il est d’ailleurs parfaitement germanophone) reste l’exemple actuel pour les prétendants d’aujourd’hui : Bryn Terfel ou René Pape…


Au-délà de cette figure humaine dépassée par l’histoire, le metteur en scène restitue parfaitement la dimension épique de la fresque historique : grandeur insondable de cette arche collective où la naïveté du peuple soumis, est depuis son début, manipulée et trompée par les politiques peu scrupuleux. Le prisme par lequel l’histoire s’écrit devant nos yeux est également parfaitement visible : tout au long de la représentation la chronique qu’écrit le moine Pimène s’accomplit, allusivement citée en marge de la scène : pupitre et narrateur visibles. C’est lui qui rétablit les faits. Sous sa plume se précise la vérité criante de ce qu’a perpétré la soif d’un Boris, possédé par le pouvoir. Mais Pimène est aussi « manipulé » par son jeune novice Gregory, lequel s’empare du terrible secret et usurpe l’identité de celui qui lui permettra d’accéder au trône (ce qui arrive de facto à la fin de l’opéra). Ainsi va l’histoire russe où les Tsars, champions en corruption et calculs, se succèdent sans guère se soucier du bien de leurs peuples…
Vocalement, aux côtés de l’immense Salminen, la Marina de Lilli Paasikivi s’avère d’une égale conviction ; parmi les comprimari, le ténor qui chante l’Idiot, voix du peuple et son cri déchirant dans le dernier tableau, comme le Pimène de la basse Jyrki Korhonen, sont tout aussi convaincants.

Malgré une fosse efficace mais sans éclat, le relief superlatif du Boris de Salminen demeure mémorable. Rappelons qu’il existe au dvd une version récente (Liceu de Barcelone, 2004), absolument recommandable où Matti Salminen chante Boris avec un égal tempérament dans la mise en scène particulièrement âpre, violente et resserrée de Willy Decker (Boris Godounov avec Matti Salminen sous la direction de Sebastian Weigle, 1 dvd TDK. Version de 1869, sans l’acte polonais).

Modeste Moussorsgki : Boris Godounov, 1874 (version Rimsky). Avec Matti Salminen (Boris), Riika Rantanen (Feodor), Merja Wirkkala (Ksenia), Aki Alamikkotervo (Chouisky), Jyrki Korhonen (Pimène), Mika Pohjonen (Grigori Otrepjev, le faux Dimitri), Lilli Paasikivi (Marina Mnisek), Jukka Romu (Varlaam), Hannu Niemela (Rangoni)…. Chœur orchestre de l’Opéra National Finlandais, Helsinki. Eri Klas, direction. Friedrich Meyer Oertel, mise en scène.

Illustrations: Opéra d’Helsinki © H. Tuuli 2008

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