vendredi 19 avril 2024

Darius Milhaud et sa musique Arte, juillet 2010 à

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Darius Milhaud

et sa musique



Arte
juillet 2010 à

C’est l’homme de Provence, né à Marseille mais attaché à Aix… qui ne fut jamais réellement compris en France. Visage rond, mais vivacité des yeux et de l’expression, Milhaud a traversé l’histoire européenne en voyageant toujours, du Brésil aux Etats-Unis, cultivant les facettes polymorphes de son écriture vagabonde…

Au Châtelet, Darius Milhaud (1892-1979), qui fut l’élève (orchestration) de Paul Dukas au Conservatoire de Paris, fait créer son premier grand concert parisien: Suite Protée pour le drame de Paul Claudel, par les Concerts Lamoureux (1920): une création scandaleuse à laquelle assiste le compositeur debout, démuni mais fier. Entrée fracassante inspirée de Claudel. Le jeune homme de 20 ans compose Les Choéphores d’après la trilogie Orestie d’Eschyle de Claudel: chant néoantique dont la lyre tragique fait revivre l’ampleur des drames anciens.

Milhaud, trop fébrile, ne fera pas la guerre: Claudel nommé au Brésil, ministre plénipotentiaire, l’emmène avec lui comme secrétaire, en 1917: c’est un choc retentissant. L’équivalent de celui qu’éprouve un brésilien qui viendra bientôt à Paris, Villa-Lobos (1923) grâce à l’appui du pianiste Arthur Rubinstein.
Samba, Bossa nova… la sensualité urbaine de Rio mais aussi la luxuriance des espèces végétales le frappent. Attaché culturel, Milhaud organise des concerts franco-brésiliens. Les deux se repose à Teresopolis, mais traversent aussi la forêt vierge: crépitements d’insectes, d’animaux, de branches… les deux français sont subjugués par le motif de la grande forêt amazonienne. Milhaud y trouve des ferments nouveaux pour son écriture. A Rio, Milhaud écrit sa première symphonie; le ballet L’homme et son désir manifeste l’inspiration de l’homme confronté à la force de la nature, créé par les ballets suédois en 1921 à Paris.

Assemblage subtil de rythmes et motifs populaires, Le Boeuf sur le toit exprime la fascination de Milhaud pour les exotismes amazoniens. Adepte de la polytonalité (deux tonalités superposées puis renversées), Milhaud défend la continuité mélodique dans différents tons/tonalités.
Membre du groupe des 6 avec Poulenc, Auric, Honegger, Milhaud incarne un groupe divers dont témoigne une oeuvre collective à l’initiative de Cocteau: Les mariés de la tour Eiffel. Comme il le précise lui-même devant la caméra, il s’agit d’un cercle d’amis, pas d’un courant esthétique.
A New York, Milhaud est invité comme le français le plus prodigieux de sa génération: il découvre le jazz… (1922) qu’il recycle dans le ballet La naissance du monde pour les Ballets Suédois. Le groupe s’évanouit en 1923.
Mais Cocteau et Milhaud poursuivent leur collaboration comme le drame Le pauvre matelot (1927) créé à Bruxelles.
La diversité des influences et sources d’inspiration de Milhaud puise aussi dans ses origines juives. Comme Paul Cézanne, Mistral ou Zola, Milhaud suit sa formation scolaire à Aix (Lycée Cimiez). Son ami Leo Latille, poète, décédé sur le champ de bataille en 1915, lui inspire plusieurs mélodies. Attaché à sa terre provençale, Milhaud adapte la légende d’Orphée (comme il le fera avec la figure juive d’Esther), en l’intégrant dans le paysage de Camargue: le chantre de Thrace y devient un berger.

Après son mariage avec sa cousine Madeleine, Milhaud travaille avec Claudel pour un drame-opéra sur la vie de Christophe Colomb. L’oeuvre jugée impossible à Paris par la Comédie Française, est crée à Berlin le 5 mai 1931. Pour Madeleine, le souffle de Claudel inspire très profondément l’écriture de Milhaud. L’Opéra de Paris lui commande Maximilien. Milhaud compose aussi de nombreuses musiques de film pour Lherbier, Renoir…
Pendant la guerre, au moment où les allemands envahissent la Belgique et la Hollande, Milhaud fait créer son nouvel opéra, Médée. Mais il doit quitter la France en 1940: Pierre Monteux aide Milhaud à trouver une position dès son arrivée à New York. Puis la famille Milhaud traverse les Etats-Unis en voiture, de New York jusqu’à la côte californienne: il devient professeur au Mills college d’Oakland. Inspiré par le thème de la libération, Milhaud compose sur un livret de Supervielle, Bolivar, dernier volet de son triptyque sud américain avec Colomb et Maximilien…

Après la guerre, Milhaud apprend l’enfer des camps nazis où il perd des membres de sa famille.
En 1952, Milhaud rejoint Israël pour écrire son opéra David créé en 1954 en concert, par les musiciens de Radio Israël, puis scéniquement à La Scala en 1955. C’est un retour aux sources familiales qui complète l’itinéraire du voyageur curieux, toujours actif, malgré ses difficultés pour se déplacer (rhumatismes). Dans la vallée d’Ella, David vainc Goliath. Il fait de Gébus, la capitale de son royaume.

Pacem interis est un hommage au Pape réformateur Jean XXIII
De nombreuses illustrations et documents précisent le portrait du compositeur français, mort en 1974 en Suisse; Milhaud se raconte; sa femme Madeleine avec laquelle il faisait des quatre mains réguliers, témoigne aussi de la carrière du musicien dont l’oeuvre demeure toujours incomprise en France: les 30 ans de sa disparition en 2009 est passé quasi inaperçu. La redécouverte de Milhaud reste encore à faire: ce documentaire portrait appelle à approfondir encore l’évolution et le sens de son oeuvre.

Illustrations: Darius Milhaud (DR)

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