samedi 20 avril 2024

CD. Notturno. Thomas Hampson, baryton chante les lieder de Richard Strauss

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hampson strauss cd notturno richard strauss cd deutsche grammophonCLIC D'OR macaron 200CD. Notturno. Thomas Hampson, baryton chante les lieder de Richard Strauss… Un diseur né se dévoile ici avec une maîtrise éclatante. L’offrande d’un immense chanteur dont l’humilité sert essentiellement la musique et les intentions du compositeur : une telle probité esthétique est déjà exceptionnel… Dès les premiers lieder de ce récital idéalement réalisé, l’auditeur peut apprécier le sens du texte, le souci du verbe évocatoire, une prosodie taillée pour l’indicible et l’expression des mondes émotionnels ténus. Dans Die Nacht de 1885 (la couleur nocturne est évidemment favorisée, titre oblige), le caractère enchanté s’affirme nettement aux côtés du travail sur les couleurs et la perfection palpitante du phrasé. Articulation précise, timbrée, souple mettent en lumière l’expertise du diseur autant soucieux des fins figuralismes poétiques des textes que de leur tension architecturée et leurs contrastes dramatiques.

Thomas Hampson, maître diseur

Travail ciselé sur le poème musical. A partir du 3ème lied (Winternacht de 1886), le style dévoile un autre aspect non moins essentiel du travail de Hampson sur le style straussien : plus dramatique, aussi expressif et communicant que subtilement suggestif.

Proche en cela de style parlé/chanté que Strauss recherchait dans ses opéras conçus comme des comédies légères y compris ses fresques féeriques orientales comme La femme sans ombre ou mythologiques, telle Hélène l’Égyptienne. Le modèle absolu restant Ariadne auf Naxos (Ariane à Naxos), dans sa version définitive qui emprunte autant au théâtre quà l’opéra puis surtout Le Chevalier à la rose de 1911 : la qualité de ses récitatifs de ce style durchkomponist subjugue, rappelant/actualisant la souplesse du récitatif montéverdien, ou mozartien. Caché l’art par l’art même, faire comme s’il était naturel de chanté en parlant… Tel n’est pas le moindre défi réalisé par l’excellent Thomas Hampson.

Ici le divin straussien qui a marqué l’interprétation du rôle de Mandryka dans Arabella,  que l’on aimerait mieux encore découvrir dans le rôle du cousin de la Maréchal du Chevalier à la rose, le Baron Ochs von Larchenau pour lequel il s’engagerait idéalement par sa finesse conçue dès l’origine par Strauss et Hoffmansthal et systématiquement outrée dans nombre de productions irrespectueuses,  embrase et cisèle chaque lied par une rayonnante vitalité.

Dossier Richard Strauss 2014De plus 13mn le lied Notturno donne son titre à l’album et sur les vers de Richard Dehmel peint, – comme son autre poème qui fait la substance poétique déchirante et suspendue de La nuit transfigurée de Schoenberg-,  un paysage psychique très proche des intentions lyriques de l’auteur d’Elektra ou de Salomé. Le lied envoûte par ses climats de saisissante et mordante étrangeté. C’est une valse solitaire enivrée aux audaces en pertes d’équilibre où le chant est l’indice d’une hypnose,  d’un envoûtement à la fois tendre et vénéneux. .. Hampson par sa subtilité naturelle en fait le sommet central du récital … avec le languissant concours  ou l’écho fraternel du violon solo, lui aussi enchanté dont la vibration âpre, déprimée d’une âme consciente de la perte, celle des amis défunts, se confesse insidieusement.

Raffinement,  subtilité,  ivresse, extase,  le timbre de Thomas Hampson en rappelle un autre celui de l’inégalable Dietrich Fischer Dieskau. Dans le royaume du lied enchanteur,  le baryton américain affirme son excellence superlative.  En pleine année Strauss 2014, l’on ne pouvait espérer plus bel hommage ; c’est qu’aux côtés du symphoniste et compositeur lyrique,  voici Strauss, maître du lied dévoilant en complément à ses Quatre derniers Lieder pour orchestre, célébrimissimes, des perles introspectives méconnues qui semblent épouser les sentiments et aspirations de l’homme mûr et vieillissant comme le suggèrent les trois derniers lieder les plus tardifs …. bavardage autobiographiques diront les jaloux. .. facettes subtiles d’un tempérament infiniment musicien, un égal de Schubert, Zemlimsky,  Hugo Wolf dans les champs infinis du lied suggestif.

Richard Strauss: Notturno.  Lieder par Richard Strauss. Wolfram Rieger, piano Steinway D. 1 cd Deutsche Grammophon, enregistrement réalisé à Berlin en décembre 2013 et et janvier 2014.

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