mardi 19 mars 2024

Compte rendu, opéra, Dijon, Opéra, le 23 mai 2018. Rameau / Mondonville. Haïm /Orlin.

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rameau jean philippe dossier classiquenews 582 822 dossierCompte rendu, opéra, Dijon, Opéra, Auditorium, le 23 mai 2018. Rameau : Pygmalion, et Mondonville : L’Amour et Psyché. Emmanuelle Haïm / Robyn Orlin, avec Reinoud van Mechelen, Samantha Louis-Jean, Armelle Khourdoïan, Magali Léger et Victor Sicard. Bien avant que les lumières de la salle faiblissent, les assistants de Pygmalion s’affairent autour des tables où s’alignent des œuvres plastiques contemporaines ; l’orchestre s’accorde. Le procédé est devenu banal, qui désacralise le moment attendu où l’orchestre attaque l’ouverture. Pygmalion fume en s’activant, comme de nombreux choristes le feront ensuite. Au pied d’un panneau nu et clair, le sculpteur et ses assistants déroulent une large pièce de tissus qui, suspendue à une sorte de cintre, s’élève pour constituer un écran sur lequel est projetée l’image d’Emmanuelle Haïm, en temps réel, dirigeant l’ouverture. Le ton est donné.

 

 

 

 

Pour les oreilles, seulement

 

 

Le couplage « Pygmalion » avec « L’Amour et Psyché », de Mondonville, relève de l’évidence. L’amour y gouverne les passions, les cœurs, les corps. Rameau illustra cette fable d’Ovide bien avant que Rousseau n’écrive sa scène lyrique, où la piété de Pygmalion à l’endroit de Vénus est récompensée par la vie que la déesse donne à Galatée, ici, la Statue. Une autre Galatée  avait  déjà défrayé la chronique lyrique, pour ses amours à Acis, contrariés par le cyclope, mais c’est une toute autre histoire, racontée elle aussi par le poète latin. Le véritable et seul librettiste est Ballot de Sauvot, qui emprunte la trame dramatique et une trentaine de vers à Houdar de la Motte (dont le texte avait été mis en musique dès 1700 par Michel de la Barre). Toute la réécriture lui est due. Malgré son dédain à l’endroit de Saint-Saëns, qui présidait à l’édition de l’œuvre de Rameau, Debussy réalisa une orchestration de Pygmalion (cf. Monsieur Croche et autres écrits), alors qu’Henri Busser effectuait la réduction chant et piano pour Durand, Maurice Emmanuel, autre bourguignon, et Martial Ténéo, de leur côté, réalisant l’édition de 1913.
C’est à Emmanuelle Haïm, fidèle à Rameau comme à Dijon (elle dirigera Les Boréades en mars prochain), que nous devons cette production qui ira à Lille, Luxembourg et Caen. Elle a engagé son Concert d’Astrée comme son chœur et le courant passe avec l’équipe de solistes réunis pour la circonstance. Un homme par ouvrage (le ténor Reinoud van Mechelen pour Pygmalion ; Victor Sicard pour l’Amour et Psyché, où le baryton chante Tisiphone) et trois voix de femmes, qui interviennent dans chaque acte de ballet (Samantha Louis-Jean, Armelle Khourdoïan et Magali Léger), une belle distribution, sans faiblesse, de chanteurs rompus aux subtilités du chant baroque.

Les histoires mythologiques, autorisent bien des lectures dramatiques. C’est un réel défi que de transposer l’allégorie baroque dans notre univers contemporain, ici télévisuel, ou cinématographique. En effet, Robyn Orlin, l’inventive Sud-Africaine, signe la mise en scène comme la chorégraphie, en confiant l’essentiel du travail à une vidéo en temps réel, régie par Eric Perroys. Nous sommes plongés dans l’univers du septième art et le plateau devient studio. Le tournage renvoie à l’artiste créateur, Pygmalion, narcissique en diable, qui délaisse Céphise pour sa statue à laquelle l’Amour va insuffler la vie avant qu’elle assure son mouvement au travers des danses baroques. Cinq brillants danseurs, étrangers au monde classique, baroque à fortiori, vont confirmer cet ancrage contemporain, multiculturel. La chorégraphie, monotone, comporte de multiples contresens. Ainsi  lorsque tel danseur se trémousse fébrilement sur une musique qui incite davantage à la méditation, à la plainte L’ambitieux projet nous entraîne dans un univers décalé, dominé par la vidéo, virtuose et prégnante au point d’étouffer l’expression musicale, réduite à un accompagnement sonore.
Peut-on parler de décors, d’éclairages ? Ceux-ci sont soumis aux contraintes des prises de vue, fixes ou mobiles, et de leur projection. Le résultat ne manque pas de surprendre, un temps magique, mais rapidement fastidieux car le regard est sollicité simultanément par les sujets, généralement latéraux, et les projections, assorties d’effets spéciaux. Quelques idées ne suffisent pas à donner corps au spectacle. Le vernissage de l’exposition, les tables alignées du buffet sont bienvenus, même si l’ivresse de Pygmalion relève d’un goût douteux. Il en va de même dans « L’Amour et Psyché », avec l’autre alignement, celui des miroirs où les artistes se maquillent.
L’indigence dramatique est manifeste. Alors que l’action est centrée sur Pygmalion, ce dernier déambule et chante sans que l’attention soit focalisée sur le personnage. La vidéo impose de garder en pleine lumière l’immense cadre scénique. La pollution visuelle est mortifère et la musique en est la première victime. Cette distraction imposée contrarie l’attention et l’écoute, et on peut douter qu’une large partie du public ait pu apprécier les interventions des chanteurs à leur juste valeur.  Le chœur, superlatif, et l’orchestre méritaient tout autant une réalisation scénique respectueuse de ce qui fonde le spectacle. Les collégiens, associés à sa préparation, familiers, voire accros des séries, dépourvus de repères, ont apprécié. Les adultes moins.

 

 

 

 

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Compte rendu, opéra, Dijon, Opéra, Auditorium, le 23 mai 2018. Rameau : Pygmalion, et Mondonville : L’Amour et Psyché. Emmanuelle Haïm / Robyn Orlin, avec Reinoud van Mechelen, Samantha Louis-Jean, Armelle Khourdoïan, Magali Léger et Victor Sicard.

 

 

 

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