vendredi 19 avril 2024

Friedelind Wagner, l’autre voix de Bayreuth

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Friedelind WagnerAu moment où sont célébrés partout dans le monde et à Bayreuth évidemment pour le festival estival, les 200 ans de Richard Wagner, classiquenews souligne le message différent d’un membre du clan Wagner, celui de Friedelind, petite-fille du compositeur qui de son vivant, aidée par Toscanini, eut le courage de rompre avec sa famille, refusant la collision néfaste avec Hitler et le nazisme … Et si Friedelind, empêchée à Bayreuth, écartée par son frère Wolfgang, incarnait mieux que ses proches, le message wagnérien ?

Née en 1918, Friedelind incarne la pensée miraculeuse du clan Wagner, si entâché par sa collision avec le nazisme et depuis le règne à Bayreuth de la veuve Cosima, empêtré dans des positions de replis dogmatiques ultraconservateurs. D’où le problème toujours actuel de Bayreuth au moment du bicentenaire 2013: la colline verte n’a pas résolu ses querelles de successions internes ni vraiment convaincu en terme de qualité artistique. Voilà bien longtemps que le théâtre édifié par Wagner grâce à Louis II de Bavière ne présente plus les meilleures productions du Ring, de Lohengrin, de Tannhäuser et de Parsifal … L’ère de Wieland, avec sa politique artistique audacieuse et ses mises en scènes conceptuelles et esthétiques paraît bien lointaine à présent, mais Wieland avait démontré après la guerre combien un nouveau Bayreuth, temple de la magie wagnérienne, était alors possible. Les temps ont changé depuis…

 

 

Wagner dénazifié :
l’ange Friedelind contre Bayreuth

 

Friedelind est la fille de Siegfried Wagner, le fils de Richard, homosexuel dont les inclinations sentimentales ont toujours été savamment masquées par le clan, en particulier grâce à son mariage avec Winifried, totalement dévolue à Hitler (que ses enfants doivent adorer comme leur oncle) : elle fait de Bayreuth le refuge des nazis et fait basculer toute l’activité wagnérienne du côté de la barbarie, assimilant encore Wagner avec la pensée hitlérienne, tel un outil de propagande à la solde du tyran barbare. 
Ayant des rapports tendus avec sa mère, Friedelind résiste à l’emprise du nazisme sur le clan : même si elle se résout à visiter le fürer en 1937, elle garde chevillé au corps, une distance avec l’idéologie imposée par sa mère. Doutant de l’assimilation assumée du wagnérisme comme propagande pour Hitler, le jeune femme décide de rompre avec sa famille et quitte Bayreuth dès 1939, à 21 ans : elle s’exile aux USA en 1940 avec le soutien d’un wagnérien humaniste comme elle, Toscanini. Friedelind garde des liens avec son frère Wieland.
En 1945, Friedelind écrit et fait publier ses souvenirs de la période Bayreuth hitlérisé (Heritage of fire) : aujourd’hui encore le livre est soigneusement tenu secret et inaccessible, tant à cause des révélations impardonnables sur les choix du clan Wagner pendant la guerre, que par la figure admirable d’un membre qui a su déceler l’horreur et s’en détacher quitte à en souffrir.

En 1953, après la guerre, Friedelind revient à Bayreuth mais sa mère l’en écarte : la fille a trahi, elle n’a donc pas sa place au sein du Théâtre de son grand-père ; et pourtant la fille prodigieuse s’entête à orienter le lieu par une nouvelle position plus éthique. Consciente cependant de l’immense héritage de son aîné, Friedelind organise en marge de Bayreuth, plusieurs masterclasses (1959) destinées à sensibiliser les jeunes musiciens et le public à la musique de Richard Wagner, reprenant de ce dernier l’idée d’ouvrir une école favorisant la compréhension et l’interprétation des opéras wagnériens. Héritière spirituelle de son grand-père, Friedelind parvient à former plusieurs chanteurs dont la mezzo Barbara Conrad. 
Avec la mort de son frère Wieland (1966), Friedelind perd un soutien important à Bayreuth : Wolfgang le 2ème frère et co directeur du festival prend alors les rênes de l’institution : comme leur mère Winifried, Wolfgang interdit à sa soeur l’accès au Théâtre. 
Jusqu’à sa mort en 1991, Friedelind ne cesse de défendre une autre histoire de Wagner à Bayreuth, le débarrassant des collusions avec l’hitlérisme qui a dénaturé profondément le message de Wagner.

Le travail des années futures, au moment du bicentenaire Wagner 2013 devrait voir une nouvelle approche de l’histoire du wagnérisme en Allemagne et à Bayreuth : se pencher sur l’oeuvre et la vie de Friedelind Wagner permettra de réécrire demain le message de Wagner à travers ses oeuvres ; expliquer le sens du Ring en le distinguant clairement des multiples instrumentalisations dont il a été l’objet dont surtout la récupération par les nazis et le clan Wagner (Winifried, Wolfgang) reste le point crucial d’une bataille toujours d’actualité.

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