vendredi 29 mars 2024

Compte-rendu, concert. METZ, Arsenal, le 13 octobre 2017. Fauré, Ravel, Franck. Ph. Cassard, piano. Orch Nat de Lorraine. Jacques Mercier

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Compte-rendu, concert. METZ, Arsenal, le 13 octobre 2017. Fauré, Ravel, Franck. Ph. Cassard, piano. Orch Nat de Lorraine. Jacques Mercier, direction. ESSOR SYMPHONIQUE ET CONCERTANT A METZ… C’est un bain de musique française, romantique et moderne, auquel nous invite le fabuleux programme de cette soirée à l’Arsenal. La salle aux proportions idéales, douée d’un acoustique très correcte pour le symphonique et le concertant, montre combien la Cité messine a d’atours aujourd’hui pour séduire et même captiver le mélomane, néophyte ou curieux, y compris les franciliens et les parisiens, … puisqu’en train, – s’il n’y a pas de retard à la SNCF, un PARIS-METZ dure moins d’1h30. Ce soir, l’Orchestre national de Lorraine, en résidence in loco, retrouve son chef, Jacques Mercier et le pianiste Philippe Cassard, après avoir enregistré un disque entièrement dédié à Gabriel Fauré (et qui sort le jour même chez La Dolce Volta : grande critique à venir sur classiquenews dans notre mag cd dvd livres).

 

 

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FAURE EN BALLADE… Prolongement ou clin d’oeil à cette actualité discographique sur laquelle classiquenews reviendra cette semaine dans une longue critique dédiée, se distingue la première oeuvre du programme : une rareté composée par le jeune Gabriel Fauré : la Ballade en fa dièse majeur opus 19 (1881) qui en un développement libre, – proche d’une Romance intimiste et d’une fantaisie personnelle, touche par son ton de confession et de tendresse partagée.

Mais davantage qu’un intimisme assumé, c’est la sensualité et la vapeur d’un temps suspendu, comme secret mais immédiatement épanoui, que l’auteur cultive et sait faire durer ; sous les doigts riches en souplesse et teintes suggestives de Philippe Cassard, le tissu sonore et le caractère élégiaque de la pièce se déroulent avec une fluidité engageante. En moins de 13 mn, la pensée du jeune Fauré sait installer et approfondir un climat d’enchantement voluptueux et tranquille, d’une indéniable magie poétique.

 

 

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CONCERTO AMERICAIN DE RAVEL… Du Concerto en sol de Ravel joué par cœur, Philippe Cassard en verve et en affinité, joue la carte de la motricité nerveuse, finement contrasté, sans manquer l’infinie mélancolie en particulier dans le mouvement lent dont il sait exprimer la tension et la fragile inquiétude que le chant de la flûte et du cor anglais enveloppent enfin d’une douceur réconfortante. Toucher précis et voluptueux (là encore), facétieux aussi dans les trépidations rythmiques ciselées pas un Ravel « américanisé » (qui revient alors d’une tournée aux States outre-Atlantiques), le pianiste séduit irrésistiblement par son éloquence à la fois mesurée et intense.
Volubile, versatile, génie des couleurs et des atmosphères, Ravel surgit en magicien et alchimiste des changements incessants, dans ce feu et cette « sorcellerie », totalement imprévisible, qui s’expriment librement sous les doigts du formidable conteur Cassard, à travers la direction efficace, économe de Jacques Mercier.

Stradella de César Franck à l'Opéra royal de Wallonie, 19-29 septembre 2012La soirée de musique française s’achève en apothéose avec la Ré mineur de Franck, chef d’œuvre du symphonisme romantique français créé en 1889, c’est à dire en plein wagnérisme. Pourtant rien de germanique dans ce souffle et cette construction qui utilisent avec intelligence le principe cyclique, cher au compositeur né liégeois (Belgique) mais français de coeur, grâce à la réitération des mêmes motifs présents dans chaque mouvement et qui en assure la cohésion interne, comme la clé fédératrice. D’ailleurs en un jeu savant, l’auteur rend possible la combinaison fusionnée des mouvements (ainsi constituant le mouvement central, l’andante et le scherzo qui suit, d’un nombre de mesures, identique, peuvent être superposés et joués simultanément).

L’Orchestre national de Lorraine s’attaque à un massif riche en atmosphères et en contrepoint très savamment élaboré , la clé étant donnée en fin de parcours dans le troisième mouvement où le sublime chant de la harpe réalise l’incandescence spirituelle et libératrice, en de graves et sombres accords arpégés.
Si Ravel regrette des poncifs « surannés à la Brahms », Debussy relève les procédés poétique du génie franckiste dont nous parlons. La puissance convole avec d’indéniables trouvailles d’orchestration, où s’épanouissent au fil de la partition des alliages de timbres, dignes d’un opéra maudit et lugubre, à mettre évidement en relation avec son triptyque précédent (ou poème-symphonie), également créé à Paris, mais avant en 1873, « Rédemption », où là encore, c’est toute la fine mécanique orchestrale qui est sollicitée pour que surgissent après l’imprécision angoissante et maudite, le miracle d’une révélation finale et l’élévation salvatrice tant espérée. En somme une construction à la Liszt (l’inventeur du poème symphonique) que Franck admirait et dont il reprend le principe dramaturgique : au sombre et au lugubre préalablement développé, succède la lumière éblouissante.

 

 

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Remarquable soirée orchestrale et concertante à METZ

Piano et orchestre scintillants…
Vers la clarté

 

Ainsi, sous la direction (sans baguette) de Jacques Mercier, s’épaissit sans lourdeur, dès le début du cycle, le poison en son mystère (inquiétude des frémissants violoncelles qui citent Les Préludes de Liszt). Puis c’est toute la colonne des bois (clarinettes et bassons) qui semble comme éclairer de l’intérieur, ce grouillement des enfers, prélude au déferlement qui suit (démonisme des basson et des cors). Couleurs de l’angoisse, Gravitas forcenée mais harmoniquement variée et instrumentalement ciselée… le travail du chef s’inscrit d’emblée dans l’intensité sonore, et profitant de l’amplification naturelle de la salle de l’Arsenal, joue sur des tutti fracassants, qui affirment immédiatement le souffle incroyable de l’unique Symphonie de Franck.

Dans le mouvement central qui est à la fois Andante et Scherzo, on relève le climat hypnotique et lui aussi d’un lugubre berliozien, de la marche funèbre où rit bonnement entre mélancolie et inquiétude, le chant du cor anglais sur les pizzicatis de la harpe et des cordes. Jacques Mercier trouve un ton juste entre majesté et mystère, secret et plénitude d’un rituel oublié. L’équilibre des pupitres, la lisibilité de chaque phrase instrumentale, passant d’un timbre à l’autre, offre ce bain symphonique que l’on attendait dans une partition jamais usée. Dans le Scherzo enchaîné, on admire en particulier la suavité heureuse de la clarinette (si subtilement alliée au cor et à la flûte : tout le génie de Franck est là, dans ces détails et précisions d’orchestration, porteurs de magie sonore).
Aussi détaillé qu’expressif, Jacques Mercier révèle dans le Finale, – autre tour de force sur le plan de l’écriture-, ce jeu formel d’un équilibre structurel étonnant (qui aura échapper à Ravel), où tous les thèmes sont réitérés mais sous une forme renouvelée, géniale possibilité de la forme cyclique si chère au compositeur. Le souffle héroïque, la somptuosité mesurée de la fanfare de cuivres (qui rappelle et Dvorak et Bruckner), les brumes wagnériennes qui diffusent juste avant l’éclosion du prodigieux effet de la harpe sonore et grave (sommet libératoire du cycle)… tout nous est remarquablement dévoilé ce soir, avec un goût pour la plasticité parfois rugissante d’un orchestre idéalement tenu. Il ne faut ni trop détailler au risque de l’éparpillement, ni trop survoler au risque du schématisme. Mais accompagner et favoriser l’élan graduel et les reprises nombreuses, et les citations renouvelées, jaillissantes dans la riche texture orchestrale… Jacques Mercier choisit une voie médiane qui réussit l’intensité expressive, le geste toujours sobre de l’homme de synthèse qui a le sens de l’architecture et maîtrise l’analyse des somptueux cocktails de timbres précédemment évoqués. Comme la Ballade de Fauré initialement restituée, la Symphonie de Franck réalise son envol, de l’ombre « vers la clarté », selon le titre du programme de ce soir. Le chef poursuit ainsi dans l’opulence et l’éclat, sa dernière saison comme directeur musical de la phalange lorraine. Superbe soirée symphonique à l’Arsenal.

 

 

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Compte-rendu, concert. METZ, Arsenal, le 13 octobre 2017. Fauré : Ballade opus 19. Ravel : Concerto en sol majeur / Philippe Cassard, piano. FRANCK : Symphonie en ré mineur (1888). Avec l’Orchestre national de Lorraine sous la direction de Jacques Mercier.

LIRE aussi notre présentation du concert de Philippe Cassard avec l’Orchestre national de Lorraine et Jacques Mercier : http://www.classiquenews.com/metz-philippe-cassard-joue-faure-et-ravel/

 
Crédit photographique: © Cyrille GUIR / Arsenal, Cité musicale, Metz 2017

 

 

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