jeudi 18 avril 2024

CD. Polyphonies subtiles d’Alonso Lobo

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CD. Lobo : 2 Messes (La Grande Chapelle. Albert Recasens, 2012   …   Voici le nouvel album de l’ensemble espagnole dirigé avec que tact par Albert Recasens. Outre la justesse du geste interprétatif, les musiciens et chanteurs savent aussi sous l’impulsion de leur chef « oser » des répertoires inédits. Après leur formidable programme recomposant une procession pascale à Rome piazza Navona à partir des musiques de Victoria, voici l’activité et la figure d’une personnalité musicale hors normes qui méritait bien ce coup de projecteur… Lobo surgit tel un immense créateur polyphonique au carrefour des XVIè et XVIIème siècles. La découverte est totale et l’expérience somptueuse.

 

 

Subtilités polyphonique de Lobo

 

lobo_cd_lauda_musica_recasensIl n’est pas de rayonnement plus grand que celui de la Cathédrale de Tolède durant les XVè, XVIè et XVIIè siècle : successeur de l’immense Moralès, Alonso Lobo de Borja (1555-1617), admiré par Lope de Vega et Gongora qui lui dédie plusieurs pages en hommage, y est responsable de la musique au moment où s’affirme la piété si particulière du peintre maniériste et prébaroque, El Greco. Le peintre est même son strict contemporain : le choix des illustrations généreuses qui habillent ce disque superlatif en témoigne ; pour autant y a t il véritablement analogie de goût entre les deux créateurs ? A chacun de défendre ou démentir leurs caractères communs. De toute évidence, l’inspiration sacrée tient lieu ici de dénominateur commun, outre leur positionnement chronologique, à cheval entre les deux siècles : sur le sujet de Marie, voici deux Messes  parodies d’inspiration virginale : Prudentes virgines à 5, et Beata Dei genitrix à 6, les deux sont contenues dans le Liber primus missarum de 1602 ; la première oeuvre est une reconstitution pionnière et donc l’objet d’une premier enregistrement mondial.
S’y accomplit cette science  » classique  » louée dès son vivant et qu’il avait déjà réalisé dans le célèbre Versa est in luctum destiné aux funérailles de Philippe II (1598).
Le compositeur qui connaît une carrière calme et progressive entre 3 villes : Osuna (sa ville natale) puis Séville et Tolède, fut l’assistant de Guerrero dès 1566, puis son successeur comme maître de chapelle à la Cathédrale de Séville en 1604…
après avoir quitté Tolède où il était pourtant grassement payé. Au sein du choeur sévillan dont il fait un foyer exceptionnellement actif et prestigieux, Lobo assure la formation des chantres dont l’illustre Carlos Patiño, génie musical du règne de Philippe IV…

Nervosité, expressivité dramatique, mais aussi rondeur du son collectif, (prise de son parfaitement équilibrée), les solistes a capella de La Grande Chapelle retrouvent ici deux oeuvres qui correspondent idéalement à leur effectif et leur intention artistique depuis la fondation de l’ensemble : sans instruments ni continuo, les chanteurs sont capables de caractériser très finement la portée dramatique de l’écriture et donc éclairer remarquablement le sens du texte (en particulier dans l’évocation de la Parabole des Vierges veillant dans la nuit le retour de l’époux espéré… : certes le tissu polyphonique tend à diluer le verbe et les parties vocales entre elles, mais le soin qu’apporte Albert Recasens électrise voire sublime le geste expressif dans un contexte purement sacré qui maintient l »intelligibilité du verbe avec une grande clarté. Moins abstraite, plus incarnée et investie, l’écriture de Lobo gagne en relief et en impact émotionnel. Le chef prend soin, messes-parodies oblige, de jouer d’abord la source musicale, deux oeuvres du maître de Lobo, Guererro donc, puis la  » variation  » du disciple.  Entre hommage et filiation, la lecture s’impose d’elle même, dans sa finesse et sa justesse. Le programme fait suite au concert à Cuenca (Espagne), pendant la Semaine Sainte 2012 (avril) où les mêmes artistes reconstituaient une pièce de Lobo dont le manuscrit a été retrouvé dans les archives de la Cathédrale. Un nouveau grand moment de ferveur et d’accomplissement musical qui trouve ici un écho tout aussi convaincant. Magistral.

Alonso Lobo : 2 messes. Misas « Prudentes Virgines », « Beata Dei genitrix ». La Grande Chapelle. Albert Recasens, direction. 1 cd Lauda Musica. Parution : 22 octobre 2013.

La Fiesta de Pascua en Piazza Navona. La fête de Pâques sur la Piazza Navona. Tomas Luis de Victoria.

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