jeudi 18 avril 2024

CRITIQUE opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 23 février 2016. Campra: Les Fêtes Vénitiennes. Les Arts Florissants. Christie / Carsen

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CRITIQUE opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 23 février 2016. Campra: Les Fêtes Vénitiennes. Les Arts Florissants. Christie / Carsen   –   VENISE RÉENCHANTÉE. Cette magnifique coproduction fait honneur à l’art de Campra avec brio. Tout est parfaitement harmonieux dans ce spectacle qui fera date.  La partition de Campra est une vraie découverte qui montre combien l’ombre de Lully a fait des dégâts. Comme tout est ici pur équilibre, chant libre et récitatifs naturels sans le carcan lulliste ! L’italianité est assumée et la voix en sort triomphante. L’esprit de la danse n’en est pas moins fêté avec d’exquis ballets s’enchainant avec subtilité. De bout en bout, une coulée de beauté diffuse de la partition. Les airs sont assez courts mais très expressifs les récitatifs très concentrés ne sont jamais pesants. Évidemment, l’intrigue est sans douleurs et l’esprit bouffe est agréable sans excès. Les personnages sont campés comme des prototypes amoureux et chacun peut se reconnaitre ça ou là ou pas du tout !

Campra, vénitien séducteur

 

 

 

Superbe partition pleine de fantaisie, de fraîcheur et d’esprit. Les décors sont admirables de réalisme poétique et Venise éternelle, telle qu’elle fait profondément impression sur le moindre touriste, est présente sous nos yeux. Le décor représente la place Saint-Marc stylisée. Des habile panneaux mobiles redessinent l’espace en plus intime ou plus labyrinthique en fonction des intrigues baroques. Les lumières particulièrement subtiles participent du décor et créent une dramaturgie nycthémérale, pleine de poésie. La mise en scène permet une mise en abîme intéressante avec la horde de touristes admiratifs de la céleste place qui en se déguisant montent l’action et la déplace en plein XVIIIème siècle. La beauté des costumes coupe le souffle avec des rouges flamboyants.

Ceux en forme de gondole sont plein d’humour. Chaque chanteur soliste ou du chœur se déplace avec naturel et semble libre de s’exprimer. C’est bien de cette liberté que l’esprit du Carnaval procède, il nous semble. Les danseurs de la Cie Scapino  Ballet Rotterdam sont sensationnels, précis et diaboliquement taquins. Les danseurs aussi semblent dépasser les habituels mouvements attendus. Leur apparente facilité de se mouvoir dans trois dimensions fait également souffler un incroyable vent de liberté.  Chaque chanteur interprétera plusieurs masques avec virtuosité. Parfait chanteur-acteur chacun est admirable. C’est peut être le maître de musique de Marcel Beekmann qui a la présence la plus attachante, probable porte parole du compositeur. L’acteur est facétieux et le chanteur semble capable de tout ! Et quel humour!

La direction de William Christie met en lumière toute la délicate structure de cette partition si admirable. L’amour que le chef semble avoir pour l’ouvrage, sa gourmandise, sa joie à la faire vivre sous ses doigts contamine son orchestre de superbes musiciens comme les chanteurs de son choeur, qui semblent prendre un réel plaisir sur scène. Un festival de couleurs et de nuances musicales les plus belles ; des couleurs sur scène d’une harmonie parfaite, des gestes sans limites, des danses sans poids, tout concourt à une fête complète de l’esprit et des corps.

Qui a aimé un jour Venise ne peut que revivre ce coup de foudre dans ces Fêtes vénitiennes de Campra admirablement recréés par Robert Carsen et William Christie. L’esprit français, vif, brillant, léger, dans ce  qu’il a de meilleur est compris parfaitement par ces anglo-saxons de génie avec toute une équipe magnifique ! Un Hymne à Venise ville du rêve. Oui la beauté triomphe de tout. Un spectacle jubilatoire !

 

Compte-rendu opéra ; Toulouse ; Théâtre du Capitole, le 23 février 2016 ; André Campra (1660-1744) : Les fêtes vénitiennes, Opéra Ballet ; Robert Carsen, mise en scène ; Radu Boruzescu, décors ; Petra Reinhardt, costumes ; Peter Van Praet, Robert Carsen, lumières ; Avec : Emmanuelle de Negri, La Raison / Lucile / Lucie ; Élodie Fonnard, Iphise / La Fortune ; Rachel Redmond, Irène / Léontine / Flore ; Emilie Renard, La Folie / Isabelle ; Cyril Auvity, Le Maître de danse / Un Suivant de la Fortune / Adolphe ; Reinoud Van Mechelen, Thémir / Un Masque / Zéphir ; Marcel Beekman, Le Maître de musique ; Jonathan McGovern, Alamir / Damir / Borée ; François Lis, Le Carnaval / Léandre / Rudolphe ; Sean Clayton, Démocrite ; Geoffroy Buffière, Héraclite ; Cie Scapino Ballet Rotterdam, Ed Wubbe chorégraphe ; Les Arts Florissants ; Direction : William Christie

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