vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu critique. Concert. LYON, Opéra. Nina Hagen chante Bertold Brecht. Le 27 mai 2018.

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

Compte-rendu critique. Concert. LYON, Opéra. Nina Hagen chante Bertold Brecht. Le 27 mai 2018. Icône punk des années Quatre-vingt, Nina Hagen revient à ses premières amours et chante Brecht pour la première fois en France. Un spectacle intense, émouvant, d’une artiste toujours aussi charismatique à plus de soixante ans, mélange fascinant d’une curiosité enfantine et d’une hargne contenue.

LA REINE DU PUNK INVESTIT L’OPERA

La salle se remplit peu à peu, alors que Nina Hagen est déjà installée sur scène, guitare sèche à la main, assise près d’un canapé style berlinois des années Trente, sur lequel trône un immense portrait de Brecht. On retrouve l’atmosphère feutrée, à la fois intime et extime qui nous avait galvanisé un soir de novembre 2015 au Bataclan, à quelques jours du drame. L’immensité de la salle lyonnaise ne la trouble pas outre mesure. Nina se sent chez elle, clame son amour pour la France qui la lui rend bien. Car c’est à une première que le public a assistée. La reine du Punk chante Brecht pour la première fois sur une scène de l’Hexagone ; belle-fille de Wolf Biermann, poète contestataire, qui fut l’assistant de Hanns Eisler, l’un des compositeurs du célèbre dramaturge, sa rencontre avec Bertold était inévitable.

Bien sûr, l’Opéra de Quat’sous, et ses inoubliables mélopées, Kanonensong, Die Moritat von Mackie Messer (La complainte de Mackie le surineur) ou encore Morgenchoral des Peachum (Chorale matinale de Peachum) ; la célèbre Alabamasong tirée de Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny. Mais celle qui se définit comme une « Brechtschülerin » (une « élève de Brecht ») chante aussi ses poèmes, magnifiques, comme le Solidaritätslied, qu’elle interprète en partie en français, An meine Landsleute (À mes compatriotes) ou La prière des enfants, en rappelant au public que son fils est né en terre de France. Mais si Brecht est associé à Kurt Weil, comme Richard Strauss à Hofmannstahl, on oublie trop souvent qu’il fut aussi mis en musique par Hanns Eisler, compositeur sans doute plus génial (il faut se réécouter son superbe opéra prolétaire Die Maßnahme), et Nina d’entonner la très belle ballade Ostern ist ball sur Seine, extraite des Jours de la Commune.

A cet hommage magistral à Brecht, qui plongea le public dans une ferveur contenue, Nina ajouta un clin d’œil à Bob Dylan (The Times They are a Changin’), à Larry Norman (Peace pollution revolution), et à bien d’autres encore, et quand elle évoque l’invasion grandissante du règne de l’argent, elle feint d’avaler son micro. Si les bis furent nombreux (Das Lied von 8. Elefanten), restera, entre autres, solidement ancrée dans les mémoires, une roborative interprétation de Piaf (Non je ne regrette rien) de cette petite fille toujours espiègle de soixante-trois ans.

 

 

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Compte-rendu. Lyon, Concert, Nina chante Bertold Brecht, 27 mai 2018. Fred Sauer (piano), Warner Poland (guitare), Mickael O’Ryan (basse), Marcellus Puhlemann (batterie)

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