CD. Rameau : Castor et Pollux (Christie, 1992) … La deuxième tragéde lyrique de Rameau célèbre l’amour fraternel et viril. La réalisation de William Christie est liée à cet accord exemplaire (légendaire) entre un plateau de solistes quasi idéal (Daneman, Shirer, Padmore…), un choeur palpitant (sauf les sopranos pour le tableau d’Hébé), des instrumentistes conteurs, inventifs, nuancés. La direction du chef est exactement emblématique de sa sensibilité comme raméllien de premier plan : aiguë sans être cassante ni raide, précise et mordante, d’une fluidité hautement dramatique, capable d’une tendre et poétique sincérité. La plasticité de la déclamation lyrique française, engagée, vivante, véhémente et subtile, exceptionnellement imagée, excite l’écoute, grâce à l’exigence impliquée des protagonistes : noblesse virile de Pollux (Corréas), déchirante sincérité de Télaïre (Mellon), Castor ému et naturel (Cook), Phébé impliquée et humaine (Gens). L’orchestre est souverain ; y brillent de tous leurs feux crépusculaires et nostalgiques : bois et vents jubilatoires. « Ah laisse-moi percer jusqu’aux sombres bords » (II,3) accorde la pureté et l’élégance du récitatif à l’un des plus expressifs paysages instrumentaux. De la fougue, du nerf et un éclat sans aucune faute de goût… Appréciez ici la classe de William Christie. Son exactitude et ses accents, ses dosages d’une émouvante fragilité, ses rebonds rugissants éclairent la frénésie de Rameau, capable de brûler les planches par cette imagination et cette liberté singulière, tout à fait uniques à son époque. Il conduit la progression dramatique avec cette délectation contenue en vertiges souvent alanguis (quelle maestrià!) : le geste exprime l’indicible et profonde nostalgie de la musique du plus grand compositeur d’opéras au XVIIIè en France. Superbe gravure. 3 cd Harmonia Mundi.