jeudi 28 mars 2024

Compte-rendu, opéra. Berlin, Deutsche Oper, le 17 novembre 2016. Meyerbeer : Les Huguenots. Juan Diego Florez, Patrizia Ciofi…Michele Mariotti, direction.

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Fidèle à l’enfant du pays Giacomo Meyerbeer, la Deutsche Oper de Berlin – après avoir mis à l’affiche Vasco de Gama la saison passée et Dinorah celle d’avant – propose actuellement une nouvelle production du chef d’œuvre du compositeur berlinois : Les Huguenots. Donnée ici dans sa quasi intégralité, la partition de Meyerbeer retrouve sa cohérence et sa théâtralité, et emporte le public dans un tourbillon d’émotions, de coups de théâtre – dramatiques et musicaux – qui ne lui laissent aucun répit.

 

 

huguenot berlin juan diego florez patricia ciofi classiquenews review compte rendu critique

 
 

Premier artisan de la réussite, le jeune chef italien Michele Mariotti dirige avec beaucoup d’autorité un Orchestre de la Deutsche Oper concentré à sa tâche et précis, jusque dans les nombreux soli réclamés par la partition. Son principal mérite – qui se confirme ici authentique chef d’opéra (il est directeur musical de celui de Bologne) – est de conférer une unité dramatique à une fresque de très vastes proportions, puisant aux esthétiques les plus différentes. Sans jamais sacrifier au théâtre, il réussit à rendre justice aux raffinements de l’écriture instrumentale, tout en gardant un œil sur les exigences du chant.
Confiée à l’américain David Alden, la proposition scénique n’est pas inintéressante mais inclue des partis pris discutables. Pour commencer, la scénographie imaginée par Gilles Cadle restera identique pour les cinq actes, ce qui ne rend pas justice au « Grand opéra » (et la profusion de décors qui va avec), de même que l’aspect bucolique de l’acte II passe à la trappe. C’est vers la comédie musicale qu’Alden semble avoir trouvé son inspiration (il est surtout connu pour avoir signé des productions « comiques »), et si cela fonctionne bien dans les deux premiers actes, le renversement dramatique à l’acte III n’est guère souligné ni rendu lisible ici. Il manie en revanche très habilement les foules (on a compté plus de cent choristes !) mais ne montre pas la même maestria à diriger les solistes, qui doivent compter la plupart du temps sur leurs seules ressources.

 
 

Stylistiquement aguerrie, la distribution contribue à la réussite d’ensemble, mais le héros de la soirée est incontestablement Juan Diego Florez (sur un cheval blanc, ci dessus) dont la prestation en Raoul de Nangis balaie toutes les réserves que l’on pouvait se formuler avant le spectacle. En plus d’un timbre et d’un legato maintenant légendaires (qui font merveille dans le célèbre « Plus blanche que la blanche hermine »), il apporte à son personnage une vaillance, une endurance et une puissance que l’on ne soupçonnait pas chez le ténor péruvien. Dans le rôle de Marguerite de Valois, Patrizia Ciofi n’impressionne pas moins par des coloratures électrisantes et précises, notamment dans le magnifique « O beau pays de la Touraine ».
La Valentine d’Alesya Golovevna est une révélation : en plus d’un timbre de toute beauté, la soprano russe possède le rayonnement vocal et la fulgurance dans l’aigu requis par sa partie. Ajoutons que les médiums sont riches, les graves nourris, et que l’actrice se montre pleinement investie. De son côté, la basse croate Ante Jerkunica apporte à Marcel des moyens imposants et une juste vocalité, avec des notes graves d’outre-tombe et un français plus que correct. Très satisfaisant également le Urbain d’Irène Roberts, tout de vivacité et d’esprit, à qui on restitue le rondeau « Non, vous n’avez jamais, je gage » écrit par Meyerbeer à l’intention de Marietta Alboni. Le baryton-basse australien Derek Welton est un excellent (et implacable) Saint-Bris face au Nevers efficace de Marc Barrard (seul français de la distribution), la nombreuse équipe de seconds rôles n’appelant guère de reproche hors la prononciation de notre langue par certains. Excellente, enfin, la prestation du Chœur de la Deutsche Oper, fort bien préparé par Raymond Hugues. Au final, une salle en délire, trépignant d’enthousiasme, qui ne se videra qu’après d’innombrables rappels.

 
 

Compte-rendu, opéra. Berlin, Deutsche Oper, le 17 novembre 2016. Giacomo Meyerbeer : Les Huguenots. Juan Diego Florez, Patrizia Ciofi, Alesya Golovevna, Ante Jerkunica… Chœur et Orchestre de la Deutsche Oper Berlin. Michele Mariotti, direction. David Alden, mise en scène.

 
 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img