vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, concert. La CHAISE-DIEU, les 23 et 24 août 2018. La Création, Via Crucis

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

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Compte-rendu, concert. La Chaise-Dieu & Ambert, les 23 & 24 août 2018. La Création de Haydn / Chœur Accentus / Insula Orchestra / Laurence Equilbey. Via Crucis de Liszt / Jean-Michel Pennetier / Vox Clamantis./ Jaan-Eik Tulve. Fondé en 1966 par Georges Cziffra, le Festival de La Chaise-Dieu présente cette année sa 52ème édition : trente-deux concerts traduisent l’ampleur prise depuis le milieu des années 1970, sous l’impulsion de Guy Ramona puis de Jean-Michel Mathé, par cette manifestation auvergnate qui laisse comme toujours une grande place à la musique sacrée (comme c’est le cas ce soir avec « La Création » de Josef Haydn donnée dans l’Abbatiale Saint-Robert), mais aussi le souci de mettre en avant des partitions oubliées, à l’instar du rarissime « Via Crucis » de Franz Liszt que nous avons pu entendre le lendemain, cette fois dans la magnifique église (gothique) d’Ambert, à une trentaine de kilomètres au nord de La Chaise-Dieu.

 

HAYDN : La Création. Sur un livret anglais tiré du Paradis perdu de John Milton, adapté en allemand par le baron van Swieten, l’oratorio « Die Schopfung », créé en avril 1798, raconte la création successive, sous l’impulsion de la main divine, des éléments, des animaux puis de l’homme. D’emblée, la représentation du Chaos dans un tutti éclatant étonne et donne véritablement le ton. A la tête de son chœur Accentus et de son orchestre Insula, Laurence Equilbey imprime à sa phalange une respiration ample et profonde, avant de lui imposer un tempo très lent, empli de mystère. L’entrée de Raphaël, quasi murmurée, poursuit de manière très émouvante ce climat intimiste. Par la suite, l’orchestre soulève de bout en bout l’enthousiasme, au travers notamment d’effets finement ménagés et de climats parfaitement contrastés. Le chœur possède la même teneur : on ne se lasse pas de savourer sa justesse, l’attention portée aux nuances, son art du phrasé, ses éclats autant que ses superbes pianissimi. Equilbey s’est par ailleurs entouré d’un trio de solistes parfaitement en situation. Gorgée de lumière et de douceur, la voix de la jeune soprano française Chiara Skerath enchante, notamment grâce au soin particulier qu’elle apporte à sa ligne de chant (splendide « Auf starkem Fittiche schwingen sich » !). Superbes musiciens, le baryton autrichien Rafael Fingerlos impressionne par son aplomb et sa puissance expressive (ardent « Rollend in schaümenden » !), tandis que son compatriote Martin Mitterrrutzner, au ténor clair mais bien projeté, complète magistralement l‘affiche (remarquable « Mit leisem Gang und sanftem Schimmert » !). Un triomphe mérité leur est adressé au moment des saluts.

 

LISZT nadar 1886 Franz_Liszt_by_Nadar,_March_1886VIA CRUCIS de LISZT. Le lendemain, c’est à un concert bien plus ascétique, voire aride (sans connotation péjorative), que l’on est convié, avec le Via Crucis de Liszt. Ce chef d’œuvre singulier et méconnu de la musique religieuse retrace les quatorze stations du chemin de croix du Christ en mêlant hymnes latins, Chorals en allemand et soli pour orgue, mais ici exécutés au piano, dans lesquels le toucher incisif et nuancé du pianiste français Jean-Claude Pennetier offre une subtilité et une présence auxquelles pourraient difficilement prétendre le son plus uniforme d’un orgue. Mais surtout, l’instrument profane, à force de brio magnifié, devient ici le personnage principal de cette méditation sur la Passion, ce qui n’enlève rien à l’excellence du chœur Vox Clamantis : ce dernier parvient sans peine à rendre la force de cette musique, notamment l’extase retenue et poignante de la rencontre avec Marie, ou encore la mise au tombeau, où le temps semble aboli, jusqu’à une vision finale particulièrement sereine. Dans d’autres passages, comme le terrible portement de croix ou l’extraordinaire dernière parole du Christ, il n’en fait pas moins preuve de toute l’intensité que ces passages requièrent. Malgré l’ascétisme de l’œuvre, le public ne répond pas moins présent que celui de la veille, et réserve aux artistes les plus chaleureux applaudissements…

 

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Compte-rendu, concert. La Chaise-Dieu & Ambert, les 23 & 24 août 2018. La Création de Haydn / Chœur Accentus / Insula Orchestra / Laurence Equilbey. Via Crucis de Liszt / Jean-Michel Pennetier / Vox Clamantis./ Jaan-Eik Tulve.

 

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