vendredi 29 mars 2024

Fontevraud. Réfectoire de l’Abbaye Royale, le 29 mars 2013. Schütz, Praetorius. Ensemble Jacques Moderne; Joël Suhubiette, direction

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Dès sa création l’ensemble Jacques Moderne s’est spécialisé dans la
défense du répertoire baroque. En cette période de Pâques, l’Abbaye
royale de Fontevraud célèbre la semaine sainte en proposant deux
concerts et une chasse aux oeufs dans son enceinte le dimanche de
Pâques. Pour le concert du Vendredi Saint, les responsables de l’Abbaye
invitent l’ensemble Jacques Moderne et son chef pour une soirée
consacrée au compositeur allemand Heinrich Schütz (1585-1672).

Pâques à Fontevraud par l’Ensemble Jacques Moderne

Heinrich Schütz (1585-1672) est l’un des compositeurs majeurs du début de la période baroque dans les pays de langue allemande. Si sa production musicale est importante, cinq cent pièces répertoriées dont un tiers serait perdu, elle est essentiellement religieuse. C’est dans cet important corpus que Joël Suhubiette a choisi trois oeuvres empreintes de spiritualité et de recueillement. Si l’ensemble Jacques Moderne ne chante que des extraits de Geistliche Chormusik et de Kleine Geistliche Konzert, il donne l’intégralité des Sept paroles du Christ en croix. Globalement les voix sont solides ; les chanteurs, parfaitement rodés au répertoire baroque ; la diction, excellente. Nous regrettons cependant que l’alto Gunther Vandeven ait une voix qui, en plus d’être couverte par ses collègues et les musiciens, peine à passer la rampe. Si cela ne pose pas de problème majeur dans les ensembles, quand l’alto allemand chante Was main Gott will, das g’schesh allzeit en duo avec le ténor Marc Manodritta, nous avons bien du mal à l’entendre.

En revanche, les deux sopranos Anne Magouët et Céline Boucard s’en donnent à coeur joie tant dans les ensembles que dans les pièces solistes comme Das blut Jesu Christi qu’elles chantent avec la basse Jean Claude Saragosse ou le duo O lieber Herre Gott qui, l’un comme l’autre résonnent sous les voûtes du réfectoire avec une simplicité qui incite à la méditation. Les Sept paroles du Christ sur la croix, qui est le coeur du concert du Vendredi Saint est un court oratorio ou le « rôle » de l’évangéliste passe d’une voix à l’autre sans interruption. Jean-Claude Saragosse, que nous avions déjà salué l’été dernier chante avec talent le deuxième larron et Jésus, passant de l’un à l’autre avec aisance. Très à son aise dans le répertoire baroque, la basse française a une diction claire et une voix limpide qui rend chaque note, chaque sentiment chaque interrogation avec une précision remarquable.

Pour permettre aux chanteurs de se reposer, les musiciens jouent deux extraits de Paduana, oeuvre composée en 1616 par Michael Praetorius (1571-1621). Né dans la province de Thuringe, Praetorius qui est contemporain d’Heinrich Schütz, qu’il a rencontré et guidé lorsque le jeune saxon a commencé à composer, a lui aussi laissé un corpus important aussi bien vocal qu’instrumental. Les deux passages de Paduana permettent aux musiciens de se mettre avantageusement en valeur jouant avec simplicité, une musique, qui à l’image de celle de Schütz, incite le public à une nécessaire introspection en période de semaine sainte.

Directeur musical de l’ensemble Jacques Moderne depuis vingt ans, Joël Suhubiette dirige la soirée avec justesse et intelligence. Le chef toulousain, qui a travaillé dès ses débuts avec William Christie et Philippe Herreweghe, donne une version épurée, claire, vivante, très forte des trois oeuvres de Schütz dont le point d’orgue reste Les sept paroles du Christ en croix dont la lecture est fluide et sans fioritures.

Malgré quelques imperfections, l’ensemble Jacques Moderne livre une belle version des oeuvres d’Heinrich Schütz. Le pari est d’autant plus réussi qu’elles ont été composées sur un texte en allemand et non en latin. L’ensemble de pays et de principautés sont alors majoritairement de confession protestante, il faut se démarquer de l’église catholique romaine alors très contestée et en pleine tourmente (la Contre- Réforme bat son plein en une époque musicalement intense mais politiquement troublée).

Abbaye Royale de Fontevraud. Réfectoire, le 29 mars 2013. Heinrich Schütz (1585-1672) : Les sept paroles du Christ en croix (SW 418); Geistliche Chormusik : Die Himmel erzälhlen die Ehregottes,O liber Herre Gott, Ich bin eine rufende Stimme, Unser Wandel ist im Himmel, Selig sin die Toten, Das ist gewisslich wahr, Was mein Gott wil, das g’scheh allzeit; Kleine Geistliche Konzert : Das Blut Jesu Christi, O lieber Herre Gott, O hilf Christe, Gottes sohn. Michael Praetorius (1571-1621) : Paduana – Newz Liebliche Paduanen und Gailliarden Stimmen. Anne Magouët, soprano; Céline Boucard, soprano; Gunther Vandeven, alto; Olivier Coiffet, ténor; Marc Manodritta, ténor; Jean Claude Saragosse, basse. Ensemble Jacques Moderne; Joël Suhubiette, direction.

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