samedi 20 avril 2024

Dossier Verdi 2013: les années 1850Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata, Simon Boccanegra (1852-1859)

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dossier Verdi 2013
2. Les années 1850: Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata, Simon Boccanegra… (1851-1859)

Les années 1850. La trentaine assumée, Verdi porté par ses succès douloureusement obtenus (pendant ses années  » de galère « ) connaît au début des années 1850, une série d’œuvres parfaites, la fameuse trilogie de la maturité: Rigoletto (1851), Le Trouvère (1852) puis La Traviata (1853). Le musicien y gagne une stature européenne.

Proche du théâtre, il soigne la réalisation dramatique de chaque partition trouvant un équilibre exceptionnel entre tableau social et collectif, et portrait psychologique: en cela Rigoletto et La Traviata sont surtout des opéras chambristes, des huits clos d’une étouffante âpreté (préparés par la ligne psychologique de Luisa Miller): Rigoletto développe la relation du père et de sa fille, Gilda (figure soumise, angélique, autosacrificielle dont la mort produit la malédiction tragique du bossu railleur/raillé); Le Trouvère sait varier les scènes épiques et fantastiques (les visions enflammées terrifiantes d’Azucena au I) comme l’effusion tendre des amoureux (Manrico/Leonora)… La Traviata (la dévoyée) souligne avec finesse la figure d’une courtisane rattrapée par la maladie et la mort quand elle rencontre le véritable amour (Rodolfo): Violetta est elle aussi comme Gilda, une héroïne sacrifiée, haïe, humiliée (par les bons bourgeois qu’incarne Germont père au II)… sa pureté d’âme et son décès assurent son salut: la pêcheresse est quasi sanctifiée en fin d’opéra (sublime air  » addio del passato « …). Il est clair que dans La Traviata, Verdi épingle aussi l’esprit étriqué des bourgeois dont il a lui-même éprouvé l’hypocrisie, en raison de sa liaison « choquante » (hors mariage) avec la cantatrice Giuseppina Strepponi (qu’il épousera finalement en 1859).
Le soin apporté aux enchaînements, la vitalité des épisodes musicaux où l’orchestre et le chœur continuent d’occuper une place essentielle, l’écriture des parties solistes indiquent son génie théâtral toujours soucieux de continuité scénique. La réussite de Verdi vient de ce que peu à peu la forme contrainte des airs enchaînés, des numéros fermés sur eux-mêmes, s’unissent progressivement constituant le lien continu d’un acte à l’autre. L’unité du drame grâce à la couleur de l’orchestre et au choix très scrupuleux des transitions confirme une vision unitaire, en cela proche de celle de Wagner (même si le flux continu orchestral de ce dernier demeure étranger à l’italianità de Verdi).
Rigoletto, Le Trouvère, La Traviata, diversement accueillis (et plutôt froidement à Venise pour La Traviata) confirment le renouvellement créatif dont est capable Verdi, d’un ouvrage à l’autre: théâtre hugolien, roman espagnol, mythe romantique français… les sources inspirent chacune un traitement différent et particularisé d’une étonnante richesse mélodique.
Ce qui prime sous le prétexte du sujet emprunté à la littérature, c’est le traitement d’une nouvelle subtilité concentrée désormais sur la psychologie des protagonistes dont Verdi fait des individus profonds, humains. Les interactions, les enjeux psychiques sont magistralement exprimés: ce réalisme sentimental est le point le plus marquant de son écriture.
Mais Verdi se distingue aussi par son sens du rythme: ses opéras ne ménagent en rien l’attention du spectateur; leur déroulement au contraire saisit souvent: c’est bien là aussi la marque de Verdi: son intelligence des situations, sa coupe ardente, passionnée, souvent fulgurante à laquelle il apporte, malgré une énergie évidente, une coloration de plus en plus sombre. C’est là encore qu’il rejoint son contemporain Wagner: dans une conception désenchantée de l’existence: s’ils ne croient plus en l’homme, les deux génies expriment néanmoins leur irrépressible volonté de vivre.


Paris, capitale lyrique

La grande affaire des années 1850 reste : Paris. La capitale mondiale de l’opéra fait et défait les réputations comme elle consacre les génies de l’heure. Wagner (avec Tannhäuser en 1860 quelques années après Verdi) connaît une légitime consécration… scandaleuse. Pour Verdi, il s’agit de reproduire le genre spectaculaire et colossale des grands tableaux collectifs dans le sillon tracé par Meyerbeer sur les livrets de Scribe: Les Vêpres Siciliennes sont ainsi créées à l’Opéra de Paris le 13 juin 1855 avec succès, d’autant que le compositeur italien réussit remarquablement l’épreuve obligée pour la France, du ballet (ballet des saisons au début du bal masqué de la première conjuration).
Pour Wagner, l’heure est à l’exil en Suisse: Lohengrin est créé en 1850, et la composition du Ring avance à grands pas: La Walkyrie est totalement achevée en 1856.


Simon, modèle et testament politique

En 1857, Verdi créée Simon Boccanegra, vaste fresque historique à l’époque de la Renaissance italienne et du doge de Gènes. La première version d’après le livret de Piave cible immédiatement les intrigues politiques et l’action des politiques de l’ombre dont surtout Paolo qui compte bien récupérer les efforts de son engagement pour l’élection de Simon comme doge de Gènes. Intimiste et d’une exceptionnelle justesse psychologique, Verdi brosse le portrait du doge Boccanegra, de sa relation avec sa fille, Amelia, mais aussi de sa conception du pouvoir: vision humaniste d’un homme loyal et vertueux dédié à l’intérêt du peuple. L’écriture musicale préserve essentiellement l’explication du drame, la complexité psychique des rôles: Verdi sait fondre le chant dans la continuité de l’action (aucun air clairement identifié pour Simone). En 1881, Boito, nouveau librettiste, modifie l’ouvrage et ajoute entre autres la scène du Conseil, page sublime et violente, point fort de l’opéra. Le sujet politique rapelle l’engagement de Verdi sur la scène politique, après Un bal masqué (1859), comme député de Busseto, acquis à la cause républicaine pour l’unification italienne… Le nom de Verdi indique une évidente adhésion aux idées révolutionnaires: Viva VERDI (Viva Vittorio Emmanuelle, Re D’Italia)… il a toujours confirmé sa proximité avec les idées de Mazzini et Garibaldi, puis revendique clairement son raliement au plus modéré Cavour, premier ministre du Piémont et bientôt acteur principal de l’unité italienne. C’est un autre trait partagé avec Wagner: leur proximité avec les révolutionnaires; mais l’auteur de Lohengrin en paiera le prix fort: il doit quitter son poste à Dresde (Kapellmeister de la Cour): pour lui désormais, la fuite, l’exil… rien de tel pour Verdi.

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