mardi 19 mars 2024

Compte-rendu critique. Opéra. LYON, BENJAMIN, Lessons in Love and Violence, 14 mai 2019. Orchestre de l’opéra de Lyon, Alexandre Bloch.

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

Compte-rendu critique. Opéra. LYON, BENJAMIN, Lessons in Love and Violence, 14 mai 2019. Orchestre de l’opéra de Lyon, Alexandre Bloch. Troisième collaboration de George Benjamin avec son dramaturge fétiche, Martin Crimp, Lessons in Love and Violence renouvelle la réussite exceptionnelle de Written on Skin. Inspiré de la vie sulfureuse d’Edouard II et du théâtre élisabéthain de Christopher Marlowe, l’opéra bénéficie d’une distribution impeccable et de la lecture d’une rare efficacité de Katie Mitchell.

Créé à Londres en mai 2018, repris récemment à Hambourg, et sorti depuis en dvd, ce superbe opéra concentre l’action plus délayée chez Marlowe pour nous mener dans un huis clos d’une tension constante qui décrit la chute tragique du roi Edouard II, impliqué dans une relation mortifère avec son mignon Gaveston. La quête du pouvoir est au cœur de l’action, autour de laquelle gravitent l’ambitieux conseiller Mortimer, la reine Isabelle et le prince héritier. La musique est d’une richesse rare qui lorgne pourtant du côté de l’esthétique des origines de l’opéra, genre hybride qui est avant tout du théâtre en musique. Le chant atteint le plus souvent une épure, nonobstant un art consommé de la polyphonie (clin d’œil à la musique anglaise du XVIe siècle), qui contraste avec l’opulence de la matière orchestrale, d’une constante et infinie variété.

 

 

 

GAYGAMES OF THRONES

 

 

 

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On en devine la puissance évocatrice notamment dans les interludes qui ponctuent les sept tableaux du drame distribués en deux parties. Sur le plateau, les décors d’un lieu unique mais polyvalent, celui d’une chambre où tout se joue, ainsi que les costumes d’une grande sobriété, nous plongent dans une Angleterre aristocratique du milieu du XXe siècle, mais la froide tonalité bleutée, les tableaux alla Bacon, l’aquarium géant qui se vide progressivement de ses poissons puis de son eau, et les attributs du pouvoir, étincelants dans leur cage de verre, dépeignent une atmosphère à la fois glaciale, intemporelle et angoissante du meilleur effet.
 

 

 

 

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Opera. LYON, BENJAMIN, Lessons in Love and Violence, 14 mai 2019. Orchestre de l’opera de Lyon, Alexandre Bloch 4 critique opera classiquenewsÀ la scénographie magistrale de Katie Mitchell, dont le sens aigu du théâtre ne trahit aucun temps mort, répond une distribution en tout point exemplaire. Dans le rôle du Roi, Stéphane Degout montre une maîtrise stupéfiante de son art – diction admirable, intelligence rare du texte et une présence scénique qui dans son hiératisme presque immuable révèle une palette des affects d’une grande variété. Georgia Jarman est une reine exemplaire qui impressionne par une projection toujours juste et un ambitus vocal d’une étonnante plasticité ; la hargne côtoie l’infinie tendresse, comme dans le 4e tableau où elle exprime son affection pour l’infortuné souverain. Le Mortimer de Peter Hoare a l’acuité idoine d’un rôle dramatiquement puissant, mais d’une sobriété contenue qui en accentue l’efficacité. Avec sa voix grave et ductile, Gyula Orendt campe un Gaveston d’une transparente noirceur et allie une séduction vocale et une suavité alliciante qui sied parfaitement au personnage symbolique de l’Étranger (magnifique duo avec le Roi au 6e tableau). Personnages en apparence seulement secondaires, le Jeune Garçon, puis le jeune Roi, sont superbement incarnés par le ténor Samuel Boden, dont la voix, toujours à l’aise dans les aigus cristallins, et excellemment projetée, est un objet de délectation permanent. Les autres rôles, chantés ou muets, sont tous remarquables et rendent très bien justice à cette partition de bout en bout fascinante.
Dans la fosse, Alexandre Bloch dirige les forces de l’Opéra de Lyon avec une grande précision, révélant les moindres inflexions et subtilités de ce drame lyrique qu’il est bien convenu de qualifier d’absolu chef-d’œuvre.

 

 

 

 

 

 

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Compte-rendu. Lyon, Opéra de Lyon, Benjamin, Lessons in Love and Violence, 14 mai 2019. Stéphane Degout (Le Roi), Georgia Jarman (Isabelle), Gyula Orendt (Gaveston, L’Étranger), Peter Hoare (Mortimer), Samuel Boden (Le Garçon, Le jeune Roi), Hannah Sawle (Témoin 1, Chanteuse 1, Femme 1), Katherine Aitken (Témoin 2, Chanteuse 2, Femme 2), Andri Björn Róbertsson (Témoin 3, Fou), Ocean Barrington-Cook (La Fille), Katie Mitchell (Mise en scène), Vicki Mortimer (Décors et costumes), James Farncombe (Lumières), Joseph Alford (Chorégraphie), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Alexandre Bloch (direction). Illustrations © Opéra de Lyon 2019

 

 

 

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