Cecilia Bartoli chante Steffani
Steffani
le sensuel
Tournée au château de Versailles (salon d’Hercule, salle basse,
chapelle royale…), cette série d’airs d’opéras révèle le génie
lyrique du compositeur oublié Agostino Steffani (1654-1728). La diva romaine Cecilia Bartoli
chante Steffani dans le palais baroque des rois de France, en
particulier dans la galerie des glaces ou dans le bosquet de la
colonnade (œuvre maîtresse signée Lenôtre en 1679)… sur le plan
musical, la cantatrice retrouve les musiciens du disque Mission paru en septembre 2012: Diego Fasolis et I Barocchisti;
les enchaînements sont soignés (air de fureur d’Ermolea puis prière
plus tendre d’Alcide (La Cerasta) justement sous les lustres et face aux
miroirs historiques (l’une des rares prises directes réalisées in
situ); la mezzo s’implique pour nous dévoiler la flamme amoureuse d’un
précurseur de Haendel, indiscutablement doué. Avouons notre réserve
quant aux airs martiaux (où la voix redouble d’acrobaties coloratoures
comme une trompette), l’écriture n’y est guère innovante, tout au plus
conforme au premier XVIIIè; mais quand Cecilia évoque la torpeur voire
l’extase amoureuse, ressuscitant Niobe, Anfione (le fameux air des
Sphères amies, où sur un tapis de cliquetis discrets, la voix évoque
l’harmonie céleste…), surtout Sabina (Sphères palpitantes, véritable
appel au sommeil attendri par les deux flûtes), l’ivresse et la justesse
expressive enchantent.
Cecilia Bartoli chante Steffani
Extase à Versailles
Steffani à Versailles, l’idée est plus que pertinente:
elle se justifie même car le diplomate compositeur joua du clavecin
devant Louis XIV…
A voce sola (mais accompagnée par un théorbe quand le luth véritable
aurait été plus adapté et historiquement plus juste), la prière
introspective comme une berceuse d’Amami (Niobe) prend tout son sens
dans l’écrin des boiseries à la capucine de la salle des chantres
attenant à l’orgue de la chapelle royale… Même accomplissement total,
dans la magie du cadre, pour cette » Nuit amie » d’Alcibiade, où
l’endormissement le dispute au rêve et à l’enchantement. On rêve demain
d’écouter enfin un opéra de Steffani (Niobe, Sabina, Alcibiade?)… à
l’Opéra royal.
1 heure de pure délectation musicale dont deux duos avec Philippe Jaroussky. DVD événement de décembre 2012.
Mission. Cecilia Bartoli chante les musiques d’Agostino Steffani. Diego Fasolis, I Barocchisti. 1 dvd Decca 074 3604. Airs d’opéras, Stabat Mater (extrait)…
pour Maria Malibran, mezzo). Avec Rebeca Olvera, John Osborn, Michele
Pertusi… Orchestra La Scintilla. Giovanni Antonini, direction. Festival d’été de Salzbourg, les 17, 20, 24, 27 et 30 août, Haus für Mozart.