vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu, concert. Dijon, Opéra, Auditorium, le 23 mai 2017. Mozart, Liszt, Bartók. Bertrand Chamayou / Orchestre de Chambre de Bâle

A lire aussi

Compte-rendu, concert. Dijon, Opéra, Auditorium, le 23 mai 2017. Mozart, Liszt, Bartók. Bertrand Chamayou / Orchestre de Chambre de Bâle. Entre deux divertimenti (Mozart puis Bartók) le Liszt magistral du pianiste Bertrand Chamayou s’impose, à travers les Jeux d’eau à la Villa d’Este, la lugubre gondole et Malédiction, où l’orchestre et lui ne font qu’un. Indéniablement le sommet, alors que le Divertimento de Bartók, d’une perfection formelle indéniable, laisse un peu sur la faim.

Bertrand Chamayou au sommet

On se souvient d’un concert de 2011, donné ici même, avec notamment les Wesendock Lieder de Wagner (orchestrés par Hans Werner Henze) chantés par Andrea Kirschlager. L’Orchestre de Chambre de Bâle nous revient avec un programme austro-hongrois qui nous conduit de Mozart à Bartok, en faisant la part belle à Liszt, où Bertrand Chamayou peut déployer son immense talent.

Ce soir, l’orchestre est dirigé par le premier violon, Anders Kjellberg Nilsson, mais aussi, par Julia Schröder, premier second violon. L’échange des regards, les connivences entre musiciens relèvent de la même pratique que celle des Dissonances de David Grimal, avec une efficacité comparable. Signalons qu’une estrade permet aux basses un confort visuel indéniable, mais surtout une étonnante amplification sonore.

Le Divertimento en ré majeur, K 136, de Mozart est très dynamique, souple, léger, avec des pupitres qui chantent (violons I et II durant le passage où ils sont accompagnés en pizzicati), l’ articulation remarquable. Le style galant du mouvement central est bien illustré, tout comme le finale, particulièrement enlevé et contrasté à souhait : les traits sont fluides et le jeu de dialogues et d’imitations entre pupitres, réussi.

chamayou_erato_cd_schubert-chamayou-3La salle est plongée dans l’obscurité pour l’intervention de Bertrand Chamayou, qui enchaîne les trois œuvres de Liszt au programme.  Les redoutables  Jeux d’eau à la villa d’Este sont exemplaires. On oublie la prodigieuse technique requise tant la limpidité, la fluidité sont évidentes. C’est construit avec des plans très différenciés. La conduite des progressions nous laisse pantelants. Enchainée aussitôt, la lugubre gondole n°2, S 200, prémonitoire de la disparition de Wagner.  Dramatique sans théâtralité, impressionnante d’une éloquence, d’une émotion singulières, c’est là l’un des sommets du grand romantisme, servi avec une sincérité évidente.

Dès ses 19 ans, alors qu’il écrit ces Malédictions, tout Liszt est déjà là : l’esprit des poèmes symphoniques servi par un piano méphistophélique et un orchestre rutilant. Si l’oeuvre paraît moins brillante que les deux concertos, elle est certainement plus riche et tout aussi aboutie. Ainsi même si le piano et l’orchestre ne font qu’un, dans une rythmique souvent complexe et heurtée, le climat oscille toujours entre la musique de chambre et le grand souffle symphonique.
L’ orchestre  est réactif, d’une précision parfaite dans son jeu de ponctuations irrégulières. Les couleurs sont splendides, on croit entendre ici des cors, là des bassons. Quant à Bertrand Chamayou, il est hallucinant d’autorité, en un toucher qui peut être aérien comme puissamment martelé, des déferlantes impressionnantes. Ses couleurs changeantes, ses phrasés superbes confirment qu’il a encore gagné en maturité depuis ses enregistrements qui l’ont confirmé comme l’un des meilleurs interprètes de ce répertoire.

Le public, conquis, enthousiaste, est récompensé par deux généreux bis : la transcription de « Auf dem Wasser zu singen », de Schubert, puis la paraphrase du Trouvère, qui forcent l’admiration.

Paul Sacher fut le dédicataire et le créateur du Divertimento pour cordes, de Bartók. L’Orchestre de Chambre de Bâle, dont il fut le fondateur, en est donc l’héritier direct. On attendait d’autant plus cette interprétation.  Les circonstances d’écriture et de création du Divertimento, à la veille de la Seconde Guerre mondiale,  ont imposé une sorte de pathos dans les exécutions de ces cinquante dernières années. Ici, rien de tel : lecture objectivée, claire, détachée, aseptisée – oserait-on le « trop propre » ? – servie par une perfection technique rare, un respect scrupuleux de la partition, dans ses moindres indications. Les musiciens jouent debout, pleinement engagés. La virtuosité est indéniable, avec la plus large dynamique, mais on attend davantage de poésie, d’hallucination, d’angoisse. La douleur et la plénitude du molto adagio sont certes bien présentes, tout comme la joie saine du finale, mais très loin de la Hongrie et de ses couleurs. La même observation prévaut pour la danse roumaine qui donnée en bis, tonique,  mais dépourvue de la moindre rusticité, reste purement décorative.

——————————

Compte-rendu, concert. Dijon, Opéra, Auditorium, le 23 mai 2017. Mozart, Liszt, Bartók. Bertrand Chamayou / Orchestre de Chambre de Bâle

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

OPÉRA GRAND AVIGNON. VERDI : Luisa Miller, les 17 et 19 mai 2024. Axelle Fanyo, Azer Zada, Evez Abdulla… Frédéric Roels / Franck Chastrusse...

Malentendu, quiproquos, contretemps… Luisa Miller puise sa force dramatique dans son action sombre et amère ; la tragédie aurait...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img