vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, concert. Paris, Philharmonie, le 07 février 2017. Haydn, Beethoven. Yannick Nézet-Séguin / Chamber Orchestra of Europe

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Floriane Goubault
Floriane Goubault
dans l'équipe depuis le 22 octobre 2016 : premier CR publié à cette date, Philharmonie de Paris

Compte rendu concert. Paris, Philharmonie, le 07 février 2017. Haydn, Beethoven. Yannick Nézet-Séguin (direction), Chamber Orchestra of Europe. On se souvient avec émotion de l’intégrale des symphonies de Mendelssohn donné par Yannick Nézet-Séguin et le Chamber Orchestra of Europe, il y a déjà un an à la Philharmonie de Paris. C’est donc avec plaisir qu’on retrouve la même équipe dans un programme centré autour de deux figures majeures de la première école de Vienne : Haydn et Beethoven, le maître et l’élève.

seguin_yannick_nezet_chef_maetroLe concert débute avec la Symphonie n° 44 dite « Trauer » (« Funèbre ») de Haydn. Sans être la plus connue de l’abondant corpus symphonique du compositeur, cette œuvre n’en est pas moins originale du fait de sa tonalité mineure (seulement un dixième des 100 symphonies de Haydn sont dans ce mode), tout en restant néanmoins très énergique. Elle est caractéristique du Sturm und Drang (littéralement « tempête et passion »), courant stylistique précurseur du romantisme. Facétieux comme à son habitude, Haydn aime ménager quelques surprises à son auditoire. Ici, il multiplie les effets de nuances, passant continuellement de forte au piano sans transition. Soucieux du respect de la partition, Yannick Nézet-Séguin se donne corps et âme pour faire ressortir ces contrastes. Quelle énergie ! Quelle fougue ! Le chef québécois se déchaîne sur son estrade, comme s’il jouait à lui seul tous les instruments de l’orchestre. On le voit diriger et arbitrer les dialogues entre les pupitres, tel un cuisinier dosant savamment les épices de son plat. Et la mayonnaise prend ! On est emballé tout le long de la symphonie par sa vivacité et son implication.
Après un premier mouvement plein de passion, le Menuet et l’Adagio poursuivent le jeu des contrastes de dynamiques. Au son feutré des violons en sourdine, le mouvement lent, en mode majeur, fait entendre des soufflets de nuance très expressifs. Enfin, le style tourmenté du Sturm und Drang refait son apparition dans le Presto final, pour clore cette symphonie pleine de vie, à l’encontre de son titre (qui n’est sans doute pas de la main du compositeur…).

Le concert se poursuit, toujours avec Haydn, avec son Concerto pour violoncelle n°1, sans conteste l’une des œuvres phares du répertoire pour violoncelle. Pour l’interpréter, Jean-Guihen Queyras, ancien soliste de l’Ensemble intercontemporain. On quitte ici le Sturm und Drung pour un style plus galant, avec un premier mouvement élégant et simple. Alors que le deuxième mouvement, -un Adagio mélancolique, est déjà bien entamé, le chef interrompt l’orchestre, troublé par une agitation inhabituelle dans les gradins situés derrière la scène. Il apparaît qu’une des spectatrices, dame d’un certain âge, ait fait un malaise, nécessitant l’intervention du personnel médical. Après s’être enquis de la situation, Nézet-Séguin rassure ses musiciens, et tous attendent respectueusement le retour au calme. Plus de peur que de mal : la spectatrice retrouve ses esprits et quitte la salle, soutenue par deux pompiers.
Le concert peut reprendre (the show must go on comme on dit !). Encouragés par le public, les musiciens reprennent vaillamment le mouvement où ils l’avaient laissé, et enchaînent sans plus de cérémonie avec le troisième, un Allegro molto vif et joyeux. À voir comme les musiciens s’amusent dans ce mouvement, on oublie vite le curieux incident qui s’est déroulé quelques minutes plus tôt. Jean-Guihen Queyras met toute son énergie dans ce final plein d’entrain. Ses doigts courent sur le manche de son violoncelle avec une agilité stupéfiante ; on entend claquer ses cordes sous ses vigoureux coups d’archet. À la fin du morceau, chef et soliste tombent dans les bras l’un de l’autre. Le public, conscient de la difficulté de reprendre ainsi au milieu d’une œuvre, applaudit sans retenue le professionnalisme des musiciens. Avant de quitter définitivement la scène, Jean-Guihen Queyras nous gratifie d’un bis : Bach bien sûr, avec un extrait de l’une de ses Suites pour violoncelle seul.

beethoven 1803 apres Symphonie 1 creation symphonies romantiques classiquenews review compte rendu cd critique 800px-Beethoven_3L’entracte permet à chacun de commenter à loisir l’épisode passé, avant de reprendre le concert au son de la Symphonie n°6 « Pastorale » de Beethoven. Le premier mouvement débute, un peu juste au niveau du tempo, Allegro certes mais trop ma non troppo. Aussi, le mouvement peine à avancer. L’orchestre perd progressivement l’énergie du début tandis que la musique gagne en lourdeur. Le chef profite de la réexposition du thème pour relancer le mouvement, mais pas tout à fait assez pour obtenir la légèreté requise. Heureusement, l’Andante qui suit s’avère beaucoup plus convaincant. L’orchestre retrouve une dynamique idéale pour nous peindre une délicate et poétique Scène au bord du ruisseau. La coda, dans laquelle se répondent rossignol, caille et coucou, est servie par d’excellents solistes chez les bois, en particulier un clarinettiste envoûtant, qui sait merveilleusement propulser le son de son instrument à travers toute la salle. Suit un troisième mouvement au trio plus qu’énergique (à croire que le chef cherche à rattraper la lenteur du premier mouvement !),  brusquement interrompu par un orage idéalement … tempétueux. Mais le soleil refait vite son apparition dans l’Allegretto final, lumineux. On croyait tout connaître de cette symphonie, pourtant Nézet-Séguin réussit à nous surprendre en mettant en avant certaines interventions ou orchestrations originales, trop souvent occultées par le lyrisme des thèmes.
Avant de nous quitter, le chef nous adresse quelques mots, colorés par l’accent chantant du Québec. C’est un message de paix qu’il souhaite nous transmettre, manifestement ému par l’ovation chaleureuse du public, et peut-être aussi un peu par la beauté céleste de cette Pastorale.

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Compte rendu concert. Paris, Philharmonie-grande salle Pierre Boulez, le 07 février 2017. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 44 « Trauer » Hob. I:44, Concerto pour violoncelle n° 1 en ut majeur Hob. VIIb :1. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n° 6 en fa majeur op. 68 « Pastorale ». Yannick Nézet-Séguin (direction), Chamber Orchestra of Europe.

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