FRANCE MUSIQUE. Sam 5 fĂ©v 2022, 20h. VERDI : REQUIEM, en direct. AprĂšs ceux de Gossec et Berlioz, le Requiem de Verdi, lâune des partitions spirituelle les plus bouleversantes Ă©crites sur le thĂšme de la mort, poursuit lâodyssĂ©e des fresques chorales, lyriques et orchestrales spectaculaires. ColĂšre divine, priĂšre pour le salut des dĂ©funts⊠la partition convoque les tourments et lâespĂ©rance des hommes face Ă la faucheuse, sollicitant la misĂ©ricorde divine au moment du Jugement dernier. Câest donc en sĂ©quences clairement dĂ©finies, alternant solos, duos, quatuors de solistes, somptueuses et fracassantes vagues chorales un opĂ©ra sacrĂ© Ă lâĂ©chelle du collectif comme de la priĂšre individuelle. PrĂ©sentation du REQUIEM de VERDI par Elvire James.
A lâorigine, Verdi compose son Requiem pour la mort du poĂšte italien Alessandro Manzoni (lâauteur adulĂ©, admirĂ© dâ i Promessi sposi) en 1873. La partition est plus quâun opĂ©ra sacrĂ© : câest lâacte dâhumilitĂ© dâune humanitĂ© atteinte et saisie face Ă lâeffrayante mort ; lâidĂ©e du salut nây est pas tant centrale que le sentiment dâĂ©preuve Ă la fois collective (avec le formidable chĆur de fervents / croyants), et individuelle, comme lâĂ©nonce le quatuor des solistes (priĂšre du Domine Jesu Christe). Le Sanctus semble affirmer Ă grand fracas la certitude face Ă la mort et Ă lâirrĂ©pressible anĂ©antissement (fanfare et choeurs) : mais la proclamation nâĂ©carte pas le sentiment dâangoisse face au gouffre immense.
Dâabord entonnĂ© en duo (soprano et alto), lâAgnus dei tĂ©moigne du sacrifice de JĂ©sus, priĂšre Ă deux vois que reprend comme lâĂ©quivalent profane/collectif du choral luthĂ©rien, toute la foule rassemblĂ©e, saisie par le sentiment de compassion. Enfin en un drame opĂ©ratique contrastĂ©, Verdi enchaĂźne la lumiĂšre du Lux Aeterna, et la passion dâabord tonitruante du Libera me (vagues colossales des croyants rassemblĂ©s en armĂ©e), qui sâachĂšve en un murmure pour soprano (solo jaillissant du choeur rassĂ©rĂ©nĂ© : Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua lucaet eis / Donne-leur, Seigneur, le repos Ă©ternel, et que la lumiĂšre brille Ă jamais sur eux) : ainsi humble et implorant, lâhomme se prĂ©pare Ă la mort, frĂšre pour les autres, Ă©gaux et mortels, Ă la fois vaincus et victorieux de lâexpĂ©rience de tous les mourants qui ont prĂ©cĂ©dĂ©s en dâidentiques souffrances.
Il faut absolument Ă©couter la version de Karajan (Vienne, 1984) avec la soprano Anna Tomowa Sintow et le contralto dâAgnĂšs Baltsa pour mesurer ce rĂ©alisme individuel, â emblĂšme de lâexpĂ©rience plutĂŽt que du rituel, pour comprendre la puissance et la justesse de Verdi. Acte de contrition (Tremens factus sum ego -1-) chantĂ© par la contralto dâune dĂ©chirante intensitĂ©, priĂšre en humilitĂ©, le chant ainsi conçu frappe immĂ©diatement lâesprit de tous ceux qui lâĂ©coute ; au soprano revient le dernier chant, celui dâune exhortation qui nâĂ©carte pas lâamertume et la profonde peine ; entonnant avec le chĆur rassemblĂ©, concentrĂ©, Ă©mu, les derniĂšres paroles du Libera me, la soprano exprime le tĂ©moignage de la souffrance qui nous rend Ă©gaux et frĂšres ; en elle, retentit lâexpĂ©rience ultime ; son air sâaccompagne dâune espĂ©rance plus tendre, emblĂšme de la compassion pour les dĂ©funts, tous les dĂ©funts.
Croyant ou non, lâauditeur ne peut ĂȘtre que frappĂ© par la haute spiritualitĂ© de ce Requiem Ă©laborĂ© Ă lâĂ©chelle du colossal et de lâintime, oĂč les gouffres et les blessures nĂ©s du deuil et de la perte expriment de furieuses plaintes contre lâinjustice criante, puis sâapaise dans lâacceptation, conquise non sans un combat primitif et viscĂ©ral.
RECONCILIER GIGANTISME ET SINCERITE DâUNE PRIERE individuelle et collective. Le Requiem de Verdi aux proportions impressionnantes (choeur de 100 chanteurs, orchestre philharmonique, 4 solistes) et qui dure prĂšs de 2h semble idĂ©al pour une telle cĂ©lĂ©bration collective. Le Dies irae entre autres sĂ©quences chorales, impose une fureur Ă©gale au Requiem de Berlioz, fracassant, impĂ©tueux, dĂ©chirant par son rĂ©alisme tragique et tourmentĂ©. Il sâagit certes de la colĂšre divine (Ă©vocation du Jugement dernier) mais surtout de la force volcanique et Ă©ruptive dâun choeur dĂ©chainĂ©. LâexpĂ©rience du Requiem de Verdi allie vertiges collectifs et priĂšre intime, alliant le pharaonique et lâintense ferveur dâune Ćuvre qui frappe par sa justesse et sa force tragique.
FRANCE MUSIQUE, sam 5 fĂ©v 2022, 20h  -  ConcertÂ
en direct du Théùtre des Champs-ElysĂ©es Ă Paris. Giuseppe Verdi : Messa da requiem / âšMesse de requiem pour solistes, double chĆur et orchestre créée le 22 mai 1874. Eleonora Buratto, soprano – âšMarie-Nicole Lemieux, contralto – Michael Spyres, tĂ©nor – âšRiccardo Zanellato, basse – âšChoeur de Radio France âšdirigĂ© par Alessandro Di Stefano – âšOrchestre National de France  -  âšDaniele Gatti, direction