mardi 19 mars 2024

Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France, le 23 juillet 2017. LISZT. Andrei Korobeinikov, piano.

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liszt Franz_Liszt-672x250Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, salle Pasteur, le 23 juillet 2017, 17h 30. Andrei Korobeinikov, piano. Récital Liszt. Pur produit de la jeune école russe, Andreï Korobeinikov, dont on connaît la relation privilégiée qu’il entretient avec Scriabine et Chostakovitch, nous offre un récital Liszt qui bouscule les habitudes, les convenances.

Andrei Korobeinikov par Irene Zandel compte rendu critique par classiquenews juillet 2017Le jeune trentenaire ouvre son programme avec une pièce de bravoure : la grande fantaisie de concert sur des  airs espagnols, de 1853 (S. 253). L’œuvre apparaît rarement au concert, toute de virtuosité, conçue pour séduire le public du temps, riche en acrobaties digitales, fondée sur des thèmes authentiquement espagnols. Dix-sept ans après son rondeau fantastique sur El Contrabandista (Garcia), Liszt renoue avec la péninsule ibérique. L’articulation, le toucher et les couleurs séduisent, d’emblée. Le jeu est nerveux, profond comme aérien, et on oublie cette débauche d’effets spectaculaires tant l’intérêt proprement musical se renouvelle. La musique vit et respire, malgré le poids des démonstrations dont elle est l’objet. Le bref passage en fugato  semble rejoindre la sonate en si mineur, qui suivra. Les dernières variations sont proprement orchestrales, impérieuses et contrastées à souhait. Une œuvre secondaire, servie par un très grand pianiste.
De la deuxième année de pèlerinage, les deux derniers sonnets de Pétrarque (n°104 et 123) sont d’une toute autre nature : la poésie à l’état pur, où  la douceur, la rêverie, la méditation le disputent à la puissance. Le tempo est retenu, le jeu souple, fluide, libéré, associé à des phrasés sculptés, où chaque note a son poids, juste et admirable. Ainsi, très loin des démonstrations pyrotechniques de la fantaisie, Andreï Korobeinikov nous donne une splendide leçon de chant, dont la force expressive est admirable.
Exacte contemporaine de la Fantaisie qui ouvrait le récital, l’immense sonate en si mineur, cheval de bataille de tous les athlètes du piano. Si le lento assai initial ne réserve pas de surprise particulière, la rage de l’allegro energico, incandescent, augure bien de la suite. Les progressions sont splendides, formidables et les phrasés empreints d’une rare liberté. Nous sommes grisés, emportés dans ce tourbillon infernal. Les contrastes sont ménagés avec un sens dramatique surprenant, ne laissant aucun répit à l’auditeur qui croit bien connaître l’œuvre. Le ravissement, au sens le plus fort. La fugue est prise dans un tempo très allant, magistrale, d’une lisibilité exemplaire, plus construite, plus dynamique que jamais. Ajoutez à cela l’art des retenues, des suspensions comme des transitions, la variété des couleurs et vous croyez écouter cette sonate pour la première fois. Les dynamiques comme les tempi sont poussés à leurs extrêmes, avec, toujours, un chant souverain. La fin, épuisée comme jamais, nous étreint. Théâtrale ? Peut-être, mais du théâtre le plus convaincant, empreint d’une vie authentique, d’un romantisme profond. Un moment de grâce.
Aux ovations d’un public conquis, le pianiste offrira deux beaux bis, classiques, mais revisités : les transcriptions d’Auf dem Wasser zu singen et d’Erlkönig. Leur approche confirme tous les partis pris de Andreï Korobeinikov : le premier lied s’enfièvre progressivement pour nous faire accéder à la joie (« Freude » et non pas « Lust », pour les germanistes qui en ce domaine ont un langage plus nuancé que le nôtre). Erlkönig est un drame, et la théâtralité des oppositions fortes, de la véhémence impérieuse à la fragilité naïve, tendre, et pathétique, plus accusée que jamais, illustre à merveille ce bijou. Toute la technique – prodigieuse – s’oublie car au service exclusif de la musique. Un interprète majeur et inspiré avec lequel le piano doit maintenant compter.

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Compte rendu, concert. Montpellier, Festival Radio France-Occitanie-Montpellier, salle Pasteur, le 23 juillet 2017, 17h 30. Andrei Korobeinikov, piano. Récital Liszt. Illustration : © Irene Zandel.

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