vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, opéra. Barcelone, Gran Teatre del Liceu, le 14 novembre 2014. Hector Berlioz : Benvenuto Cellini. Avec John Osborn, Kathryn Lewek, Maurizio Muraro, Annalisa Stroppa, Asley Holland, Eric Halfvarson. Terry Gilliam, mise en scène. Josep Pons, direction musicale.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Cellini au LiceuCompte rendu, opéra. Benvenuto Cellini de Berlioz au Liceu. Après Londres et Amsterdam, et avant Rome et Paris, c’est au Liceu de Barcelone qu’est proposée cette production du chef d’œuvre de Berlioz, Benvenuto Cellini, signée par l’ex-trublion des fameux Monthy Python : Terry Gilliam, qui parvient ici rien moins qu’à restituer à l’ouvrage son intégrité, sa puissance et sa beauté. Si on peut émettre des réserves quant au fait d’avoir réduit l’ouvrage berliozien à un opéra essentiellement comique, il faut reconnaître que la drôlerie, la vie tourbillonnante – mais aussi le panache du spectacle – répondent à l’esprit de comédie, tantôt burlesque, tantôt héroïque, qui est également celui de l’ouvrage. On se souviendra longtemps de cette arrivée colorée et chaotique – par l’arrière de la salle et pendant l’Ouverture – d’une troupe de comédiens, jongleurs, danseurs et acrobates qui investit la salle noyée sous une pluie de confettis (avant de réapparaître pendant la fameuse scène du Carnaval romain, à la fin du I). Inoubliable, également, l’arrivée du Pape dans l’atelier de Cellini, tel un Deus ex machina, monté sur un trône à roulette et flanqué de centurions romains. Avec son visage outrageusement grimé et ses ongles extravagamment longs, il fait immanquablement penser à Altoum dans Turandot !

 

 

Fougue et précision de Joseph Pons, nuances de John Osborn

Cellini étincelant au Liceu

 

Le ténor américain John Osborn (déjà présent à Londres et Amsterdam) campe un Cellini flamboyant. Sa fréquentation du répertoire belcantiste et celle de rôles plus lyriques (comme Des Grieux ou Hoffmann) lui permettent de donner toute sa crédibilité vocale à un rôle inhumain. Il livre un véritable leçon de chant dans son grand air « Sur les monts sauvages», avec un sens des nuances et du phrasé comme on l’entend rarement chez Berlioz : il est le grand triomphateur de la soirée.
De son côté, la jeune soprano colorature américaine Kathryn Lewek, dans le rôle de Teresa, apporte une vraie crédibilité à la jeune héroïne, avec sa voix fruitée et ductile, qui se joue des ornements du délicieux air « Quand j’aurai votre âge », passant par dessus l’orchestre avec aisance. Seul bémol, sa prononciation du français demeure elle, en revanche, vraiment perfectible.
On adressera le même reproche au chant du baryton italien Maurizio Muraro, Balducci au demeurant parfait de faconde comme d’autorité. La mezzo italienne Annalisa Stroppa – qui obtient une ovation méritée aux saluts – incarne un superbe Ascanio, avec un timbre à la fois rond et magnifiquement projeté, une prononciation très claire de notre langue, un entrain irrésistible dans ses deux airs. Le baryton britannique Ashley Holland fait de Fieramosca un personnage essentiel de l’œuvre – et non un comparse – en jouant sans complexe la carte du grotesque. Seul la basse américaine Eric Alfvarson, dépourvu du timbre, de la diction, et de la majesté sonore qu’exige le rôle du pape, s’investit en retrait de cette distribution.

On applaudira enfin le très bel engagement du Chœur del Gran Teatre del Liceu, et la belle santé vocale et scénique des ouvriers de ce Cellini, et on saluera plus encore la remarquable baguette de Josep Pons, actuel directeur musical du Liceu : sa fougue et sa précision font de lui un chef exemplaire de dynamisme et de sympathie avec cette musique. Bravo à lui et à un Orchestre du Gran Teatre del Liceu digne de tous les éloges.
Le lecteur l’aura compris, la soirée – couronnée par cinq ou six rappels – ne fut que feu, mouvement, crépitement des voix et des instruments. Signalons également, qu’avant le début du spectacle, une minute de silence a été observée par un public debout et recueilli, en hommage aux victimes des attentats de Paris survenus la veille. Pour le français que je suis, l’émotion en a été que plus forte.

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Barcelone, Gran Teatre del Liceu, le 14 novembre 2014. Hector Berlioz : Benvenuto Cellini. Avec John Osborn, Kathryn Lewek, Maurizio Muraro, Annalisa Stroppa, Asley Holland, Eric Halfvarson. Terry Gilliam, mise en scène. Josep Pons, direction musicale.

Illustration : © A.Bofill : Benvenuto Cellini, avec John Osborn au Liceu de Barcelone

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