vendredi 19 avril 2024

Compte rendu, opéra. Saint-Etienne. Grand Théâtre Massenet, le 25 mars 2014. Jules Massenet : Werther. Abdellah Lasri, Marie Kalinine, Damiano Salerno, Magali Arnault Stanczak. Laurent Campellone, direction musicale. Laurent Fréchuret, mise en scène

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saint etienne-werther-2014Le bois soupire ainsi qu’une harpe sonore… Nouvelle production de Werther à l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne, là où Massenet est toujours chez lui. Laurent Fréchuret, originaire de la cité stéphanoise et fondateur du Théâtre de l’Incendie, a choisi de placer sa mise en scène au cœur de la forêt, un bois à l’orée d’un village, où les arbres abritent de leur ombre les secrets et les désirs inavoués. C’est entre leurs troncs que jouent les enfants, que Charlotte et Werther se cherchent, que le héros meurt enfin dans les bras de celle qu’il aime et qui n’a jamais cessé de l’aimer, en une image quasiment christique. Rarement les saisons que traverse l’œuvre auront été si visibles, si partie prenante de l’action, offrant des images d’une grande beauté.

La modernité imaginée par le metteur en scène se veut discrète, sans ostentation, se rapprochant de notre époque mais sans signe distinctif, laissant faire l’intemporalité des sentiments qui noue le drame.

Comme toujours dans la maison stéphanoise, on se doit de saluer une distribution en tous points remarquables. Les deux comparses Johann et Schmidt sont croqués avec humour et tendresse par Christian Tréguier, déjà présent à Bastille le mois passé, et Eric Vignau, duo jamais ridicule et très attachant. Très beau bailli, franc et sonore, dans une certaine tradition du chant français, de Frédéric Goncalves, dont on apprécie chacune des interventions. Irrésistible, la Sophie à croquer de Magali Arnault Stanczak, fraiche et rayonnante comme un lever de soleil, parfaite dans cet emploi qui paraît écrit pour elle.

Arrivé tardivement dans l’aventure, le baryton italien Damiano Salerno offre à entendre un Albert efficace, quoiqu’un peu effacé et pas toujours pleinement à l’aise dans le style de Massenet – surtout face à des partenaires tous naturellement familiers de cette prosodie –, mais le travail fourni par l’artiste demeure à saluer.

La première Charlotte de Marie Kalinine était très attendue, et force est de constater que ce personnage lui convient idéalement, tant en terme d’ampleur que de tessiture. Sa jeunesse et son engagement scénique lui permettent de monter le véritable visage de cette femme dont on fait trop souvent une dame presque mûre alors qu’elle a seulement vingt ans.

Néanmoins, l’instrument contredit parfois cette juvénilité, sonnant comme artificiellement grossi et rendant la compréhension du texte difficile, alors que davantage de clarté et de finesse dans l’émission permettrait à cette voix somptueuse d’éclater encore davantage.

A ses côtés, Abdellah Lasri renouvelle le miracle de l’Opéra Bastille, osant davantage encore de nuances grâce à la taille humaine de la salle, et assurant parfaitement un « Pourquoi me réveiller » d’une sécurité totale, en grand technicien. Le timbre demeure aussi somptueux, et on se régale d’une diction aussi soignée, chaque mot, chaque son paraissant rendu avec le plus grand naturel. On a hâte de retrouver dans un autre rôle ce jeune ténor qui possède l’étoffe des plus grands.

Excellents également, les enfants de la Maîtrise du Conseil Général de la Loire, magnifiquement investis.

Fidèle à lui-même, Laurent Campellone confirme son immense talent de chef d’opéra, soutenant les chanteurs et déployant la pâte de son superbe orchestre tout à la fois, une constante qui nous émerveille et nous ravit toujours.

Décidément, le répertoire lyrique français, c’est à Saint-Etienne qu’il faut le déguster.

Saint-Etienne. Grand Théâtre Massenet, 25 mars 2014. Jules Massenet : Werther. Livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann d’après Johann Wolfgang von Goethe. Avec Werther : Abdellah Lasri ; Charlotte : Marie Kalinine ; Albert : Damiano Salerno ; Sophie : Magali Arnault Stanczak ; Le Bailli : Frédéric Goncalves ; Schmidt : Eric Vignau ; Johann : Christian Tréguier. Maîtrise du Conseil Général de la Loire. Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire. Direction musicale : Laurent Campellone. Mise en scène : Laurent Fréchuret ; Décors : Rudy Sabounghi ; Costumes : Claire Risterucci ; Lumières : Laurent Castaingt ; Chef de chant : Cyril Goujon

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