jeudi 28 mars 2024

Compte rendu, opéra. Lille. Opéra de Lille, le 28 janvier 2014. Janacek : La petite renarde rusée. Elena Tsallagova, Oliver Zwarg, Derek Welton… Orchestre national de Lille. Franck Ollu, direction. Robert Carsen, mise en scène.

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Lille, Opéra. Janacek: La petite renarde rusée, jusqu’au 7 février 2014. Début d’année étincelant à l’Opéra de Lille ! La maison lilloise nous accueille pour la première de La Petite renarde rusée (1924) de Janacek dans une mise en scène d’une fraîcheur particulière signée Robert Carsen. Le chef Français Franck Ollu dirige un Orchestre National de Lille tonique et une distribution de chanteurs talentueuse et investie, avec Elena Tsallagova dans la meilleure des formes pour le rôle-titre.

Hymne à la nature et à la vie
L’histoire de la petite renarde vient d’un roman illustré de Rudolf Těsnohlídek et Stanislav Lolek, à l’origine parue dans un journal auquel Janacek était abonné. Elle raconte l’existence, l’amour, la vie et la mort de la renarde Finoreille. Le Tchèque en fait un hymne à la nature et à l’humanité d’une poésie palpitante. Un opéra comique pourtant émouvant, sa dernière scène a été jouée pendant les funérailles du compositeur.
La mise en scène de Robert Carsen a une beauté complexe, stimulant les sens et l’intellect. Les décors et costumes de Gideon Davey sont visuellement saisissants. La forêt est omniprésente et le passage du temps et des saisons se réalise de façon naturelle, tellement efficace et réussie, en une telle synchronicité avec l’orchestre que nous remarquons à peine les personnes réalisant les changements de décors sur scène. Les humains et les animaux sont vêtus des habits à la beauté plastique indéniable. Les animaux en particulier affichent leur côté sauvage aussi avec des costumes plus évocateurs que descriptifs, à l’exception peut-être du coq, le plus littéral, mais aussi des plus comiques. La vision de Carsen s’accorde donc à l’œuvre avec intelligence et sincérité. Il évite tout pathos et sentimentalité, et donne autant d’importance aux actions représentées qu’aux états d’âmes des personnages.

LA PETITE RENARDE RUSEE CARSEN LILLE

Il est évident que la distribution de chanteurs/acteurs adhère au concept, tellement elle est investie physiquement et vocalement. La soprano Ellena Tsallagova est une Finoreille énergique. Elle habite le rôle avec facilité et ravit le public avec sa présence maline, piquante, rusée. A ceci s’ajoute son chant tonique, du mordant, une belle projection et une impressionnante maîtrise du rythme. Quelques effets théâtraux colorent la voix et un lyrisme distinct sustente son langage corporel. L’équilibre achevé est envoûtant. Son renard est interprété par la mezzo-soprano Jurgita Adamonyte avec panache. Les voix se marient bien et leur duo de la déclaration à la fin du deuxième acte est un véritable tour de force théâtrale. C’est l’un des morceaux les plus « animalier » de l’oeuvre, ici Finoreille brille par sa coquetterie et le renard par son ardeur démesurée. Les autres animaux mis en musique sont autant investis, que ce soit les renardeaux, les oiseaux ou encore les insectes à la présence fugace.

Les humains « coexistent » dans l’ouvrage et s’ils sont plus sérieux, moins libres  ; ils offrent pourtant des caractérisations éloquentes et touchantes. Le rôle le plus riche humainement reste celui du Garde-forestier, interprété par le baryton Oliver Zwarg. Son mélange de tendresse et de rudesse révèle une immense humanité. Son chant est riche en émotion et sa prestation a un je ne sais quoi de spirituel qui fonctionne bien. Lorsqu’il chante son monologue à la fin de l’opéra, l’élan lyrique s’instaure avec une voix saine et un orchestre somptueux. Les autres humains pimentent l’histoire avec leurs individualités. Le curé de Krzysztof Borysiewicz comme le maître d’école d’Alan Oke, exploitent la verve comique de l’œuvre avec vivacité. Remarquons le Harasta de Derek Walton, qui n’a pas de monologue, mais qui brillet tout autant par la beauté de son instrument généreux au timbre chaleureux.

Le chef Franck Ollu se montre maître en dirigeant l’Orchestre National de Lille avec un sens de l’articulation et du coloris alliant dynamisme et imagination. Protagonistes de l’oeuvre avec de nombreux interludes et passages symphoniques, l’orchestre impressionne dès le prélude lyrique et dansant, tout à fait spectaculaire, jusqu’à la coda maestosa du finale aux sonorités inouïes. La nature est en permanence évoquée avec une grande originalité et les morceaux d’inspiration folklorique sont joués avec la vivacité qu’ils requièrent. Du grand art sans prétention mais avec beaucoup d’intentions à l’Opéra de Lille. Un début d’année d’une fraîcheur joviale il est difficile de rester insensibles. A voir encore à l’affiche de l’Opéra de Lille les 4 et 7 février 2013.

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