Infernal et délirant … le sublime théâtre d’Adès

Prospero évincé du pouvoir et destitué du duché de Milan sous les coups de son frère le traître Antonio et du complice de ce dernier, le Roi de Naples-, entend prendre sa revanche sur une île qu’il a lui-même conquise … en écartant son prétendant légitime, Caliban.
Magicien, Prospero a suscité une tempête qui fait échouer les courtisans de Naples et le roi lui-même sur les rives de son île.
La guerre que livre Prospero l’aveugle sur ce qu’il perd réellement : l’amour de sa fille Miranda qui s’éprend de Ferdinand, le fils du Roi de Naples. Au terme d’une action désespérée et cynique, le magicien comprend sa folie et sait renoncer : Miranda épouse Ferdinand mais Ariel, l’esprit facétieux du magicien, le quitte sans remords. Incompris et manipulé tout l’opéra durant, Ariel se libère lui-même. L’opéra d’Adès n’est-il pas une splendide libération des êtres contre eux-mêmes, et ce théâtre des illusions façonné par Lepage, ne donne-t-il pas à voir justement les étapes de ce labyrinthe imaginaire dont chaque étape en 3 actes, rythme le formidable rite d’initiation ? Prospero y vainc sa quête du pouvoir en reconnaissant l’empire de l’amour… il en paie le prix fort car il finit seul.
En mêlant réel et irréel, poésie et fantastique, le spectacle renouvelle sans l’atténuer le modèle shakespearien. Une réussite absolue.
C’est un triomphe légitime tend la réalisation sert une partition admirable. Londres a enfanté un chef d’oeuvre lyrique contemporain. Paris pourrait-il en dire de même ? Ni Akhmatova, bien fade bien grise, ni La Cerisaie trop lisse trop convenu, n’ont pas un tel délire, cette magie d’une libre et parfois fulgurante justesse… d’autant que la production est ici dirigée par Adès lui-même.
A voir et s’en délecter de toute urgence.Thomas Adès : The Tempest, d’après Shakespeare (2006, live réalisé au Met en 2012). 1 dvd Deutsche Grammophon.