samedi 20 avril 2024

COMPTE-RENDU, critique, opéra. BORDEAUX, le 14 déc 2019. Récital de Mariella Devia, soprano. Giulio Zappa, piano.

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devereux-devia-roberto-devereux-donizetti-dvd-bel-air-classiques-critique-review-dvd-critique-classiquenewsCOMPTE-RENDU, critique, opéra. BORDEAUX, le 14 déc 2019. Récital de Mariella Devia, soprano. Giulio Zappa, piano. Que dire qui n’ait pas déjà été écrit sur l’immense soprano belcantiste Mariella Devia et son incomparable art du chant? Tout d’abord, grand merci à l’Opéra de Bordeaux qui permet à la cantatrice transalpine de faire ses adieux au public français et aux spectateurs de l’Hexagone d’applaudir une dernière fois celle qui restera comme l’une des plus grandes artistes des cinquante dernières années. Une fois encore, la chanteuse démontre que le temps semble n’avoir aucune prise sur sa voix et donne à entendre une véritable leçon de chant. Par notre envoyé spécial Narciso Fiordaliso.

 

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Récital de Mariella Devia…
Adieux bordelais, Ô temps, suspend ton vol

 

En effet, malgré ses 71 ans, l’instrument stupéfie par sa jeunesse et sa fraicheur, le vibrato apparaissant parfaitement sous contrôle et le soutien d’une solidité à toute épreuve. Conséquence d’une telle maîtrise, l’interprète peut moduler sa voix à volonté, osant toutes les nuances et déployant un aigu d’une précision fascinante, dardé avec une facilité déconcertante. Le timbre, d’une pureté admirable, s’irise en outre de mille couleurs au gré de l’imagination de la musicienne et on se surprend à goûter certains textes comme si on les entendait pour la première fois, tant le souffle ainsi transformé en résonance pure permet de sculpter chaque mot.
Un mot sur le programme, particulièrement ambitieux, alignant quatre grandes scènes, dont trois comportant jusqu’à la cabalette, au milieu de mélodies qui n’ont en réalité rien de facile et sont pour certaines de véritables arias miniatures. Parmi les pièces de chambre, on admire particulièrement la Zingara de Donizetti, qui permet à la diva de montrer, outre sa virtuosité, une malice et un humour qu’elle n’a que peu l’occasion de mettre en avant.
La cantilène d’Amenaide extraite de Tancredi place d’emblée la barre très haut, transparente de juvénilité vocale et poignante de sincérité, mais c’est avec la terrible scène d’Imogene qui clôt le Pirata bellinien que la chanteuse déchaine les ovations du public, tant l’aplomb et le panache de l’interprète laissent pantois, jusque dans les notes les plus graves, crânement assumées, et des variations de plus en plus électrisantes au fur et à mesure que la fin se rapproche, que couronnent deux contre-uts retentissants et triomphants.

L’entracte passé, la scène d’entrée de Maria Stuarda prouve une fois de plus combien cette écriture tombe idéalement dans la voix de la Devia, legato de haute école, nuances infinies et virtuosité toujours impressionnante. Et c’est avec Amalia d’I Masnadieri de Verdi que le programme se referme, conclu là aussi par une cabalette étourdissante, aigus piqués en poupe, décochés avec une aisance et une fraicheur déconcertantes, jusqu’à un ultime aigu qui achève de terrasser la salle… et nous avec.

Le public exulte et explose en bravi qui paraissent ne jamais devoir s’arrêter, à tel point que la reine de la soirée parait presque gênée par tant d’effusions à son égard, sa modestie effarouchée semblant la pousser au plus vite vers les coulisses.
La Devia concède néanmoins deux bis. Tout d’abord, un touchant « Casta diva » extrait de Norma, durant lequel la diva laisse malgré elle transparaître son humanité derrière l’immuable perfection, avec une phrase initiale où, pour la première fois, le souffle parait lui manquer sur la dernière note. A l’échelle de tout un concert, sinon de toute une carrière, voilà qui n’est que peccadille , mais la Devia fait partie des dernières vestales dont la vie entière a été guidée par la recherche de la perfection, érigeant son métier en une rigueur presque austère, où seul fait foi l’art du chant. Aussi, il est émouvant d’entre-apercevoir enfin la fragilité de la femme au-delà de l’ascèse de l’artiste, comme une mise à nu.
Enfin, face à l’insistance des spectateurs, la chanteuse achève cette soirée avec un splendide air de Magda tiré de la Rondine puccinienne, lentement déployé jusqu’à un contre-ut resplendissant, emplissant toute la salle, comme un dernier cadeau.
Tout le concert durant, elle peut compter sur le soutien sans faille de son pianiste Giulio Zappa qui, en véritable partenaire, la couve et la porte de son toucher délicat, prouvant en outre à deux reprises ses talents de concertiste en servant superbement Chopin et Schumann.
C’est tout naturellement debout que le public remercie Mariella Devia, rendant ainsi hommage, peut-être pour la dernière fois, à l’une des artistes les plus nobles et intègres de son époque ; une grande dame dont l’art du chant servira toujours de modèle aux générations présentes et à venir.

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Bordeaux. Grand-Théâtre, 14 décembre 2019. Gioachino Rossini : Soirées musicales , La Promessa, L’Invito ; Tancredi , « Di mia vita infelice… No che il morir non è ». Frederic Chopin : Mazurka op. 67 n°3 et 4 . Vincenzo Bellini : Malinconia, ninfa gentile ; Per pietà, bell’idol mio ; Il Pirata , « Oh, s’io potessi… Col sorriso d’innocenza… Oh, sole ! ti vela ». Gaetano Donizetti : Eterno amore e fe’ ; La Zingara ; Maria Stuarda , « Oh nube ! che lieve… Nella pace del mesto riposo ». Robert Schumann : Arabeske op. 18 . Giuseppe Verdi : Perduta ho la pace ; Stornello ; Deh pietoso, oh Addolorata ; I Masnadieri , « Dall’infame banchetto… Tu del mio Carlo al seno… Carlo vive ? O caro accento ». Mariella Devia, soprano. Giulio Zappa, piano

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