jeudi 28 mars 2024

COMPTE-RENDU, critique, concert. PARIS, le 18 nov 2019. Adélaïde FERRIÈRE, marimba, Matthieu COGNET, piano.

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COMPTE-RENDU CRITIQUE CONCERT Adélaïde FERRIÈRE, marimba, Matthieu COGNET, piano, Bastille Design Center, Paris, 18 novembre 2019. Le marimba, instrument à percussion, possède un répertoire restreint, du fait de son histoire récente. Son registre étendu, ses timbres, ses capacités polyphoniques et harmoniques inspirent depuis un petit siècle les compositeurs, mais aussi sont propices aux arrangements et transcriptions de tous les répertoires ou presque. C’est ce qu’Adélaïde Ferrière et Matthieu Cognet nous ont démontré brillamment le 18 novembre dernier dans ce nouveau lieu épatant pour la musique: le Bastille Design Center situé boulevard Richard Lenoir, dans une ancienne quincaillerie superbement réhabilitée.

 

 

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Tout d’abord ce lieu: un bâtiment industriel du XIXème siècle restauré dans son jus, qui accueille aujourd’hui l’art (expositions) et la musique. Son volume vaste, haut sous plafond (fine charpente métallique apparente), est quadrangulaire, une mezzanine en bois ceinturant l’intérieur, supportée par de fines colonnes de fonte noire. Débarrassé de ses agencements remplis de boulons, écrous, vis, rondelles et j’en passe, on se plait à imaginer l’effervescence commerciale passée de cet endroit évocateur, dont le dépouillement avantage avec bonheur, ce soir-là, celle musicale. Une scène installée sur le côté, le piano Bösendorfer bien connu du public des Pianissimes, le marimba à côté, des chaises disposées, d’autres rajoutées tant il y a du monde! le concert commence: quelle bonne surprise! Les instruments sonnent admirablement: acoustique riche, sans être trop réverbérée ni mate, projection incroyable, sans doute le sol d’époque fait de pavés de bois contribue à cette qualité.

Adélaïde Ferrière nous a été révélée en 2017 par les Victoires de la Musique Classique (Révélation Soliste Instrumental), première percussionniste à recevoir cette distinction. Matthieu Cognet s’est formé à Paris et aux États-Unis où il réside actuellement et mène une carrière internationale. Les voici réunis, arrivant tout juste d’un concert aux USA. C’est un programme plein de peps qu’ils nous donnent. Hormis la pièce de Pius Cheung, Étude in E minor pour marimba solo, et les quatre pièces pour piano opus 4 de Prokofiev, les deux musiciens nous font redécouvrir de grands tubes du répertoire classique dans les couleurs très particulières et chaleureuses de l’association piano-marimba. Ils commencent en douceur et en lumière avec le concerto en do majeur de Vivaldi: Adélaïde Ferrière nous séduit d’emblée avec des phrasés et des nuances délicates. Avec l’étude de Cheung elle nous convainc que son instrument dépasse sa fonction percussive, et peut tout à fait rivaliser avec le piano, lui aussi instrument à percussion, dans l’expression mélodique et la virtuosité des traits. Camille Saint-Saëns avait transcrit lui-même sa fameuse Danse macabre pour deux pianos; c’est cette version que nous entendons ensuite, le second piano remplacé note pour note par le marimba. Quoi de plus approprié que le son de ses lames de bois pour faire danser les squelettes? Les deux musiciens font virevolter, avec une précision d’exécution redoutable, son contrepoint rondement mené dans un tourbillon déluré et surexcité jusqu’au fatidique chant du coq au piano: quelle fête! Mais ce n’est qu’un début: ce qui suit va crescendo avec la Fantaisie sur Carmen opus 25 de Pablo de Sarasate, écrite à l’origine pour violon et orchestre. Du pain béni pour Adélaïde Ferrière qui en a réalisé la transcription: quelle expressivité dans son jeu, quelle finesse dans celle-ci et quel charme! Toutes les plus infimes inflexions y sont! Tous les registres de son instrument sont mis à contribution, avec une virtuosité sidérante dans la combinaison des extrêmes, ou dans le passage de l’un à l’autre. L’énergie décuple dans la Rhapsody in Blue de George Gershwin où les deux instruments exultent de concert dans le rythme et l’explosion sonore et harmonique. La jubilation ne serait pas à son comble sans la musique sud-américaine, et c’est avec le mexicain Arturo Márquez et l’argentin Astor Piazzolla que le concert va atteindre son apogée. Le duo nous fait lâcher prise avec les rythmes tantôt langoureux, tantôt brûlants de Danzon n°2 de Márquez, et son festival de couleurs vives et radieuses, et le célèbre Libertango de Piazzolla ardent et passionné arrangé cette fois par Thibault Lepri, qui n’épargne pas la percussionniste, multipliant les difficultés en ornant et variant à loisir la mélodie en boucle, qu’elle déroule avec brio et justesse rythmique. Les deux musiciens s’entendent à merveille pour soutenir cette belle énergie musicale, et méritent ce succès sans réserve porté par l’enthousiasme d’un public conquis. Ils redonnent d’ailleurs ce Libertango en second bis, après le finale du concerto pour marimba du compositeur et percussionniste Emmanuel Séjourné (né en 1961) composition originale assez récente (2005), une des pièces maîtresses du répertoire de l’instrument, captivante par ses rythmes et sa facture. Il ne fallait pas moins que ce concert audacieux, revigorant et joyeux et ses talentueux interprètes pour inaugurer ce Bastille Design Center, où l’on espère revenir très vite pour d’autres réjouissances musicales.

 

 

 

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En attendant le disque d’Adélaïde Ferrière à paraître en 2020 (chez Evidence Classics), son tout premier enregistrement, on peut s’attarder volontiers sur le dernier CD de Matthieu Cognet (paru cette année chez Odradek), consacré à Schumann, Prokofiev, Haydn et Bartók. Deux artistes à suivre. Photo (DR)

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