vendredi 29 mars 2024

DVD, sélection 2009

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DVD, sélection 2009

Chaque semaine, la rédaction dvd de classiquenews.com distingue les meilleurs dvd de musique classique, dans tous les genres: concerts, opéras, documentaires. Découvrez mois après mois nos coups de coeur et notre palmarès des titres incontournables de l’année 2009.

Donizetti avait fait appel à la diva Maria Malibran (décembre 1835): il
a même écrit le rôle pour la tessiture et le tempérament expressif de
la mezzo-soprano légendaire. Mais la censure fait interdire l’oeuvre
(comment oser représenter deux souveraines qui s’insultent, dont l’une
va être décapitée!) l’opéra qui tombe dans l’oubli, jusqu’en 1958 et
1967 quand les reprises imposent peu à peu l’opéra sur la scène…
grâce à l’incarnation qu’en donnent les meilleures voix du bel canto du
XXème siècle: Caballé, Sills, Plowright, Sutherland, Baltsa…
Donizetti a conçu une arène idéale pour la confrontation de deux
chanteuses à tempérament, qui doivent jouer autant que chanter (1 dvd Arthaus Musik)

En avril 2009, Opus Arte ne manque pas l’anniversaire Haendel et nous offre notre premier choc musical et visuel grâce à ce triple dvd légendaire: Tamerlano, opéra de 1724, réalisé au Teatro Real de Madriden avril 2008. Placido Domingo superstar maîtrise l’éloquence
haendélienne avec force, profondeur, intensité, dont l’éclat est
rehaussé par le feu dramatique et tragique de Paul McCreesh (3 dvd Opus Arte)
Maestro légendaire,
Arturo Toscanini demeure, avec Furtwängler, l’une des baguettes les
plus unanimement célébrées. Le scénario du film, monté comme une
fiction familiale reprend les conversations que son fils Walter a
enregistrées à son insu pendant les trois dernières années de sa vie,
Le docu-fiction inédit révèle plusieurs aspects inconnus du chef
italien (1 dvd Medici Arts)
Voici une production
heureusement filmée qui affiche ses arguments bienfaisants en pleine
année Haendel. Sans la diva romaine, la production eut été guindée,
trompant le public par un surcroît de sophistication: baguette raide de
Christie, conception froide d’un Carsen. La diva Bartoli en est la
vraie vdedette! (2 dvd Decca)

Pour être homme parmi les hommes, Pinocchio doit
apprendre à décrypter les intentions véritables, les motivations
secrètes, la duplicité dans le coeur de ses proches… dont son sort
dépend.
Le spectacle suit l’éclatement des tableaux originaux, conçus comme les
méandres d’un cycle trouble: la dureté des situations (la mort de
Lumignon, la métamorphose des enfants en ânes, l’âne Pinocchio dansant
au cirque…) (2 dvd Opus Arte)

Superbe documentaire qui doit son intérêt évidemment à la personnalité du ténor légendaire (Heldentenor), allemand, Max Lorenz,
né en 1901 à Düsseldorf, de son vrai nom, Sülzenfuss: il changera de
nom à 20 ans, au moment où formé à Berlin par un professeur estimé, le
jeune homme est prêt à éblouir les scènes du monde. Mais le profil des témoins et admirateurs suffit aussi à établir, voire rétablir le mythique chanteur: Dietrich Fischer Dieskau, carrément élogieux, ou René Kollo,
autre ténor wagnérien
(1 dvd + 1 cd Medici Arts)

Scala, mars 2007. La princesse Salomé, jeune femme
nubile désabusée désespère à la Cour de son beau-père, Hérode, le
tétrarque de Judée. Un seul objet attise son désir: la voix du prophète
emprisonné, Jokanaan dont elle veut baiser et mordre les lèvres, après
avoir contempler la chair d’ivoire de son corps d’ascète… La vision
de cette production restitue à l’opéra de Strauss, toute sa violente
sauvagerie, sa sensualité vénéneuse, … (1 dvd TDK)

DVD, sélection 2008

John Adams
Doctor Atomic (Renes, 2007)

Juin
1945: les américains élaborent la machine à tuer atomique pour répondre
à l’attaque japonaise de Pearl Harbor… L’ouvrage lyrique que
conçoivent Johns Adam et son librettiste habituel, Peter Sellars,
d’après les faits historiques devient réquisitoire pour la vie et
l’avenir pacifiste de l’humanité. Sans la représenter crûment, les
auteurs expriment l’horreur et la barbarie de l’homme contre lui-même,
dans les yeux des témoins: femmes compassionnelles, dressées contre la
tyrannie des chercheurs et des militaires « irresponsables »… Opéra
événement, heureusement édité par Opus Arte (2 dvd). Parution: septembre 2008

Herbert von Karajan par Georg Wübbolt (2008)

Chef réalisateur,
dramaturge et directeur musical pensant la musique par l’image, Karajan
paraît ici en maître absolu, obsédé par la technologie du son et du
visuel. Georg Wübbolt brosse le portrait d’un esthète exigeant qui sut
infléchir les performances numériques alors embryonnaires à sa vision
artistique. Aucun doute, Karajan fut bien ce « maestro taillé pour
l’image et l’écran… Passionnant.

Cinéaste, homme d’image et de montage, le réalisateur Georg Wübbolt
interroge dans ce documentaire inédit, le sens et l’objet d’un film, en
particulier s’il nous parle de musique. Pour lui, Herbert von Karajan
fut obsédé par le culte de l’image. Il fut même un « Maestro taillé pour
l’écran ». Arte a diffusé au moment des célébrations Karajan (avril
2008) ce film d’une rare intelligence.
Parution: mai 2008 (1 dvd Arthaus Musik)

Sergiu Celibidache: Ravel, Debussy (1994)

Le Prélude déroule un
tapis miroitant au Faune plus ennivré et sensuel qu’aucun autre;
« Iberia » regorge de saveurs et parfums nacrés comme une fontaine
jallissante; quant à l’hispanisme déclaré de Ravel, grâce à un
triptyque d’une cohérence diabolique (Alborada, Rhapsodie et Boléro),
maître à danser, visionnaire doué d’un imaginaire subjuguant,
Celibidache nous assène la plus passionnante des déclarations. Alchimiste de l’instant, c’est à dire critique quant au son mis en boîte au studio (à l’inverse d’un Karajan!), Sergiu Celibidache, se dévoile heureusement grâce aux archives vidéo…
Parution: mai 2008 ( 1 dvd Medici Arts)

Le cru de mars et avril 2008, au rayonnage dvd se révèle exemplaire. Aux côtés de 3 nouveautés Opus Arte (Khovanshchina, The Rake’s progress, Tristan und Isolde), absolument convaincantes, voici de nouvelles réalisations dont la qualité trouvera acquéreur. Entre autres, dans la catégorie « dvd Symphonique », le premier concert officiel de Vladimir Juroski et du London Philharmonic Orchestra dont il est chef principal depuis 2007 se montre captivant. Même enthousiasme côté « opéra », pour De la maison des morts de Janacek en provenance d’Aix 2007 par le duo mythique Chéreau/Boulez, et aussi pour cet Eugène Onéguine du Met, moins factice qu’on veut bien nous le faire croire: Renée Fleming incarne une Tatiana crédible à la féminité romantique ciselée…

Karajan ou la beauté telle que je la vois. Robert Dornhelm
(2008)

Le centenaire du maestro méritait
bien un document inédit de surcroît pertinent ni partisan ni
commémoratif à outrance. DG a réussi son hommage. Personnalité complexe
que celle de Karajan dont la richesse du legs
musical continue aujourd’hui d’occuper nos jours et nos nuits. Depuis
le début du mois d’avril 2008, (le 5 précisément marque le centenaire
de sa naissance), éditeurs de tous genres (cd, dvd, livres) célèbrent à
juste titre, celui qui a définitivement affirmé sa marque comme chef
d’orchestre le plus célèbre de la deuxième moitié du XXème siècle. Le portrait documentaire de Robert Dornhelm, qui
profite en extraits de tout le fonds filmique de DG, met surtout
l’accent sur l’esthète: un homme de goût, à l’inflexible et super-active
passion pour la musique qui était selon lui, l’expression de la beauté.
Plus qu’un homme, Karajan est une exigence, un idéal et un système.
Chacun parmi les témoins: et non des moindres, tels Solti, Osawa,
Jansons, Thieleman…, le réalisateur Humphrey Burton, Placido Domingo,
Christa Ludwig, René Kollo, Gundula Janowitz, … confirment les
diverses facettes d’un profil pluriel dont le perfectionnisme
terrorisait, le métier impressionnait… Les uns parlent de la
pulsation et de l’agressivité de sa direction (Rattle), les autres de
sa propension à ralentir (Anne-Sophie Mutter, Evgueni Kissin)… Lire notre critique complète de Karajan ou la beauté telle que je la vois. Film de Robert Dornhelm, 2008 (1 dvd Deutsche Grammophon). Parution: avril 2008.

Michael Tippett: King Priam, 1962 (Norrington, 1985)

La musique de Tippett (né en 1905), l’autre grand compositeur britanique aux côtés de Britten, sous son apparente austérité, dévoile, dénonce, cible à la manière d’une psychanalyse les forces contradictoires et la nature ambivalente des êtres. Avec Priam, le compositeur a trouvé comme souvent pour les sujets offerts par la mythologie, une arène propice à ses intentions: exprimer la part de l’ombre de chaque âme pour mieux en cerner l’insaisissable identité. Dans cette brume diffuse, le fonctionnement des individus est cependant clair: plus passifs que déterminés, ils agissent sous la contraintes de forces extérieures. Voilà qui fondent leur nature de victime tragique. Cèdant à l’oracle, Priam décide la mort de son fils Pâris. Même si le garçon échappe à son sort, le père ne se remettra jamais de ce choix criminel qui ronge son auto détermination, sa clairvoyance. Commande de la fondation Koussevitsky de Washington (1957), King Priam est créé en 1962. En un réseau d’intrigues inextricables qui scellent cependant les enjeux de la guerre de Troie opposant grecs (Patrocle, Achille,…) et Troyens (Priam et ses fils, Hector et Pâris), Tippett montre comment la violence, la haine fratricide, la folie des hommes conduits par leur seul désir, suscitent une succession de catastrophes qui emportent et achèvent tous les héros. L’esprit de la guerre et la haine ne provoquent que sang et douleur. Dans King Priam, le compositeur milite, fidèle à ses premiers engagements pacifistes, contre la guerre, comme d’ailleurs Britten. Il montre ombien toute action doit être mesurée avant que d’être réalisée. Car tôt ou tard, chacun en paye le prix fort. La présente production du Kent Opera, sous la direction affûtée de Roger Norrington, cristallise parfaitement la tension et le raffinement instrumental de la partition. Le chef renforce les aspérités signifiantes du style atonal dont chaque écart, contraste, syncope, traduit les conflits intérieurs des protagonistes. Réalisé pour la télévision par Robin Lough, le spectacle mis en scène par Nicholas Hytner reste efficace, d’une vive activité âpre et amère. Le dépouillement du cadre et des décors oeuvre pour la modernité universelle du l’action musicale. Ce théâtre du sang versé résonne avec toujours autant d’acuité (malgré ses quelques 23 ans d’âge, le film remonte à 1985) et aucun des chanteurs ne démérite. Soulignons l’excellente Sarah Walker (Andromaque), comme l’ardent et juvénile Hector d’Omar Ebrahim (1 dvd Arthaus Musik). Parution: avril 2008.

Gaetano Donizetti: Don Pasquale, 1842 (Riccardo Muti, 2006)

Parisien, membre de l’Académie royale des Beaux-Arts, Donizetti fait créer pour le Théâtre Italien des Grands Boulevards, son Don Pasquale, le 12 novembre 1842. Tout en prologneant Rossini par sa verve brillante, légère, stylée, Donizetti renouvelle aussi le genre buffa grâce à son exigence psychologique, en particulier pour le rôle-titre dont il fait tout sauf une caricature. Barbon libidineux souhaitant et trouvant femme à son pied, Pasquale devient dindon de la farce mais avec quelle amertume tragique: une profondeur nouvelle qu’aucun compositeur avant Donizetti n’avait imaginé pour un baryton comique. Il y a du Falstaff dans ce vieillard ridicule (qui a quand même 70 ans) et la prestation de Claudio Desderi, dont l’intelligence du jeu compense les manques vocaux, donne une juste mesure du caractère. Près de lui, Norina et surtout Ernesto captivent par leur relief et leur musicalité. Le Malatesta plus commun de Mario Cassi atténue l’enthousiasme. Dans la fosse, dirigeant au festival de Ravenne 2006, Maestro Muti sait faire ce qu’on a remarqué lorsqu’il était le maître de La Scala: du nerf, du muscle, de la tonicité. Et la mise en scène d’Andrea De Rosa, même si elle reprend le concept déjà vu et remâché de la scène sur la scène, du théâtre dans le théâtre, finit par être efficace: ses planches sur la scène insistent sur la dimension théâtrale et nous renvoie, mais avec style, à la pure commedia dell’arte. Production surprenante et parfaitement huilée. Pour établir un bilan, cette lecture vaut sans réserve l’offre scaligène signée Muti tout autant en 1994 (Don Pasquale, Furlanetto/Nucci/Kunde, Muti, Scala 1994, TDK), surtout la référence actuelle dirigée par Nello Santi avec Juan Diego Florez en Ernesto (d’une classe inouïe, en provenance de Zurich 2006, édité chez Decca. (1 dvd Arthaus Music). Parution: avril 2008.

Vladimir Jurowski et le London Philharmonic Orchestra

Depuis 2007, Vladimir Jurowski est le 12ème chef principal du London Philharmonic de Londres. Le concert, sujet du présent dvd, est la première apparition du musicien comme directeur musical de la phalange, concert d’ouverture et aussi inaugural, en septembre 2007 de la saison nouvelle de l’Orchestre (Royal Festival Hall, le 19 septembre précisément). Le programme est ambitieux et mérite d’être démonstratif de la relation particulière entre chef et musiciens. Rapport alchimique où l »‘on ne peut rien forcer ni feindre », déclare l’intéressé. Le Prélude de Parsifal, légende arthurienne d’après Wolfram von Eschenbach, créée en 1882 à Bayreuth, est une mise en bouche déjà convaincante par sa tension et son caractère poétique: Jurowski y crée manifestement le cadre spirituel propice à l’accomplissement du Vendredi Saint. Les Tris Pièces de Berg, opus 6, sont un cadeau au mâitre vénéré, Arnold Schoenberg, à l’occasion de ses 40 ans en 1914: tension non pas mystique ici mais, inquiète, contemporaine de l’attentat de Sarajévo conduisant au couloir de la première guerre mondiale: entre vertiges explicites et déflagration finale qui annonce le développement de la Symphonie n°6 de Mahler, Jurowski déploie un sens de l’architecture et de la progression. Mais l’accomplissement du concert ménage ses effets ravageurs pour Das Klagende Lied de Gustav Mahler, dont le projet et les premières ébauches remontent à 1878 quand le compositeur, élève au Conservatoire de Vienne n’avait que 17 ans. Entre Cantates et opéra romantique, nécessitant solistes et choeur participatif, l’oeuvre dépeint un vaste paysage sonore dans lequel l’orchestre n’est pas absent: bien au contraire, il anticipe déjà le génie symphonique, poète des masses et du raffinement sonore. Présentée sans succès au Concours du Prix Beethoven où dans le jury figurait Brahms, l’oeuvre fut écartée en 1881. Idem dela part de Liszt en 1883, que Mahler sollicita, espérant un encouragement… Finalement, l’auteur remisa la partition puis la modifia en 1898. Jurowski aborde son état originel de 1880: conte fantastique, fondant son caractère épique sur la violence des images, en particulier le fantôme du jeune frère mort qui surgit pendant les « Noces », dans sa glaçante horreur: le chef a raison de faire appel à un garçon soprano qui chante ici la prière du sacrifié, s’exprimant par l’os de la flûte, timbre frappant par son innocence, recréant la vitalité de la tragédie de cet opéra symphonique. Le geste de Jurowski ne manque ni de puissance, de muscle, ni de lyrisme. Sous sa baguette aiguisée, solistes, choeur et orchestre relèvent le défi d’un programme qui d’épreuve du feu, se révèle adoubement de première classe et réussite indiscutable.

Vladimir Jurowski et le London Philharmonic orchestra & choir. Wagner: Parsifal (Prélude), Berg: Trois Pièces pour orchestre, opus 6. Mahler: Das Klagende Lied (version originale de 1880), La Légende de la Forêt, Le chant du Ménestrel, Les noces. David Christopher Ragusa, soprano. Marisol Montalvo, sorpano. Hedwig Fassbender, mezzo. Michael Hendrick, ténor. Anthony Michaels-Moore, baryton (2 dvd Idéale Audience). Parution: mars 2008.

Modest Moussorgski: Khovanshchina

Barcelone, Liceu (mai 2007). Michael Boder/Stein Winge. Les opéras de Moussorsgki sont politiques. Comme dans Boris,
il s’agit d’exposer d’un côté, la naïveté superstitieuse des masses
soumises, leur désir d’un père et d’un guide pacifiste et protecteur;
de l’autre, l’opportunisme des cliques sans scrupules menées par de
petits caporaux, habiles à exploiter et manipuler la crédulité et
l’espoir des peuples, pour ne servir que leur intérêt individuel.
L’histoire a ses cycles, celui-là reste le principal scénario de
l’histoire russe: nation asservie, nourrie d’espoir, désireuse de
liberté mais contradictoirement prête à suivre tout nouveau messie
autoproclamé. La Khovanshchina met en scène une galerie de
personnages haut en couleur: les Khovansky, père et fils (qui sèment la
terreur à Moscou, grâce à leur horde policière Streltsy), le prince
Golitsyn (fin politique proeuropéen qui a supprimé les sièges des
boyards), le prêtre orthodoxe, illuminé et moralisateur, Dosifei,
instance récurrente qui rappelle que l’église ne doit pas être écartée
dans le partage du pouvoir… Chacun tire la couverture pour conserver
ou renforcer son autorité. Enfin, surgit, bras du destin, le sombre
Shaklovity, qui dénonce la machination des Khovansky pour s’emparer du
pouvoir (d’où le titre « Khovanshchina« ). Dans cette arène
haineuse et violente, où les femmes sont soumises, qu’il s’agisse de
Marfa, prophétesse humiliée ou Emma, luthérienne qui échappe de
justesse au viol par Khovansky fils, le metteur en scène Stein Winge
souligne, dans une vision actualisée sans outrance ni décalages gadget,
les rapports de sadisme, la volonté d’aliénation que les individus
exercent les uns sur les autres: scène de la lettre où Shaklovity dicte
au sbire vénal et peureux, la dénonciation de la Khoventchina, la
capture d’Emma par Andreï Khovansky qui profite de sa prise pour tenter
de la violer… Lire notre présentation complète de Khovanshchina de Modest Moussorsgki par Michael Boder et Stein Winge au Liceu de Barcelone (2 dvd Opus Arte). Parution: avril 2008

Gaetano Donizetti: La Fille du Régiment

Londres, Royal Opera House, Janvier 2007. Dans une vision aussi finie qu’efficace, les deux solistes
éblouissent autant par leur verve complice que ce piquant qu’ils savent
apporter à chacun de leur caractère, et ce malgré une intrigue plutôt
mince. D’autant que chacun s’est exercé avant les représentations à
explorer un français parfaitement articulé. En garçon manqué, lutin
audacieux, espiègle sorti de tranchées (à la fois Fifi brin d’acier et
Gavroche) et aussi en fille de bonne famille, « La Dessay » époustoufle par sa malice,
son jeu inventif, sa sensibilité et son naturel. La soprano coloratoure
orfèvre un chant d’une finesse magicienne qui renouvelle et rend
justice surtout au chant donizettien, hors de toute caricature comme de
toute mignardise: du théâtre, de la vérité, une franchise sertie
d’élégance et d’audace (une véritable héroïne populaire) … rien ne
manque à la parure déjà somptueuse des talents de la Diva française que
l’on retrouve ici au mieux de son énergie comme de sa santé vocale,
d’autant plus admirable après sa petite méforme de la fin 2006. Dans le
registre drôle et tendre, le rôle de Marie lui va comme une seconde
nature (justesse émotionnelle d’ « il faut partir » qui marque la fin de l’acte I)…
Pareil constat vaut également pour le Tonio de Juan Diego Florez:
finesse, tendresse, subtilité vocale, et présence scénique… difficile
d’exiger davantage tant le personnage semble jaillir de l’interprète.
Les reprises comme les notes hautes, perchées au sommet des vocalises
(les contre-uts d' »ah mes amis« …), sont des joyaux de naturel
qui montrent combien le ténor péruvien est capable de changer
l’artifice (et l’acrobatie) en or scénique. Le chanteur, idéal aussi
chez Rossini, sait moduler sans perdre l’ossature et le relief du mot
et de son accentuation. Pour achever ce tableau qui s’apparente à un
accomplissement, Bruno Campanella, dans la fosse, apporte la
même science de la justesse, une série de prouesses exceptionnelles qui
touchent continûment l’ouïe mais aussi le coeur, tant la présente
version s’inscrit dans la sincérité. Saluons enfin Virgin Classics
d’avoir filmé la réalisation qui tient du prodige. Après Manon, (avec Rolando Villazon), Natalie Dessay nous offre des témoignages audiovisuels, éclatants de son art. Une collection de trésors à voir et à revoir… grâce au dvd.


Gaetano Donizetti (1797-1848): La Fille du Régiment
,
opéra comique en deux actes (1840). Livret de Jean-François Bayard et
J. H. Vernoy de Saint-Georges. Avec Marie, Natalie Dessay. Tonio, Juan
Diego Flórez. La Marquise de Berkenfeld, Felicity Palmer. Sulpice
Pingot, Alessandro Corbelli. Hortensius, Donald Maxwell. La Duchesse de
Crackentorp, Dawn French. Orchestre et chœurs du Royal Opera House. Bruno Campanella, direction. Mise en scène: Laurent Pelly. (1 dvd Virgin Classics). Parution française: le 21 avril 2008. Lire notre dossier La Fille du Régiment de Gaetano Donizetti

Piotr Ilyitch Tchaikovski: Eugène Onéguine

New Yorkk, Metropolitan Opera, 2007. Voici grâce à Decca la retransmission légitime d’une production somptueuse depuis le Metropolitan de New York (la scène américaine investit en avril, de surcroît en direct, les salles de cinéma de l’Hexagone, les 5 puis 26 avril précisément): à metteur en scène recherché et vénéré: têtes d’affiche, renommées. Pas moins que Dmitri Hvorostovsky pour Onéguine (d’une autorité pasionnelle plus affirmée que jamais) et « La Fleming », dans le rôle de Tatiana, devenue Madame Grémine… Port de reine, timbre à l’onctuosité souveraine, Renée Fleming captive comme elle l’avait fait dans la Comtesse Madeleine du Capriccio de Strauss sur la scène du Palais Garnier. Mais ici, le poids de l’expérience aidant, la cantatrice qui a, à peu de chose près chanté tous les personnages de reines et princesse du répertoire, laisse paraître toujours aux deux premiers actes, cette innocence exaltée romantique intacte qui est l’essence du rôle de la jeune Tatiana, non encore mariée. Autant dire l’ampleur du talent de l’actrice dont la musicalité reste égale à elle-même. Palmes spéciales aussi aux deux rôles masculins « complémentaires »: succulent Fauchécourt en Triquet. Son air vieille France ancien régime se révèle digne de ce que fut en son temps Michel Sénéchal dans le même emploi. Quant au Lensky de Vargas, construit sur une corde raide, éruptif et incandescent, il se révèle également passionnant, d’une rare sensibilité. Ce qui souligne la nature bouleversante de son ardeur juvénile et sacrifiée. Effet de contraste habile qui accuse les arguments de la production new yorkaise: autant la mise en scène joue sur l’épuration et le vide (solitude de deux êtres qui ne se comprendront qu’au bout d’un cheminement redoutable), autant la fosse, électrisé par un Gergiev des grands soirs, irradie de facettes millimétrées. Chacun donne le meilleur de lui-même tout en soignant la cohérence du drame et de l’action. Beaucoup tirent à vue sur le poli artificiel des productions du Met: celle ci pour qui voudra y regarder de près, se révèle indiscutable. Tout en soignant la théâtralité, le jeu des acteurs reste vrai. On aimerait vivre de telles productions plus souvent, au dvd comme à la scène.

Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Eugène Onéguine. Dmitri Hvorostovsky (Onéguine), Renée Fleming (Tatitana), Ramon Vargas (Lensky), Elena Zaremba (Olga), Jean-Paul Fauchécourt (Triquet). Choeur et orchestre du Metropolitan de New York. Valery Gergiev, direction. Robert Carsen, mise en scène. (1 dvd Decca). Parution: avril 2008.

Leos Janacek: De la maison des morts

Festival d’Aix en Provence, 2007. Voici dans la carrière de Patrice Chéreau, un nouveau jalon, tout aussi captivant que sa Tétralogie de Bayreuth de 1976. D’autant plus convaincant que l’homme de théâtre retrouve Pierre Boulez (qui a depuis avoué qu’il s’agissait de sa dernière direction d’un opéra). La captation filmée fixe la reprise de la production en juilet 2007 à Aix-en-Provence: d’emblée, le travail général, théâtral, vocal, musical est exemplaire. Le dépouillement austère, étouffant, de la prison imaginé par Richard Peduzzi, la tension glaçante et continue que Boulez trouve à l’orchestre, le jeu jubilatoire des acteurs, conduits par un expert des situations scéniques et des trouvailles visuelles composent « le » spectacle phare du festival aixois au début du XXI ème siècle. Chéreau va très loin dans sa conception du huit clos masculin, soulignant les dérives sadiques et érotiques d’un milieu fermé sur lui-même qui cherche en dépit de son enfermement, une sortie de secours. Inutile de détailler la performance de chaque chanteur-acteur: l’ensemble du plateau est épatant. Véritable symbiose d’équipe, la production étonne par sa profondeur à tous les registres. Chacun impose sa propre histoire et la chaîne des ses individualités spécifiques, que l’on suit parallèlement dans la partition orfévrée de Jancek, cimente un jeu collectif jubilatoire. La pression est totale, parmi les acteurs, dans la fosse: et la caméra de Stéphane Metge répond à notre attente en dévoilant (et savourant) en plans serrés, la puissante suggestion des acteurs. Le bonus complète judicieusement le résultat obtenu: les coulisses du travail Chéreau/Boulez permettent de suivre comment le duo fonctionne: plus que du respect et de la courtoisie, les deux hommes se « comprennent » et se retrouvent dans la musique, apportant chacun leur expertise peu commune respectivement dans le théâtre et dans la musique. Alliance sacrée qui retrouve 31 ans après leur Tétralogie mythique de Bayreuth, un nouvel (et dernier) accomplissement d’autant plus méritant qu’il concerne une oeuvre du XXème jusque là survolée voire mésestimée. Immense spectacle. Donc, dvd incontournable.

Leos Janacek (1854-1928): De la maison des morts. Choeur Arnold Schoenberg, Mahler Chamber orchestra. Pierre Boulez, direction. Patrice Chéreau, mise en scène. (1 dvd Deutsche Grammophon). Pour consulter la distribution complète et aussi comprendre les enjeux de la partition, lire notre dossier De la maison des morts de Janacek, lors de sa diffusion sur Arte en février 2008. Parution: mars 2008.

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