vendredi 29 mars 2024

CD. ROKOKO. Arias de Hasse par Max Emanuel Cencic (Decca)

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CLIC_macaron_2014CD. Rokoko : arias de Hasse. Max Emanuel Cencic, contre-ténor (1 cd Decca). Avec Rokoko, le contre -énor  croate (né à Zagreb en 1976) fait une entrée fracassante chez Decca. Si Cecilia Bartoli ressuscite depuis peu la suavité haendélienne d’Agostino Steffani, Max Emanuel Cencic et sa voix d’or, au medium d’une richesse harmonique éblouissante dans ce nouveau programme, célèbre la passion dramatique d’un autre contemporain de Haendel, et comme lui, véritable phare musical européen au XVIIIè : Johann Adolf Hasse (1699-1783).

 

 

 

cd  » coup de coeur de classiquenews.com « 
Rokoko : Hasse ressuscité

Max Emanuel Cencic dévoile le génie lyrique de Hasse

CD_CENCIC_max_emanuel_cencic_hasse_opera-arias_DECCA_CD_290_coverROKOKO---copie-1 - copieBurney témoin voyageur et mélomane précieux pour la période, n’hésite pas à l’appeler  » Apollon « , tout en soulignant ce en quoi le style hautement raffiné, virtuose pourtant jamais décoratif de Hasse, fut l’un des plus estimés de son temps, en particulier par les têtes couronnées de Dresde à Vienne… Mais c’est surtout la sincérité et l’intensité de son écriture qui frappent aujourd’hui.
Révélant plusieurs airs extraits des opéras Arminio, Siroe, Tito Vespasiano (deux airs), Tigrane ou La Spartana generosa) sans omettre le superbe air d’ouverture emprunté à son oratorio « Il Cantico de’ Tre Fanciulli), le contre ténor Max Emanuel Cencic ne fait pas que ressusciter un compositeur injustement méconnu aujourd’hui : sa voix flexible et suavement timbrée s’affirme convaincante, d’une fermeté souple et irrésistible dans ce répertoire, dans toute sa plénitude maîtrisée, avec un medium d’une suavité délectable. Récital éblouissant, d’autant plus convaincant que chef et instrumentistes (Armonia Atenea. George Petrou, direction) développent avec le chanteur une superbe complicité expressive et poétique. Nouveau cd élu coup de coeur de classiquenews.com

 

 

Hasse révélé

D’emblée, c’est un Hasse éclatant et aussi direct qui surprend ici, grâce à son orchestre d’une finesse instrumentale mésestimée (cor, bassons, flûtes…) à laquelle les musiciens apportent un éclairage enthousiasmant.
La voix du soliste saisit par son assurance, tout en explorant plusieurs aspects méconnus du compositeur Saxon :  » Notte amica  » (cantico de  » Tre Fanciulli « , plage 1) berce par sa tendresse mozartienne, avec outre sa douceur suave, un soupçon de gravité tragique (couleur du basson)… le brio n’empêche pas la profondeur, voilà un cocktail gagnant qui pourrait bien expliquer la réussite de Hasse (comme c’est le cas de son compatriote et prédécesseur Haendel).
Un bon récital sait varier les humeurs et les climats expressifs, soignant les effets stimulants des contrastes ; ainsi le 2 est plus héroïque et pétaradant faisant valoir l’agilité triomphale d’Arminio, le héros unifcateur des germains contre les romains…
Le débit vocal assumé par Cencic met en lumière cette coupe napolitaine si spécifique, que maîtrise habilement Hasse, et que reprend aussi la vocalità plus artificielle de Jommelli par exemple.
En maître d’une dramaturgie lyrique équilibrée, Cencic alterne ainsi affects alanguis suspendus (plage 3, Siroe :  » la sorte mia tiranna  » d’une dignité héroïque pleine d’effusion plus introspective) tout en ciselant surtout l’impact émotionnel des arias plus trépidants : ainsi  » Opprimete i contumaci  » de Tito Vespasiono (plage 4) frappe par son allant impétueux d’autant que l’orchestre sert idéalement la cadence à la fois martiale et fruitée d’une partition très caractérisée. Même tempête et même houle véritable, et d’une énergie vivaldienne (mélismes accentués du basson dialoguant avec les cordes frénétiques) dans L’Olimpiade qui suit (plage 5) :  » Siam navi all’onde « … le flot éruptif est ici défendu avec une hargne instrumentale, une onctuosité vocale jamais prise en défaut.
Ipermestra (plage 6), est plus détendue et d’une insouciance quasi absente jusque là dans le programme : l’aria fait valoir la souveraine flexibilité du medium d’une caressante ivresse.

 

 

Flexibilité d’une voix contrastée

Après le Concerto pour mandoline (qui repose l’écoute suscitée par la fougue expressive du contre ténor), la seconde partie du récital est de la même veine : souple, caractérisée, ardente, profonde. Le soliste redouble même de généreuse expressivité dans deux airs sollicitant le souffle et l’agilité, le soutien comme le style :  » De’folgori di Giove  » d’Il Trionfo di Clelia, plage 10) d’une belle nervosité martiale (cors rugissants très mis en avant) : le héros civilisateur, vainqueur d’une arrogance noble et généreuse s’y précise ; comme dans la place suivante ( » Se un tenero affetto  » de La Spartana Generosa, plage 11 donc) : fureur vertigineuse et la belle intensité là encore s’affirment avec une assurance belliqueuse ; l’abattage est d’une rare autorité vocale y compris dans les mélismes et cascades les plus acrobatiques, exigeant surenchère expressive et précision rythmique. Du grand art. Dans le second air extrait d’Il trionfo di Clelia : Dei di Roma : la douceur souveraine se fait plus réconfortante (avec une belle instrumention comprenant hautbois, flûte et bassons); le registre et l’ambitus -plus central, sont ici idéalement confortables pour la voix de Max Emanuel Cencic, aux couleurs sombres idéalement claires et mordantes.
Pour conclure ce récital en tous points abouti, les musiciens relèvent les défis des deux derniers airs :  » Solca il mar  » (plage 13, extrait d’Il Tigrane), véritable air de bravoure, expression d’une stabilité et d’une assurance inflexible sur l’océan et la houle d’un destin souvent contraire (notez la métaphore, car le texte parle de tempête et de naufrage) : la très belle complicité des instrumentistes (cors nobles et cordes trépidantes) sert la belle progression dynamique dont est capable le contre-ténor.
Enfin en guise de coda et d’adieux, rien ne vaut des accents secs à l’orchestre, ceux d’une coupe frénétique : ardeur expressive, agilité, virtuosité et expressionnisme d’une flamme toute tragique dans Tito Vespasiano, Max Emanuel Cencic se tire avec subtilité de cet air ample ; il passe de l’orage tragique éperdu à la langueur plus implorante, réussissant les passages avec ce moelleux et ce soutien si délectables. Saluons l’artiste, l’interprète, l’instinct du musicien, idéalement au diapason des affects d’un Hasse souvent imprévisible, d’une constante rage dramatique.
Au total, en 8 opéras et 1 oratorio ainsi dévoilés, le programme séduit indiscutablement, soulignant et les dons impressionnants du chanteur, et l’art contrasté et raffiné du saxon Hasse.  Bel accomplissement.

 

 

Rokoko. Arias de Hasse. Max Emanuel Cencic, contre-ténor. Orchestre Armonia Atenea. George Petrou, direction. 1 cd Decca. Parution : le 20 janvier 2014.

 

 

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