jeudi 28 mars 2024

Festivals été 2012. Saoû, Cordes en BalladesDrôme et Ardèche, du 23 juin au 27 juillet 2012

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Saoû chante Mozart (26)
et autres lieux, du 23 juin au 27 juillet 2012

Cordes en ballade
Et en Ardèche (07), du 5 au 15 juillet
2012

Ils sont du nord-encore et d’un midi-au-sud, les deux départements de part et d’autre du Rhône. La Drôme offre en début d’été une 23e édition du seul Festival-Mozart français, autour de Saoû, où « l’adolescent aux semelles de vent », alias Wolfi, est célébré sous l’angle de l ’amitié. L’Ardèche des Cordes en Ballade présente une session « américaine », avec un portrait du compositeur Marc Mellits, et multiples interventions sous la houlette du Quatuor-fondateur, les Debussy, qui n’oublient pas un 150e anniversaire de naissance pour Claude-Achille.

Couper la poire en deux

On sait que les Français continuent à n’être pas forts en géographie. Les fervents de festivals n’échappent pas forcément à cette lacune, et pour introduire un peu de « science amusante » en ce domaine, ont-ils bien remarqué sur la carte départementale combien les numéros 07 et 26 (l’Ardèche et la Drôme) figurent une avenante … poire, que coupe par le milieu la verticale du Rhône ? Exact témoin d’unité des deux moitiés du fruit, promesse de délectation (en Drôme et Ardèche, les vergers sont particulièrement riches…), procédé mnémotechnique, pousse-à-la-métaphore, comme on voudra selon l’humeur. Et que l’on sache, les destins culturels des deux moitiés sont bien liés, sans trop de rivalité, qu’il s’agisse de la part ouest- (qui regarde l’est du Massif Central) ou de la part est (qui s’appuie sur…l’ouest des Préalpes), le méridional touchant dans les deux cas (la Drôme Provençale et l’Ardèche Languedocienne)… En musique « classique », et pour l’activité festivalière, voici en tout cas la Drôme qui une fois encore voue son juin-juillet à Mozart (Saoû, 23e édition), et l’Ardèche qui Ballade ses Cordes (juillet) . Pourquoi ne pas les réunir ?

Le jeu des sept familles avec Wolfi

Saoû demeure le seul festival français uni-mozartien, et sa 23e édition y est placée sous le signe d’une constante de toujours chez Wolfgang-Amadeus, alias Wolfi-Amadé pour les intimes, anglicisé en 7e art par Milos Forman qui fit de son Wolfie (Tom Hulce) un sale gamin dont le rire hennissant et les provocations ont séduit un large public… Et nous a changé du « divin petit Mozart », figure trop sage de vitrail dont une certaine hagiographie se contenta trop longtemps. Voici donc l’ami Wolfi, dont presque un quart de siècle à Saoû cimenta ici, « première raison du succès, une amitié qui règne entre musiciens, auditeurs, élus, créatifs et partenaires ». D’ailleurs, tous les spécialistes mozartiens vous le confirmeront, l’amitié ne fut pas pour Wolfgang un concept sans appui sur le réel. Les témoignages abondent sur les vingt façons qu’il eut de faire naître, d’entretenir et de célébrer « cela », du synthétique « parce que c’était lui, parce que c’était moi » à la façon de Montaigne évoquant La Boétie, au jeu des sept(ou plus) familles auquel il ne cessa jamais de jouer, de Salzbourg en Vienne et Prague, tels les Jacquin dont le nom reste associé à un Trio qu’il aurait composé pendant une partie de quilles, et le très cher Gottfried qui reçut en 1787 une lettre de Prague : « Je vais voir si vous êtes autant mon ami que je suis si entièrement le vôtre et le resterai à jamais. » Cela n’excluait en rien le style des franches « virées en boîte », eût-on dit de nos jours. Ni au-delà des « copains d’abord », les liens avec le travail au théâtre d’opéra où les amitiés deviennent volontiers amoureuses, et Dieu sait que les cantatrices assiègent Wolfgang… Ce qui n’empêche nullement l’émotion la plus poignante si la mort fauche, comme le dit la « lettre au Père » (lui-même très malade) en avril 1787, quand est évoquée la disparition brutale de « l’excellent ami, le comte Hatzfeld, qui avait 31 ans, tout comme moi »….

Mozart frère-maçon et les décors d’Yvon Tardy

Et d’ailleurs toute cette amitié se ressource dans la pensée maçonnique, dont Wolfgang a fait l’un des axes de sa vie et de sa pensée. C’est en ce sens que certains concerts du festival –voire une session entière – sont consacrés à ce thème : le 23 juin, La Sinfonie Bohémienne que dirige Gilles Thomé fera entendre 9 œuvres indiscutablement inscrites en ce…triangle, dont la troublante méditation sur la mort « Ode funèbre », et deux cantates des derniers mois mozartiens. Cela est donné en mémoire de Jacques Henry, co-fondateur du Festival, disparu l’année dernière, et qui en chercheur hyper-documenté, voire très militant, avait écrit un « Mozart, frère-maçon » (éditions du Rocher) . Un autre hommage est rendu au « peintre du Festival de Saoû», lui aussi très récemment disparu, Yvon Tardy, scientifique et médecin, qui par intervalles, avait composé une œuvre d’inspiration cubiste, très lumineuse(Exposition jusqu’au 15 juillet à l’Espace Chabrillan de Montélimar). Ce sont ses décors imaginés pour Cosi Fan Tutte qui seront en exposition de scène dans la version de concert que dirigera Philippe Bernold avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon et les six jeunes chanteurs que requiert cet opéra de géniale permutation algébrique et géométrique des sentiments, couronnement XVIIIe qui fort irrita une partie du XIXe, mais retrouva ensuite tous les prestiges de sa troublante modernité.

Nymphes et copyright du Vatican

En écho transcrit par Jean-Pierre Arnaud et son Carpe Diem (un titre plus que jamais en situation !), une version « orchestrale » adaptée de Don Giovanni : et ce sera donné à la Garde Adhémar, en la chapelle du Val des Nymphes, un lieu dont le titre eût redoublé la ferveur séductrice du grand seigneur méchant homme. Dans le registre religieux sans trop de mystique, des œuvres de jeunesse mozartienne pour gloire baroque, avec le Miserere d’Allegri que l’ado surdoué avait piraté de mémoire vive pendant une cérémonie vaticanesque où le Pape propriétaire de certaines partitions interdisait les fuites par majordome interposé(Concert Hostel-Dieu, F.Comte). Le mythique Michel Portal enchantera de sa clarinette le Concerto K.622 (avec Gossec, Jean-Jacques, c’est l’année anniversaire Rousseau,- Devine qui vient dîner au Village ? – et Beethoven : Orchestre des Pays de Savoie, dirigé par Christophe Poppen). Le Quatuor de Venise joue deux des Six dédiés à Haydn (« homme célèbre et ami très cher, je te présente mes six fils », écrivait Wolfgang), Boccherini et l’illustre « ennemi » ( ?) Salieri. Le non moins mythique Fine Arts Quartet, avec l’altiste Danilo Rossi, va dans le mystère de sublime inspiration des Quintettes K.515 et 516. « En face de » Fazil Say-, un « vieil » invité de Saou, qui confronte aussi sa vive gloire à la 19e sonate de Schubert), la jeune Christia Hudziy (Mozart, Brahms, Schubert), lauréate 2011 du très important Concours (Le Poët-Laval, puis Valence) Teresa Llacuna : voisine et amie du Festival, pianiste d’origine catalane, T.Llacuna se consacre après une grande carrière internationale à une pédagogie originale et a fondé ce Concours révélateur de talents originaux…

Un brillant homme de presse et de culture musicale

L’édition 2012 voit aussi le départ vers des cieux retraités (mais sûrement très actifs !) du fondateur, Henry Fuoc. Celui qui fut maire de Saoû de 1975 à 1989 fondait … en 1989 un Festival qu’il a animé de sa volonté, de son amitié agissante, et de sa culture. Ce « formé en Institut d’Etudes Politiques lyonnais » a été brillant « homme de presse », innovateur dans ce domaine (un « Objectif » de tout de suite après 1968, éphémère mais inventeur à Lyon et Grenoble de « formules » qui ont fait discrètement leur chemin), puis inséré dans la presse régionale (Express-Rhône-Alpes, Radio-Monte-Carlo). Très tourné vers le jazz( créateur du festival « Jazz à Lyon » qui s’est ensuite « réalisé »dans « Jazz à Vienne »), il a aussi une foi classique, et tout particulièrement mozartienne, qui lui a permis de… soulever les montagnes du Diois. Il passe le relais-Wolfi à ses deux amis et directeurs artistiques, le musicographe et critique (longtemps réalisateur à Radio-France) Philippe Andriot, et le flûtiste-chef d’orchestre Philippe Bernold (« and friends », comme le titre un de ses concerts de 2012 en compagnie de L.Berthaud, J.Pernoo, D.Ciocarlie ou N.Dautricourt)… Tant il est vrai qu’en Drôme de Saoû l’amitié cimente et refonde la célébration mozartienne.

Les Debussy d’Ardèche

Passons le Rhône… pour une Ardèche qui sur une dizaine de jours en juillet perpétue, depuis la toute fin du siècle dernier, sa tradition festivalière qui « ballade les cordes ». C’est le Quatuor Debussy (Christophe Collette, le fondateur, Vincent Deprecq, Fabrice Bihan, Marc Vieillefon, dans la formation actuelle) qui est l’âme de ce Festival voulant « faire vivre autrement les paysages et les villages d’Ardèche », à l’orée de l’été. Les Debussy – 20 ans d’existence, après Grand Prix d’Evian et Victoire de la Musique – ont la pédagogie chevillée à l’âme violonistique, et leur Festival demeure ancré dans une Académie… sans académisme, où ces interprètes d’exception transmettent leur savoir aux jeunes générations et leur permettent d’aborder la scène avant des carrières dont déjà certains d’entre eux ont pu réaliser les débuts prometteurs.

Yes we can

Côté plus immédiatement public, aves nuances touristiques, ce sont les 17 concerts qui jalonnent la route ardéchoise, de vallée du Rhône (camp de base à Viviers et Bourg Saint-Andéol) en plateaux et garrigues. En 2012, le titre convivial sera « Welcome America » : « yes we can », semblent dire aussi les Debussy qui filent la métaphore cycliste des 13 haltes rythmées, des 10 jours du circuit où d’ailleurs le grand Claude de France est associé as honor guest. Comprendre et se rappeler que 2012, c’est anniversaire (150e naissance) d’un certain Claude-Achille dont le Quatuor lyonnais porte le nom vénéré. Les Debussy joueront donc son immortellement jeune Quatuor à cordes op.10, et en association avec la flûtiste Anna Besson, la harpiste Pauline Haas et le pianiste Hervé Billaut, la musique de chambre la plus « française » (les 3 Sonates des dernières années assombries par la guerre mondiale et la maladie mortelle, mais aussi Syrinx pour flûte et 7 extraits des grands recueils pianistiques).

Marc Mellits

Mais donc, America for ever, et tendance « classique » – entendons par là que ce n’est pas celle du toujours jeune (il a doublé le cap de la Centaine !) et rigoriste Elliott Carter- , mais bien plutôt celle qui prolonge Gershwin, Bernstein ou Barber… Tiens, Barber, qui n’a pas seulement écrit un adagio-cordes, sera ainsi présent par son quatuor op.11 (en version orchestre de chambre). Et puis dans les plus « modernes », on écoutera de Georges Crumb Black Engels (1970), qui « nous plonge au cœur de l’histoire américaine et de la guerre du Vietnam, dans un univers sonore brouillé de sons, de cris et de sifflements inquiétants » (par le Quatuor Bela). Mais le compositeur en résidence, né en 1966 à Baltimore, semble plutôt appartenir à la prolifique école post-minimaliste, avec cousinage rock, compositeur d’une « musique viscérale, rythmée, touchant directement le public ». Le Quatuor Debussy (et d’abord son violoncelliste Fabrice Bihan) ont « adopté » Marc Mellits, dont ils ont créé le 4e quatuor, et l’installent au cœur de la session 2012. M.Mellits sous-titre volontiers ses partitions, que seront donc son trio « Cailloux fruitiers » (si on traduit ici correctement), ses Tapas ( 3e quatuor), son 2e quatuor (titre sobre à l’ancienne), son 4e (Prometheus), à plus forte raison , pour violoncelle et orchestre, son Paranoid Cheese (Fromage parano ?), pourtant dégustable au pays … du picodon drômois et de la tome de chèvre célébrée par Jean Ferrat ?

Toiles et Glassharmonika

Côté toiles qu’on peut se faire, un ciné-concert Buster Keaton (le Meccano de la General), musiqué sous l’écran par Baudime Jam (les Debussy, qui auront aussi joué ce jour-là l’op.96 de Dvorak, dit Américain, et des transcriptions des tubes de Claude-Achille). Et jamais très loin du flash-back à perpétuité, un 2e quatuor de Phil Glass (par les jeunes Suédoises de Sjöströmska). Le « plein de jazz » sera fait avec l’Orchestre du festival et le Franck Tortiller Trio (Debussy transposé, Gershwin, impro et Cinq Cépages – bourguignons ceux-là – de F.Tortiller) , et les agilissimes Percussions-Claviers de Lyon adapteront eux aussi Debussy (et grâce à leur Patron, Gérard Lecointe, le tragique Masques de Claude-Achille), West Side Story de Bernstein, assurant aussi une création de Marc Mellits. D’autres se chargent plutôt du retour aux sources romantiques : Mendelssohn et Schumann (succédant à Haydn) par les jeunes Hermès, Beethoven (par les Bela qui jouent aussi le 1er de Britten, et un « Spectre » bien intrigant de John Oswald), cependant que les encore plus jeunes et encore Nouveaux Talents (Quatuor Coviello, Sendrez, Sjöströmska) se partagent Haydn, Mozart, Mendelssohn ou Turina. Et puisqu’on évoque Amadeus, voici son très rare Adagio et Rondo pour orgue de cristal (Glassharmonika, partition très tardive de 1791), revisité par le « cristalliste » Michel Deneuve, qui joue aussi ses Anantara et Michel l’archange, avec le chœur Syracuse et l’orchestre de chambre du festival.

Et puis si vous pouvez, n’omettez pas les ballades originales proposées : du vélo électrique à Viviers, des promenades dans les vignobles andéoliens avec aubade, ou de plus classiques visites et conférences (Aubenas, Jalès-Berrias, Cruas)…

Festival Saoû chante Mozart (26), 13 concerts du 23 juin au 27 juillet : samedi 23 juin, Valence(18h) ; mercredi 27, Saoû (19h) ; dim. 1er juillet (10h) ; mardi 3, Tain (20h30) ; lundi 9, Bourg de Péage (20h30) ; mercr.11, Suez (20h30) ;vendr.13,Montélimar (20h) ; dim.15 , Nyons (18h) ; mercr.18,La Garde-Adhémar (20h30) ;jeudi 19, Crest (20h30) ; vend.20, Chabeuil (20h30) ; lundi 23, Dieulefit(20h30) ; vendr.27,Saoû (18h).
Information et réservation : T. 07 75 76 01 72 ; www.saouchantemozart.com

Festival Les Cordes en Ballade (07). Concerts du 5 au 15 juillet. Vendr.6 , Lagorce (21h) ;samedi 7,Viviers (16h,18h,21h) ; dim.8, Cruas (21h) ; lundi 9, Le Teil (18h) ; mardi 10(Bourg St Andéol, (21h) ; merc.11, Berrias (18h) ; jeudi 12, Aubenas (21h) ; vendr.13, Beauchastel (18h) ; sam.14, Montpezat (18h30) ; dim.15, Borg St A. (15h)
Information et réservation : T.04 72 07 84 53 ; www.cordesenballade.com

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