vendredi 19 avril 2024

France 3. En direct. 17 èmes Victoires de la musique classique 2010. Lundi 8 février 2010 à 20h30

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Triomphe des pianistes Huvé et Kadouch…

Qu’ont donné à terme ces nouvelles victoires 2010? Que le tout Paris attend avec impatience, et même, espéré par tout le milieu musical dont bien sûr les professionnels, soucieux de placer qui leur artiste, leur projet (dvd ou cd), qui leur oeuvre…, espérant les exposer à une grande audience, du moins celle que permet aujourd’hui la télévision.

Osons reconnaître que la première partie qui doit chauffer la salle et les téléspectateurs, était d’une froideur glaciale, rythmée de surcroît par une réalisation hystérique avec contreplongées, dézooms systématiques, effets de grue et j’en passe… (en particulier pour les Polovtsiennes du Prince Igor de Borodine)… filmant le classique comme de la variété, surfant à la surface de l’orchestre et des musiciens sans jamais exprimer ni atteindre au coeur du classique: l’émotion et l’humain. Que dire des couleurs d’une consternante fadeur: éclairages sophistiqués mais froids. Et le sempiternel duo d’animateurs, plutôt bâteleurs que séducteurs, trouve dans le couple Lodéon et Drucker, deux égos mal assortis qui visiblement ne savent pas transmettre la magie du classique à l’écran. Difficile de réussir ces Victoires qui sans le CIC, principal financeur de l’opération, seraient hélas tombé dans l’oubli depuis longtemps. Le service public doit nous immerger dans la culture et l’art vivant, mais à trop vouloir renouveler le concept chaque année, avec des moyens techniques pourtant hallucinants, le risque est de… lasser.
Voir ici ce que Arte (Arte Lounge) et France 2 (la boîte à musique) savent de leur côté parfaitement réussir: insuffler une atmosphère et une ligne attractive… On n’en demande pas davantage, surtout pas ces coups de caméras solennels et pompeux.

1.800.000 téléspectateurs au rv…

Côté audience, inscrit en prime time (malgré la concurrence, sur M6 par exemple, de l’immanquable volet de Star Wars, la revanche des Scythes), et non plus comme en 2009 un dimanche après midi, les Victoires 2010 ont gagné près de 800.000 spectateurs, plafonnant à presque 1.900.000 télémélomanes.
Le score fait rêver et 1.800.000 âmes fidélisées par le spectacle composent un beau challenge. Mais 800.000 en heure de grande écoute, est-ce réellement méritant? La part d’audience a seulement atteint 7,7%, soit la 4è place des audiences de la soirée. Pour « le plus grand concert de l’année » comme les animateurs ne cessaient de nous en convaincre, c’est un peu maigre…

Surprises en pitreries…

Heureusement, les surprises ont été au rendez-vous. Sachons en dresser la liste minutieuse. Car souvent, il se passe toujours quelque chose… parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.

Démocratisation du classique et élargissement des publics rimaient ce lundi soir avec … cirque et pitreries en tout genre: la palme revient évidemment au chef Hervé Niquet, complice inattendu du couple Shirley et Dino, dont on ne soupçonnait pas la passion du grotesque le plus potache, chantant une tyrolienne bien caricaturale en habits suisses bien de chez nous… osant un King Arthur éculé à l’indigence visuelle la plus criante et la moins poétique: le dieu Hiver y paraissait grelotant et baillant, vêtu d’un bonnet et d’une écharpe de laine… le grotesque le plus terre à terre au chevet du baroque. Nous n’y avions pas pensé.
Parmi les déceptions de la soirée, osons aussi regretter la performance si maniérée et tendue d’Alexandre Tharaud dans le Nocturne opus posthume de Chopin: affèteries, minauderie, quel manque de simplicité et de profondeur. La performance était même sidérante venant d’un artiste que l’on a apprécié, ailleurs et autrement, dans d’autres répertoires.
Autres ratés d’importance: la diffusion de l’extrait de l’opéra de Janacek, La Petite Renarde rusée (Medici arts) qui recevait le prix du dvd de l’année: comment les techniciens de France 3 ont-ils fait pour saborder le transcodage du film à la télévision: les images saccadées étaient un contre exemple pour le produit ainsi mis en avant. Le dvd d’opéra souffre sur un marché microcosmique, pour ne pas être ainsi démonté par une promotion aussi manquée. Dure séquence.

Le meilleur pour la fin…

Le meilleur est venu pour la fin: après un Vivaldi (Griselda) assez époustouflant de la belle américaine originaire d’Alaska, Vivica Genaux, (pourtant accompagnée avec platitude par Le Concert Spirituel et Hervé Niquet), la vraie magie s’est accomplie lors de la proclamation de la Victoire dans la catégorie Révélation soliste instrumental de l’année: le jeune pianiste de 24 ans, David Kadouch remarqué par Daniel Barenboim a époustouflé par sa candeur, sa simplicité, et dans le Concerto pour piano n°2 de Mendelssohn, son tempérament d’écureuil habité, enchanteur/enchanté fut, proprement renversant. Autant de grâce naturelle faisait tant défaut chez ses aînés. Que le jeune interprète, avec son cadet le clarinettiste Romain Sévère (à peine 16 ans) conserve toujours cette innocence magicienne. C’est tout le mal que nous leur souhaitons.

Heureux Philippe Hersant, l’un de nos plus grands compositeurs actuels dont nous regrettons que son opéra fantastique et gothique, d’une orchestration ciselée, Le Château des Carpathes d’après Jules Verne, ne soit toujours pas repris dans son pays natal: l’académie des Victoires a bien été inspirée de lui remettre pour la 3è fois (!) la Victoire du compositeur de l’année (après 2005 et 2008). Palmes ô combien méritées.

Dommage que ni Philippe Jaroussky ni David Fray ni les instrumentistes du Quatuor Ebène (tous artistes de « l’écurie  » Virgin classics) n’étaient présents pour recevoir leurs récompenses.
L’autre grand gagnant de la soirée fut un autre immense artiste « oublié » ou trop méconnu, le pianiste Cyril Huvé. Qu’il ait remporté la Victoire de l’enregistrement de l’année, voilà un nouveau tour gagnant, et une récompense légitime à mettre au bénéfice de l’édition 2010: saluer son disque Mendelssohn (autre grand gagnant de la soirée), joué sur un piano d’époque (Broadwood 1840), de surcroît édité par un jeune label indépendant (Paraty), voilà un apport qui doit être aussi l’une des valeurs des Victoires de la musique classique à la télé. Le défrichement et les indépendants y étaient ainsi salués.


victoires de la musique classique 2010, france 3, direct de Montpellier
Rendez vous est pris en février 2011 pour les 18è Victoires… mais pitié pour nos yeux et nos oreilles, dans des décors dignes d’un tel événement avec une réalisation plus humaine, des animateurs moins démonstratifs, un enchaînement moins compassé, et surtout un mixage du son plus soigné (un comble pour une soirée dédiée à la musique classique). Le talent et la jeunesse, la magie et l’émotion attendent toujours à la télé, leur écrin cathodique. Et nous avec.

Palmarès
des 17 èmes victoires de la musique classique 2010

RÉVÉLATION SOLISTE INSTRUMENTAL
. Emmanuel Ceysson, harpe
. David Kadouch, piano (lauréat)
. Raphaël Sévère, clarinette

RÉVÉLATION ARTISTE LYRIQUE
. Isabelle Druet, mezzo (lauréate)
. Anna Kasyan, soprano
. Marc Mauillon, baryton

SOLISTE INSTRUMENTAL DE L’ANNÉE
. Bertrand Chamayou, piano
. Cyril Huvé, piano
David Fray, piano (lauréat)
.
ARTISTE LYRIQUE DE L’ANNÉE
. Karine Deshayes, mezzo
. Philippe Jaroussky, contre-ténor (lauréat)
. Ludovic Tézier, baryton

FORMATION DE MUSIQUE DE CHAMBRE
. Café Zimmermann
. Philippe Bernold (flûte) / Ariane Jacob (piano)
. Quatuor Ebène (lauréat)

COMPOSITEUR
. Karol Beffa pour son Concerto pour piano
. Hugues Dufourt pour Les Météores
. Philippe Hersant pour Les Âmes du purgatoire (lauréat)

CD
. La Dolce Fiamma , Philippe Jaroussky (Virgin Classics/EMI)
. Mendelssohn: Oeuvres pour piano, Cyril Huvé (Paraty) (lauréat)
. Sacrificium , Cecilia Bartoli (Decca/Universal)

DVD
. Julia Varady, Le Passage du flambeau , Bruno Monsaingeon (réalisation) (Medici Arts)
. La Petite Renarde rusée de Janacek, Dennis Russell Davies (direction musicale), André Engel (mise en scène), Don Kent (réalisation) – Opéra de Paris (Medici Arts) (gagnant)
. Tristan et Isolde de Wagner, Daniel Barenboïm (direction musicale), Patrice Chéreau (mise en scène), Patrizia Carmine (réalisation) – Scala de Milan (Virgin Classics)

Liste des oeuvres interprétées lors de la soirée
– « Danses polovtsiennes », extrait de l’opéra « Prince Igor » de Borodine, par le Choeur de l’Opéra national de Montpellier (direction Noëlle Geny)
– « Concerto en sol » de Ravel (1er mouvement), par Hélène Grimaud et l’Orchestre national de Montpellier
– « Le tricorne », ballet de Manuel de Falla (la danse finale), par l’ONMLR
– « Le Barbier de Séville », opéra de Rossini: air de Rosine « Una voce poco fa », par Karine Deshayes, mezzo-soprano, nommée dans la catégorie « artiste lyrique de l’année »
– « Concerto pour flûte, harpe et orchestre » de Mozart (le mouvement lent), par Philippe Bernold (flûtiste, nommé en catégorie « musique de chambre ») et Emmanuel Ceysson (harpiste, nommé dans la catégorie « révélation soliste instrumental »), accompagnés par l’ONMLR (direction Robert Tuohy, chef assistant).
– « Concerto pour violon » de Brahms (le célèbre 3e mouvement), par Vadim Repim, lauréat d’une Victoire d’honneur, et l’ONMLR (direction Lawrence Foster).

– « Pavane » opus 50 de Fauré (extrait), par les jeunes de la troupe Opéra-Junior de Montpellier, avec l’ONMLR et les Choeurs de l’Opéra (direction Robert Tuohy)
– « King Arthur » de Purcell: air « What power art thou », revu et corrigé, par Joao Fernandes (basse), l’ensemble baroque Concert Spirituel (direction Hervé Niquet), avec l’intervention de Shirley et Dino pour une « Tyrolienne » endiablée !
– « Grand duo concertant » opus 48 de Weber (rondo), par Raphaël Sévère (clarinettiste, nommé dans la catégorie « révélation soliste instrumental ») et Romain Descharmes (piano)

– « La vida breve » , danse espagnole n°1 de Falla, par Anne Gastinel (violoncelle) et Pablo Marquez (guitare)
– « Cosi Fan Tutte », opéra de Mozart, trio « Soave sia il vento », par Isabelle Druet (mezzo), Anna Kasyan (soprano) et Marc Mauillon (baryton), tous nommés dans la catégorie « révélation artiste lyrique de l’année », et l’ONMLR (direction Lawrence Foster)
– « Griselda », opéra de Vivaldi, air « Agitata da due venti », par la mezzo-soprano Vivica Genaux et le Concert Spirituel (direction Hervé Niquet)

– « Te Deum », de Charpentier, 1re Marche des Trompettes, prélude, par l’ensemble baroque Concert Spirituel (direction Hervé Niquet)
– « Concerto pour piano n°2 » de Saint-Säens (3e mouvement), par Bertrand Chamayou (piano), nommé dans la catégorie soliste instrumental, avec l’ONMLR
– « Joyeuse marche » de Chabrier (extrait), par le Concert Spirituel d’Hervé Niquet, ainsi que Shirley et Dino
– « Le cygne », de Saint-Säens, version humoristique avec des instruments inattendus

– « Nocturne en ut dièse mineur n°20 », de Chopin, par Alexandre Tharaud (piano)
– « Carmen », opéra de Georges Bizet: air « Près des remparts de Séville », par Isabelle Druet (mezzo) et l’ONMLR (direction Robert Tuohy)
– « Finale », de Bruno Mantovani (lauréat 2009 des Victoires), par l’ONML (direction Robert Tuohy)

– « Concerto pour piano n°2 » de Mendelssohn (3e mouvement), par David Kadouch et l’ONMLR (direction Robert Tuohy)
– « Marche Truc », librement inspirée de Mozart, par le quintette Quai n°5
– « Rondo Capriccioso », de Mendelssohn, par Cyril Huvé (piano), lauréat 2010 pour l’enregistrement de l’année et nommé en catégorie « soliste instrumental »
– « Rhapsodie roumaine » d’Enesco, par l’ONMLR (direction Lawrence Foster)

17 ème Victoires de la musique classique. France 3. En direct. Lundi 8 février 2010.

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