mardi 16 avril 2024

Furtwängler: live in Berlin. RIAS 1947-1954 13 cd Audite. Archives originales remasterisées

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Edition Wilhelm Furtwängler
Furtwängler live in Berlin 1947-1954

The complete Rias recordings: 1947-1954.
Bach, Gluck, Haendel, Beethoven, Schubert, Weber, Mendelssohn, Strauss, Bruckner, Wagner, Hindemith…
13 cd Audite

Le coffret regroupe de façon très cohérente en suivant la chronologie, les concerts berlinois de l’après-guerre, archives enregistrées en mono par le maître et le Philharmonique de Berlin, avec les moyens techniques de la Rias de Berlin (sous tutelle américaine de 1946 à 1993). La boîte miraculeuse comprend donc 13 cd (12 cd + 1 cd bonus): offrant un aperçu décisif de l’approche artistique et esthétique du maestro légendaire, de mai 1947 (Symphonies 5 et 6 de Beethoven) à mai 1954 (Symphonies n°5 et 6 de … Beethoven). Argument de poids: les bandes originales ont été remasterisées pour cette édition en tout point recommandable.
Beethoven est d’autant plus « repris » et l’objet de lectures à répétition que Furtwängler aborde aussi le Concerto pour violon en septembre 1949 (avec Yehudi Menuhin), et aussi l’Eroica (symphonie 3) à deux reprises elle aussi, en juin 1950 puis décembre 1954.
Autre monument incontournable: la Symphonie n°8 « inachevée  » de Schubert, interprétée en octobre 1948 puis septembre 1953, avec un sens des respirations (et des silences) impressionnant… mais vous ne manquerez pas une perle, l’ouverture du Freischütz, de Carl Maria von Weber: 13 minutes d’incandescence éruptive, de décembre 1952: à la fois tissée dans la grandeur tellurique et le désespoir le plus amer… dont ce lugubre des notes énoncées une à une (solo de clarinette) où le temps semble arrêter son cours.
Notre coup de coeur va aussi au cd 11: réunissant Symphonie 3 de Brahms (houle émotionnelle prenante), Don Juan de Strauss opus 20 (dégainé avec une charge affective à la fois ahurissante et délirante), surtout Prelude et Liebestod de Tristan und Isolde de Wagner: concert mémorable du 27 avril 1954… qui s’achève en un hymne lunaire d’un envoûtement total, porté comme un rêve et un déferlement suave par des cordes surchauffées et murmurées.

Les 7 dernières années d’un chef légendaire

Evidemment les années critiques sont passées par là, avec leur lot d’humiliation, de remise en question surtout de la démarche philosophique et éthique: ne vous y trompez pas, voici l’ultime direction du chef, la plus trouble, la plus personnelle, celle qui tout en accusant l’expérience de la baguette, n’en reste pas moins viscérale, habitée et vivante. Marquée évidemment par les années vécues au coeur de la tourmente nazie, puis par le procès en dénazification vers une réhabilitation pleine et entière, la lecture de Furtwängler reste inestimable, en particulier à la lumière de ses 7 ultimes années ainsi restituées… le maestro devait mourir quelques mois après la dernière prise ici sélectionnée, à Baden-Baden, le 30 novembre 1954.
Souvent dans les mouvements exigeant de la profondeur, le chef prend une telle hauteur de vue qu’il semble détaché, barde d’une puissance poétique atemporelle (marche funèbre de l’Eroica de 1952). Le grand « Furt » est là: contemplant l’univers, au diapason d’une conscience qui nous échappe, ciselée dans les épreuves indicibles et solitaires qu’il a traversées. Son silence est aussi bruyant et porteur de sens que le développement instrumental réalisé par un orchestre capable de risques inouïs. Tout le Philharmonique de Berlin semble respirer selon l’humeur de la baguette et exprimer l’esprit du chef avec des retenue en acmé, des soupirs implicites, une vision directe et franche, profonde de l’instant.
La lenteur qui étire le temps gagne en réalité une souplesse expressive inédite qui éclaire toujours avec la même justesse humaine ses Bach et ses Haendel, son Gluck aussi (ouverture d’Alceste de septembre 1951)… un Weber et plusieurs Wagner (aux côtés du Tristan, citons aussi le Crépuscule des Dieux (Trauermarsch) et le prélude du I des Maîtres Chanteurs (décembre 1949), déjà cité qu’il fait respirer eux aussi, sous un crépuscule de fin du monde (que Furtwängler a connu dans l’Europe meurtrie d’après le nazisme).

Au fond, l’art du chef sert non pas une carrière mais un témoignage. Celui de Furtwängler reste inégalé par sa force, sa vérité, sa profondeur. Dommage que le colloque où Furtwängler explique son art aux élèves et auditeurs, invités par le compositeur Werner Egk (1951) ne soit pas traduit: il reste intelligible des seuls germanistes. Coffret inestimable d’autant plus dans une nouvelle version remastérisée vraiment concluante. Réédition majeure. Edition Wilhelm Furtwängler (1886-1954): live in Berlin. Rias Archives 1947-1954. 13 cd Audite.

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